Voici un classique de la littérature américaine, revenu sur le devant de la scène depuis la sortie du second roman de l’écrivain, la suite du premier, et son décès en début d’année. L’occasion pour moi, comme pour de nombreux lecteurs, de découvrir ce succès mondial au titre nébuleux, resté le seul et unique publié par Harper Lee durant plus de cinquante-cinq ans ; de quoi susciter la curiosité.

Résumé de l’éditeurOLYMPUS DIGITAL CAMERA

Dans une petite ville d’Alabama, à l’époque de la Grande Dépression, Atticus Finch élève seul ses deux enfants, Jem et Scout. Avocat intègre et rigoureux, il est commis d’office pour défendre un Noir accusé d’avoir violé une Blanche.

Mon avis

J’ignorais tout de cette histoire avant ma lecture, même son genre. Je sillonnais en terre inconnue. J’ai ainsi fait la rencontre de Scout, une petite fille étonnante, curieuse, espiègle, malicieuse et désobéissante, et de son grand-frère Jem, moins lumineux, il veut jouer au grand, être responsable et surtout prouver coûte que coûte  sa bravoure. Jem est convenable dans son rôle de frère ainé, quoique manquant parfois cruellement de bienveillance envers Scout. Il y a aussi le père, Atticus, que ses enfants n’appellent pas « papa » ; particularité qui m’a immédiatement interpellée mais demeurant sans explication.

La première partie du livre est interminable. Il m’en a fallu de la persévérance pour avancer dans le récit, je bloquais à chaque chapitre. L’intrigue est très longue à se mettre en route, elle est précédée de morceaux de vie, au cœur d’une petite ville où tous se connaissent, s’espionnant, se jugeant, se côtoyant plus ou moins hypocritement. Au milieu il y a les enfants, leurs jeux, leurs déboires, leurs illusions, le monde qu’ils se construisent, les questions qu’ils se posent, les théories qu’ils élaborent sur ce qui les entoure. Les chapitres sont décousus, le lecteur passe d’une courte histoire à une autre, retrouvant les mêmes personnages et leurs interventions similaires. Je me suis un peu sentie délaissée au cœur de ce petit monde, peu familier à mes yeux ; l’impression de circuler dans une rue qui me resterait à jamais étrangère. L’ambiance close et intimiste du lieu, du quartier précisément, m’a refroidie ; je n’étais pas avide d’en savoir plus, je n’étais pas intéressée par les personnages, alors que tout aurait pourtant dû attiser ma curiosité. J’aurais pu m’attacher à Scout, la narratrice, car elle pétille, elle est pleine de vie et d’interrogations, elle incarne le personnage type que l’on a envie d’apprécier, une enfant animée par des pensées matures. Malgré cela, je suis restée bien stoïque face à ses aventures, pas suffisamment haletantes peut-être, ou bien par lesquelles je me sentais trop peu concernée. L’enchaînement des événements nuit aussi probablement à la tension, il n’y en a guère dans cette première partie, le rythme est bancal du fait d’une alternance de péripéties peu exaltantes.

Je dois vous parler du père, Atticus, un avocat intègre réputé dans la ville. Il est la droiture même, la tempérance, il ne dépasse pas une route imaginaire pavée de justice, de clémence et de mesure. Atticus est le pilier du livre, il supporte tout, il ne cède pas, il ne tremble pas. Il élève seul ses deux enfants dans la tolérance, le respect, l’écoute et la prévenance, toutes valeurs dont, dans un monde utopique, devrait être affublé chaque parent. Atticus est un personnage parfaitement lisse, ce que l’on n’attend pas forcément d’un avocat, quelques aspérités auraient été bienvenues.  Je ne sais quel modèle éducatif a souhaité transposer l’auteure à travers lui, car malgré toutes les qualités humanistes dont il est doté, indéniables et dessinant un individu exemplaire, j’ai eu bien du mal à percevoir en lui les traits d’un père. La bienveillance n’empêche pas la distance, et entre Atticus et ses enfants réside une tranchée d’incompréhension et de non-dit. Ce sentiment est renforcé par l’absence de dialogue approfondi entre eux. Les interventions du père ont valeur de prophétie, de prévention ou de douce réprimande. Je n’ai vu ni la tendresse, ni la sévérité, ni l’exigence attendues chez un père et qui auraient certainement enrichi son personnage ; en somme, il m’est apparu plutôt austère et froid. Son rôle, irréprochable, ne m’a pas convenu comme modèle parental. Aussi, ce qui lui fait défaut se retrouve exacerbé chez Jem, l’ainé qui, auprès de sa sœur, agit avec toutes les oscillations que l’on rencontre chez un père, ou une mère, justifiées ici par les tourments de la pré-adolescence ; transvasement logique.

