Maylis de Kerangal m’avait fascinée dans Réparer les vivants, avant de m’étonner avec Naissance d’un pont. J’ai découvert une auteure surprenante à la plume singulière, qui possède sa propre langue et une manière bien à elle de raconter. Aussi, c’est sans trop d’inquiétude que je me suis procuré ce court roman ; convaincue de me laisser une nouvelle fois entraîner par la déferlante de Kerangal.

Résumé de l’éditeurDans les rapides - Maylis de Kerangal

Le Havre, 1978. Elles sont trois amies inséparables. Un dimanche de pluie, elles font du stop, et dans la R16 déboule la voix de Debbie Harris, la chanteuse de Blondie. Debbie qui s’impose aux garçons de son groupe, Debbie qui va devenir leur modèle.

Mon avis

J’aurais peut-être dû être plus vigilante quant à l’histoire qui nous est ici racontée, centrée sur la fascination de trois jeunes filles pour la chanteuse du groupe Blondie. Mise en relation avec le nombre de pages du texte, il était évident que le résultat ne pouvait me plaire. Mais, la construction d’un pont est-ce une thématique davantage séduisante ? J’en doute.

Malgré la finesse de l’objet, cette lecture a été un véritable labeur, que je me suis forcée à achever avec peine. Rien, absolument rien ne m’a plu. Et, si la plume, autrefois admirée, aurait pu relever le tout, je dois admettre qu’elle a, au contraire, été un facteur supplémentaire à mon mal. Le style propre à l’auteure ne peut pas tout raconter ; si le fond n’emporte pas le lecteur, les mots employés participeront à sa noyade.

Maylis de Kerangal c’est un excès langagier, un vomi lexical laissé tel quel, sans forme. Cet écoulement urgent était parfait pour raconter la transplantation dans Réparer les vivants, il avait lieu d’être pour ériger un pont, mais il est inutile et, pire, pénible pour conter les états d’âmes adolescents à la fin des années quatre-vingt. Car alors, l’histoire est beaucoup trop creuse pour supporter un tel decorum grandiloquent, assommant, épuisant.

Le propos est emporté par une avalanche de phrases longues comme mon bras, déconstruites et énumérées. Il y a aussi que je me fiche de Blondie, de sa chanteuse, de son époque, que je n’ai pas connue. L’échantillon de sa vie, ici retranscrit, est tout juste agréable à parcourir pour les fans de la première heure. La fascination des jeunes filles n’a trouvé aucun écho en moi, elle est trop codée, propre à une décennie particulière, à un style, une mode dont les spécificités sont étalées à la manière des magazines pour adolescentes. Sur quelques dizaines de pages, et avec une langue que je ne parle pas, me faire aimer Blondie était un défi que l’auteure n’a pas su relever. C’était couru d’avance.

Maylis de Kerangal évoque sans doute ses propres souvenirs, avec nostalgie et entendement. Elle ancre l’émancipation de jeunes filles dans une décennie qu’elle a traversée, y déverse quantité de détails, prête à décrire en longueur une simple photographie, une tenue de soirée, les premières notes d’une musique, le timbre de voix d’une chanteuse. En guise d’histoire racontée, nous avons un exercice descriptif rétro qui fera sourire les adultes concernés. Pour le reste, il n’y a rien qui vaille vraiment la peine que l’on s’y attarde.

Maylis de Kerangal m’a ennuyée, déçue, un peu froissée. J’ai expérimenté le côté pénible de sa plume, dont je ne m’étais pas aperçue lors de mes deux premières lectures, et crains de m’y frotter à nouveau. Dans les rapides est un livre que seuls les grands adeptes du style de Kerangal pourront apprécier, puisqu’il s’agit ici de la lire pour la lire. Pour les autres, je ne saurais trop vous conseiller de passer votre chemin. L’auteure a écrit des récits captivants sur des thèmes beaucoup plus intéressants.

Et vous, connaissez-vous cette écrivain ? Avez-vous lu l’un de ses romans ?

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