Aujourd’hui j’ai décidé de vous parler du premier roman de Jean-Paul Sartre, qui l’a fait connaitre du grand public d’ailleurs, et qui représente les fondements de sa philosophie tout en étant partiellement autobiographique. J’ai lu précédemment Huis clos et Les mouches du même auteur, j’en ai gardé un souvenir plutôt agréable, voire même amusant. Néanmoins, une critique de ce type d’écrit n’est jamais aisée, tant repose sur lui tout un siècle de réflexions. Mais j’ai quand même souhaité vous en parler, car c’est avant tout un roman, et même si l’on n’est pas sensible au monde brumeux de la philosophie on peut trouver un certain plaisir à parcourir ce type d’ouvrage.
Extrait
Donc j’étais tout à l’heure au Jardin public. La racine du marronnier s’enfonçait dans la terre, juste au-dessous de mon banc. Je ne me rappelais plus que c’était une racine. Les mots s’étaient évanouis et, avec eux, la signification des choses, leurs modes d’emploi, les faibles repères que les hommes ont tracés à leur surface. J’étais assis, un peu voûté, la tête basse, seul en face de cette masse noire et noueuse entièrement brute et qui me faisait peur. Et puis j’ai eu cette illumination. Ça m’a coupé le souffle. Jamais, avant ces derniers jours, je n’avais pressenti ce que voulait dire « exister ».
Mon avis
J’ai été décontenancée en lisant La Nausée. Ma lecture a été tout sauf linéaire. Je m’explique. Il m’est arrivé de lire 5 pages et d’être épuisée alors qu’à d’autres moments j’ai pu parcourir aisément des dizaines et des dizaines de pages. Ce livre a une construction plutôt irrégulière dans le sens où des passages de vide intense alternent avec des moments de logorrhée intellectuelle non dénuée d’intérêt. Il est question de l’existence. Le personnage principal Antoine Roquentin s’interroge tout le long du livre sur l’existence, sa propre existence et celles des choses/objets qui l’entourent à travers des réflexions déroutantes, parfois cocasses, mais très souvent mélancoliques. Antoine Roquentin est un jeune homme touchant. Disons qu’il a réussi à faire vibrer un petit quelque chose en moi. Il s’est empêtré tout seul dans un piège intellectuel qu’il tente en vain de dénouer, mais comme les sables mouvants, plus on tente d’en sortir, plus on s’embourbe. Tout le long du livre, il ne fait qu’errer, de la bibliothèque à son bistrot favori, principalement, on dirait qu’il ne fait que suivre ses jambes, là où elles semblent l’emmener. Il y a aussi l’Autodidacte, personnage obscur qui un jour a décidé de lire tous les livres de la bibliothèque dans l’ordre alphabétique de leurs auteurs. Et Anny, le grand amour d’Antoine, qu’il n’a pas revue depuis 4 années et dont les retrouvailles vont donner lieu à un dialogue piquant que j’ai beaucoup apprécié. Voici les deux principaux personnages qui gravitent autour d’Antoine et qui constituent son univers, sa vie.
Je ne vais pas vous cacher que j’ai souvent décroché au cours de ma lecture… Il faut dire que tout ceci est assez répétitif en fin de compte, les réflexions sont les mêmes mais transposées à des situations différentes ; ou alors je n’ai rien compris, et je n’exclus pas cette possibilité. Je n’ai pu m’empêcher de ressentir un profond sentiment de lourdeur, alors même que l’écriture est plutôt légère. Mais le vide du personnage m’a engloutie avec lui. Je n’utilise pas le terme vide de façon péjoratif, mais plutôt pour désigner son manque de complétude et sa recherche incessante de sens ; recherche vaine naturellement.
La Nausée n’est pas évident à cerner, à comprendre, à lire, à intégrer, à digérer … (vous le sentez venir le jeu de mots) Pour une première lecture de Sartre il faut s’accrocher. Mais au moins ce livre permet de faire le tri parmi ceux qui résisteront à ce premier contact et les autres, qui fuiront. N’ayant bien entendu par commencé par celui-ci, je suis d’autant plus sceptique mais non moins interpellée par cette philosophie centrale du 20ème siècle qu’est l’existentialisme.