Ainsi, je n’ai pas été transportée par le quotidien de cette petite famille, ni même du quartier où elle réside ; quotidien retranscrit dans la première partie du livre, définitivement trop longue, répétitive, sans intrigue principale hormis le mystère planant sur un voisin, caché derrière les volets de sa lugubre maison autour de laquelle les enfants se lance de curieux défis. C’est le seul élément qui a aiguisé ma curiosité.

Le livre prend enfin un tournant décisif et percutant dans la seconde partie, lorsque l’on assiste au procès d’un jeune noir accusé d’avoir violé et frappé une blanche. L’homme est défendu par Atticus, et c’est dans ce rôle que ce dernier excelle. Après les mésaventures enfantines de Scout et Jem, nous retrouvons un peu de sérieux au cœur du tribunal. L’affaire, quoique banale, m’a passionnée. L’on ressent l’agitation du peuple, toute la haine et la colère envers les Noirs sont dans ce lieu exacerbées. Les preuves les plus évidentes de l’innocence du présumé coupable sont atrocement manipulées, contournées. Et c’est là que la narration de Scout prend tout son sens, car c’est à travers ses yeux de gamine que nous participons au procès. Elle se reçoit en pleine face toute la monstruosité du climat raciste de l’époque. Ce n’est ni larmoyant, ni naïf, ni poussif, ni trop initiatique, c’est juste. La personnalité de Scout, jusque-là exploitée dans des affaires bien futiles, explose dans ce procès. Et alors j’ai compris la longue préparation, les multiples chapitres plantant le contexte, les personnages, l’environnement, l’hostilité sourde envers les Noirs, en filigrane de l’histoire mais omniprésente dans le quotidien des enfants.

L’intensité du procès est aussi renforcée par le lien familial entre l’avocat et ces deux petits spectateurs qui se sont glissés dans la foule, observant et interprétant comme le font les enfants. La scène est émouvante, quand ces deux gamins soutiennent, et ils sont les seuls, le père et son client mais non sans comprendre l’enjeu du « combat », et son issue, tragique. Ils comprennent le drame qui se tisse, ils saisissent l’incohérence des propos, ils décèlent les manigances, ils sont bien plus futés que la majorité des adultes venus assister à la condamnation, car c’est ce qu’ils attendent tous ; pour justifier leur haine il faut qu’elle soit servie, et donc légitimée, par la justice. De manière contradictoire la profondeur du lien familial ne sera jamais aussi marquée que lors du procès. Atticus est bien sûr du bon côté, si l’on se positionne du point de vue de la morale et de la justice, la vraie, mais du mauvais car il réside dans une ville profondément raciste où la culpabilité se joue à la couleur de la peau.

Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur ne m’a pas bouleversée. Je crois être passée à côté des personnages, ne m’attachant à aucun d’eux, malgré la narration portée par une fillette de neuf ans douée de grandes qualités et à l’esprit bouillonnant. La seconde partie a tout de même réveillé mon intérêt, la voix de la petite fille trouvant là toute son ampleur et sa raison d’être. Je résumerai ce récit au témoignage d’une époque charnière pour les États-Unis à travers le regard d’une enfant. La construction du récit et l’idée de mêler deux problématiques, l’enfance et la ségrégation raciale, était séduisante mais je n’en garderai malheureusement pas un souvenir impérissable. Le coup de cœur entre ce que beaucoup considèrent comme un chef-d’oeuvre et moi n’a pas eu lieu.

Et vous, avez-vous été séduit par cette oeuvre ?

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