J’ai déjà partagé avec vous quelques avis sur Fred Vargas, écrivain que j’affectionne tout particulièrement, notamment dans l’article sur le roman Un lieu incertain. C’est impatiemment que j’ai attendu la sortie de Temps glaciaires, paru mercredi dernier. D’autant plus que depuis 4 ans Fred Vargas n’avait rien publié.
J’ai même programmé mes lectures précédentes en fonction de la sortie de ce livre, ne voulant pas interrompre une lecture en cours. Ma patience a des limites tout de même.
« Adamsberg attrapa son téléphone, écarta une pile de dossiers et posa les pieds sur la table, s’inclinant dans son fauteuil. Il avait à peine fermé l’œil cette nuit, une de ses sœurs ayant contracté une pneumonie, dieu sait comment. – le femme du 33 bis ? demanda t’il. Veines ouvertes dans la baignoire ? Pourquoi tu m’emmerdes avec ça à 9 heures du matin, Bourlin ? D’après les rapports internes il s’agit d’un suicide avéré. Tu as des doutes ? Adamsberg aimait bien le commissaire Bourlin. Grand mangeur, grand fumeur, grand buveur, en éruption perpétuelle, vivant à plein régime en rasant les gouffres, dur comme pierre et bouclé comme un jeune agneau, c’était un résistant à respecter, qui serait encore à son poste à 100 ans. – Le juge Vermillon, le nouveau magistrat zélé, est sur moi comme une tique, dit Bourlin. Tu sais ce que ça fait les tiques ? »
Mon avis
Je vous avais parlé de la poésie qui se dégage des livres de Fred Vargas, des personnages attendrissants et particuliers, des histoires toujours loufoques, drôles et pleines de surprises.
Je dois vous dire que l’on retrouve tous ces ingrédients dans Temps glaciaires. Et le contraire m’aurait fortement déçue, car ces éléments représentent la marque de fabrique des romans de l’écrivain. Le commissaire Adamsberg est certainement mon personnage de fiction policière préféré. Le retrouver, lui et toute sa brigade, m’a immédiatement procuré le plaisir que j’attendais. Et un tel préambule ne pouvait que m’aider à rentrer dans l’histoire avec une facilité déroutante. Fred Vargas nous propose ici du Fred Vargas. Ni plus, ni moins.
Irais-je jusqu’à dire que, pour autant, l’intrigue reste sans surprise ? Bien sûr que non, car tout le talent de l’écrivain est là ; nous proposer une histoire qu’elle seule peut écrire, qui instaure un cadre, de nouveaux personnages et des situations inédites, tout en préservant le côté ouvertement décalé que l’on apprécie tant.
Ainsi, dans Temps glaciaires nous voyageons en Islande, sur une petite île où dix ans plus tôt a été commis un double meurtre resté tu. Dans le même temps, nous découvrons une association de défense des écrits de Robespierre regroupant tous les férus de cette période sombre de l’Histoire, certains plus impliqués et dérangés que d’autres. Nous avons donc deux cadres, que tout oppose il en va sans dire, mais qu’Adamsberg va tenter de croiser, avec comme à son habitude le manque de méthode et le non-sens qui lui vont si bien, afin de résoudre une série de crimes passant pour des suicides. Le lecteur, en plus de se divertir, en apprend sur la Terreur, les personnages centraux de l’époque, les évènements marquants et le contexte politique. Certes, Fred Vargas, se délecte davantage des anecdotes méconnues, mais tout de même, en novice que je suis, j’ai retenu quelques éléments historiques intéressants.
Voilà pour la trame de fond, qui est assez dense pour nous offrir de la matière. J’ai ri à de nombreuses reprises, des répliques et réflexions d’Adamsberg le plus souvent, des dialogues aussi, insaisissables et cocasses, et des situations dans lesquelles se retrouvent certains membres de la brigade. Fred Vargas parvient à tisser une intrigue faite de pièces totalement disparates, qui rendent la résolution de l’enquête énigmatique pour le lecteur avant la toute fin. Vous serez prévenus, inutile de rechercher le coupable, comme vous le faites sûrement en lisant des policiers plus « classiques », inutile aussi de vous creuser la tête pour tenter de trouver une cohérence dans les informations qui nous sont fournies. Car le fil conducteur c’est Fred Vargas qui le détient, qui nous en dévoile des petits fragments lorsqu’elle le souhaite, ce qui n’aide pas forcément les lecteurs, et je suis d’avis de dire qu’elle doit se complaire dans cette activité de camouflage. Nous n’aurons droit à une explication que dans les dernières pages. Et c’est à ce moment-là seulement que nous pourrons mettre en relief les éléments du récit qui nous paraissaient inutiles. « Inutiles » n’étant pas forcément péjoratif ici.
