Sur les conseils d’une amie, j’ai fait tout récemment l’acquisition de ce livre dont je ne connaissais ni le titre, ni l’auteur. En me renseignant brièvement avant de l’entamer, j’ai pu constater son succès auprès des lecteurs.
Mon amie me l’avait présenté d’une manière qui me laissait présager un roman historique autobiographique. Mais ce n’est pas vraiment le cas…
Rubén, fils du célèbre poète Calderón assassiné dans les geôles de la dictature argentine, est un rescapé de l’enfer. Trente ans plus tard, il se consacre à la recherche des disparus du régime de Videla. Quand sa route croise celle de Jana, une jeune sculptrice mapuche qui lui demande d’enquêter sur le meurtre de son amie Luz, la douleur et la colère les réunissent. Mais en Argentine hier comme aujourd’hui, il n’est jamais bon de poser trop de questions, les bourreaux et la mort rôdent toujours…
Mon avis
Pour être honnête, il m’a fallu du temps pour rentrer pleinement dans l’histoire, environ 200 pages il me semble. Au début, je n’arrivais pas à m’y retrouver, non pas que l’intrigue soit complexe, mais rien ne parvenait à accrocher mon intérêt. En fait, je craignais de tomber dans un scénario cousu d’avance avec « les gentils » d’un côté, et « les méchants » de l’autre sur fond de complots politiques.
Mapuche aborde de manière plutôt crue et sans détour une page de l’histoire trop méconnue et que j’ai été finalement contente de découvrir plus en détails (ha ! la magie de la littérature), il s’agit de la dictature argentine de 1976 à 1983 (La junte). Morceau d’histoire sur lequel je ne m’étais jamais penchée, et qui fait froid dans le dos lorsque l’on ose en soulever le voile.
Mapuche est un livre d’une noirceur sans égal, rien n’est beau dans ce livre, aucune joie, aucun plaisir, aucun rayon de soleil, aucun espoir presque ; bref, que du sombre, de l’horreur et des mauvais sentiments.
Le roman débute avec les disparitions d’un travesti de Buenos Aires et de la fille d’un riche financier du pays. Ces deux drames vont provoquer la rencontre entre Jana, ancienne prostituée tentant de faire ses marques dans le milieu de la sculpture, et Rubén Caldéron, détective privé.
Je dois vous le dire, je n’ai ressenti aucun attachement pour ces deux personnages, rien du tout. Leur histoire d’amour peut paraître étrange, dérangeante, voire même scandaleuse, tant elle est brutale et féroce. Cette relation m’a mise dans une drôle de situation. J’ai eu tout d’abord du mal à croire en cette passion soudaine, puis j’ai essayé de la comprendre, en mettant face à face le passé dramatique des deux personnages, leurs maux et leurs blessures. J’ai été perturbée tout le long par ce « couple » pour le moins surprenant, n’arrivant pas à l’intégrer dans le récit et à suivre en même temps l’enquête principale.
Jana et Rubén sont des écorchés vifs, capables du pire comme du meilleur, ils sont on ne peut plus vivants mais trop insaisissables pour moi, ils m’ont filé entre les doigts durant toute ma lecture et ont provoqué en moi une sorte de terreur face à ce qu’ils étaient capables de faire.
On ne peut pas reprocher à l’auteur d’avoir manqué de substance de ce côté-là, il nous a créé de réelles personnalités, finement étudiées et mises en scène.
Concernant l’intrigue à proprement parler, celle-ci débute réellement par une découverte aux circonstances plus que limites. En effet, Caldéron retrouve dans l’estomac d’une petite vieille (qu’il éventre, oui oui), des bouts de papiers mâchés dont il parvient à reconstruire le document initial qui permettra de mener l’enquête sur les disparitions. Il me semble que l’auteur est parti un peu trop loin pour démarrer son intrigue. Je me serais attendue à trouver une scène de ce genre dans un thriller gore pour lequel on peut passer outre les incohérences, mais le ton employé dans Mapuche ne laissait pas présager ce genre de mise en scène, que je trouve inappropriée. Toujours est-il que l’intrigue part de ces minuscules bouts de papier mâchés et digérés (mais pourtant lisibles !!), qui nous guideront jusqu’au dénouement. Oui, cette découverte m’a gênée, pas tellement pour son horreur mais pour le rôle déterminant que l’histoire lui attribue.
