Parce que je voulais à ce moment-là lire un polar français qui tienne la route, j’ai jeté mon dévolu sur ce roman plutôt bien noté par la critique, officielle et bloguesque. Bien que le genre soit aussi instable que les montagnes russes – on ne sait jamais sur quoi on va tomber – il est parfois bon de mesurer la température en piochant parmi ce qui se fait, j’oserais dire parmi les « tendances ». Bref, même si l’histoire n’est pas toujours à la hauteur, lire un polar ne peut être en soi une expérience totalement foireuse, dans le sens où, en principe, l’ennui est proscrit (sur un roman de 300 pages c’est le minimum).

Résumé de l’éditeurToxique - Niko Tackian

Nous sommes en janvier 2016. La directrice d’une école maternelle de la banlieue parisienne est retrouvée morte dans son bureau. Dans ce Paris meurtri par les attentas de l’hiver, le sujet des écoles est très sensible. La Crim dépêche donc Tomar Khan, chef du groupe 3 de droit commun, surnommé le Pitbull et connu pour être pointilleux sur les violences faites aux femmes.

Mon avis

Il faut savoir que ce roman fait suite à un précédent inaugurant une série mettant en scène Tomar Khan. Élément à préciser pour les soucieux d’un certain ordre mais qui n’est guère essentiel pour notre intrigue, si ce n’est peut-être afin de mieux cerner la personnalité de Tomar Khan et suivre son histoire. Lui, est un flic, un bon flic, un très bon flic qui, comme tout bon flic, se double d’un homme civil à la vie sentimentale, familiale et sociale quelque peu… désordonnée. La littérature n’a pas fini de nous enseigner qu’un policier compétent reste un homme malheureux, torturé, angoissé, limite.

J’ai donc dit Bonjour à Tomar Khan, sans grand enthousiasme tant j’ai perçu en lui le duplicata de ce personnage que l’on ne rencontre que dans les livres. Ne me croyant pas obligée de suivre ses errances sur plus d’une dizaine de pages, je l’ai mis de côté, concentrée sur l’affaire portée par le titre, celle d’une tueuse. Je ne vous donnerai pas son nom, pour préserver son anonymat un temps… juste un temps, car vous devrez rapidement dire adieu au suspense concernant son identité. Je ne critique pas la méthode, nombreux sont les romans du genre à orienter l’intrigue dans ce sens-là.

Nous avons donc une femme qui s’est donné une mission précise en ce bas monde, mission qui la conduit à semer quelques cadavres, peu en réalité. Le roman se concentre sur l’une de ses victimes. Nous avons une directrice d’école, une maman d’élève, son amant : un responsable de centre de loisir, et enfin un petit garçon : le fils de cette dernière. Il y a bien une intrigue pour nouer ces personnages entre eux et exercer les motivations de la tueuse, déterminée et froide. Tomar Khan et ses équipiers se montrent bien présents pour tenter de percer l’identité du coupable et ses antécédents. Quelques interrogatoires et enquêtes de voisinage sont là pour nous montrer la voie de l’enquête.

Sur le papier, le polar est là. Dans les faits, il se camoufle. L’identité de l’assassin révélée fort tôt associée à une intrigue secondaire autour de Tomar Khan : sa vie, ses drames, nous font nous demander ce qui a bien pu pousser un certain Ian Manook (confer. couverture) à déclarer : « Un polar puissant ! ». En lieu et place d’une intrigue policière haletante, nous suivons Tomar et ses amours désespérées, Tomar et sa mère, Tomar et son petit frère, Tomar et son faux père, Tomar et ses cauchemars, Tomar et son propre crime. Ce qui représente, logiquement, environ 80 % de l’histoire. Les 20 % sont quant à eux vite expédiés. On ne voit clairement pas l’enquête se dérouler, on l’oublierait presque. 300 pages c’est peu pour raconter à la fois le quotidien mouvementé d’un homme et d’un flic, et jouer avec le suspense autour d’une série de meurtres qui s’arrête à… un.

L’idée de fond, le socle de l’intrigue, ce qui fait que le crime existe, est loin d’être pauvre. Comme souvent, les motivations du criminel sont à chercher dans sa propre histoire, livrée très brièvement ici, et prennent une dimension justicière intéressante rendant ambivalents les sentiments à son égard. Le lecteur ne trouvera pourtant pas suffisamment matière à enrichir son expérience de lecture dans cette ambiguïté car celle-ci manque de traitement.

Cependant, et sans surprise, le rythme ne souffre pas de temps de latence, digressions, pauses ; il est même plutôt bien mené, ceci est appréciable. Mais la concision du livre et la pluralité de fils rouges suivis n’autorisent pas une faiblesse de ce côté-ci. Toxique ne présente rien qui me fait dire que j’ai entre les mains un texte original et audacieux, sortant des sentiers battus. J’ai beau chercher, je ne distingue qu’un énième récit à ranger dans la catégorie « Policier contemporain français », pour se divertir, oui, pour ceux qui n’en lisent pas souvent, peut-être.

Finalement, j’ai tourné les pages de Toxique non par hâte de connaître la suite mais par une sorte de curieux réflexe que les romans policiers et autres thrillers provoquent en moi depuis peu. Une fois commencés, il me faut les terminer au plus vite ; comme si leur lecture s’apparentait à un divertissement autorisé entre deux romans plus costauds. Ceci est un fait, j’en lis de moins en moins. Je crois me répéter en affirmant que j’ai du mal à m’y retrouver, que je ne vibre plus autant qu’avant. Je n’ai pas eu de révélation depuis… Pierre Lemaitre, il y a quelques années donc. Chroniquer ce genre de roman m’est devenu pénible, c’est dire ; comme une impression de répétition où les défauts que je soulève se retrouvent dans tous.

Il y a plus motivant, vous ne croyez pas ?

Et vous, soyez honnête, quel est votre dernier coup de cœur policier ?

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