Ce que j’apprécie aussi dans les livres de cet écrivain, est que, malgré le fait que cela fasse plus de vingt ans qu’elle publie des romans, notamment ceux mettant en scène notre cher Adamsberg, il est difficile de situer les histoires à des époques précises. C’est-à-dire que Temps glaciaires aurait pu se dérouler il y a dix, quinze ou même vingt ans, si toutefois Vargas n’avait pas fait référence aux réseaux sociaux. Mais, à l’opposé des policiers actuels qui surfent sur les avancées technologiques, en usant et parfois en abusant outrageusement, avec Fred Vargas nous restons à un âge indéterminé, bien loin des problématiques sociales, politiques et scientifiques de notre époque, et c’est ce qui fait tout le charme de ses romans. Selon moi, la brigade est restée coincée dans les années 90 et honnêtement je trouve cela drôlement bien pensé. Les choses semblent, d’un livre à un autre, être immuables, les caractères n’évoluent pas, et la vie privée des personnages fonctionne au ralenti. Ils ont tous des personnalités tellement marquées, constituées de traits distinctifs plus ou moins curieux, que toute évolution serait finalement dommage et nuirait à la saveur si particulière du récit. Je me rends compte que ce que je vous dis des livres de Vargas représenterait très certainement des reproches pour d’autres livres. Je vous invite vivement à découvrir l’univers si particulier de cet écrivain, afin vous vous fassiez une idée approximative de ce que j’essaye d’exprimer.
Néanmoins, puisqu’il faut bien de réels défauts dans un roman, Temps glaciaires nous offre un dénouement qui m’a laissée perplexe. En effet, le mobile et les motivations du tueur me paraissent on ne peut plus floues, et surtout peu réalistes. Je viens de vous dire qu’il ne fallait pas forcément chercher de logique dans l’histoire, mais tout de même, il me semble que dans les précédents romans de Vargas la résolution de l’enquête offrait un semblant de cohérence nécessaire aux lecteurs. Or ici, ce n’est pas forcément le cas. J’ai dû fouiller dans le roman pour obtenir des réponses me permettant d’éclairer la démarche du meurtrier.
Je tiens à vous prévenir aussi, si ce livre est votre première lecture de Fred Vargas, que vous risquez de vous perdre dans les personnages. En effet, dans celui-ci particulièrement, nous en avons un nombre assez important, entre le groupe de touristes en Islande, les membres de l’association de Robespierre, les habitants du Haras où a été commis l’un des meurtres, et la dizaine de membres de la brigade, cela représente beaucoup. En tout cas, j’ai eu quelques difficultés à mémoriser tous les noms et les rôles associés.
Je conclurai en disant que Fred Vargas nous offre avec Temps glaciaires, un roman dans la continuité de ce qu’elle a l’habitude d’écrire. Tous les ingrédients faisant que l’on aime ses histoires sont réunis ici. Néanmoins, j’émettrai un bémol sur le dénouement qui m’a laissée pantoise. Je ne peux que vous conseiller les livres de cet écrivain, en commençant par celui-ci, ou non. Car l’ordre n’a finalement que peu d’importance.
Et vous, connaissez-vous l’univers de Fred Vargas ? Avez-vous l’intention de lire Temps Glaciaires ? Ou peut-être l’avez-vous déjà lu?
Lu, dévoré, adoré!
Du grand Vargas, Adamsberg lunaire à souhait et Danglard plus humain que d’habitude…
Pas de problème de cohérence pour moi. Enfin, pas plus que d’hab’ (car de toute manière, c’est secondaire chez Vargas, non?)
Un regret: Je l’ai lu trop vite!! J’ aurais adoré rester un peu plus avec tous les personnages…
Merci pour ton commentaire Karine 🙂
Tu n’as pas trouvé que le mobile des meurtres était un peu léger ?
Enfin, nous sommes d’accord sur l’essentiel 🙂
Léger, non. Tiré par les cheveux, sans doute!! Mais bon…
Je voulais dire « léger » dans le sens où ça ne justifie pas tellement les meurtres je trouve, donc oui c’est tiré par les cheveux. Mais bon, avec Fred Vargas il faut s’attendre à tout !
[…] personnalité atypique comme je les aime, excessif parfois mais tellement attachant. Entre lui et Adamsberg mon cœur balance; je rêve secrètement d’une rencontre littéraire entre ces deux […]
[…] près de Nîmes et non au cœur de Paris, là, pourtant, où il est censé exercer ses fonctions (On l’avait quitté en Islande, c’est vous dire). Mais connaissant la brigade, ses mœurs, son mode de vie, ses personnages, le […]