Un autre élément m’a interpellée dans ce roman. En effet, on nous décrit une société meurtrie, corrompue et aux injustices encore bien ancrées dans les mœurs, mais les personnages qui l’animent sont des marionnettes creuses. Je m’explique, « les méchants » dans ce roman n’ont que la bêtise et la barbarie pour moteur. J’ai trouvé que leurs motivations n’étaient pas assez expliquées. Nous avons d’un côté nos deux héros, et de l’autres ces personnages secondaires assez fades, commettant des atrocités de manière tellement stupide qu’elles ne sont même plus effrayantes. De plus, ils se retrouvent à prendre des décisions franchement cocasses et d’une naïveté étonnante pour des criminels de leur trempe. Après, il est vrai que le réseau de ces criminels est plutôt vaste, distinguant donc les mains qui agissent des cerveaux qui pensent. Néanmoins, dans ce roman, on nous présente les deux parties, et ni les uns, ni les autres ne semblent être doués de réflexion. Ceux étant censés conduire les opérations se retrouvant au même niveau que leurs sbires.
J’avais parfois l’impression de me retrouver devant un mauvais film d’action, c’est vraiment dommage. Certaines scènes de violence sont à la limite du cliché, et donnent l’impression de ne servir que les attentes de justice du lecteur : « Ouf ! les méchants sont tués, les héros sont sauvés. » Cette morale est bien belle, mais l’esprit de vengeance de notre détective proche du surhomme en devient risible.
Concernant le rythme, il est plutôt soutenu, on ne s’ennuie pas, l’auteur nous transmet nombre d’informations entre les scènes d’action, nous en apprenant énormément sur le passé de l’Argentine et sur celui de nos personnages, ce qui nous aide à nous y retrouver. Le livre est bien construit, la tension est crescendo, jusqu’à la scène finale, que chacun digérera à sa manière. D’aucuns la trouveront grotesque, d’autres diront qu’elle correspond finalement bien au fond du livre. Je dois dire qu’elle a le mérite de ne pas laisser indifférent, mais reste appréciable ou non.
Je reprocherais aussi la pauvreté des dialogues, souvent mal amenés et mal construits. Alors que les descriptions, elles, sont plutôt réussies.
Pour conclure, je dirais que Mapuche vaut d’une part pour sa documentation historique qui nous pousse à en apprendre davantage une fois le livre fermé ; et d’autre part pour les deux personnages principaux, Jana et Rubén, dont nous suivons l’évolution avec curiosité. L’aspect thriller et policier ne me marquera néanmoins pas. Je reste donc mitigée suite à cette lecture. Je crains que l’auteur ait voulu nous parler d’une page d’histoire qui le touche en ne basant son récit que sur cet aspect-là, au détriment d’une intrigue cohérente et intelligente.
Tout d’abord, bravo pour ce blog très intéressant que je découvre peu à peu. Mais alors pour Mapuche pas d’accord du tout.
De la même manière j’ai eu du mal à plonger dans l’histoire mais alors après… je n’ai plus pu lâcher mon bouquin! Leur histoire d’amour, moi j’y ai cru, des rayons de soleil il y en a, malgré le désespoir ambiant. Bon, le côté mauvais film d’action peut-être vers la fin, ok, dur à croire par moment mais ça passe à peu prêt… Peut-être quelques problèmes de traduction aussi. En tout cas l’intrigue est, pour moi(!), intelligente et bien construite dans une impressionnante et horrible page d’histoire. A lire.
Bonjour Karine,
Je vous remercie pour votre commentaire constructif 🙂
Je savais que je serais à contre-courant de la majorité des lecteurs 😉 Je comprends que ce livre ait plu, il aborde une page de l’histoire méconnue et passionnante, mais il y a trop de points négatifs pour moi :/
J’espère vous retrouver de nouveau ici !