Ha ! les blogs, les réseaux sociaux et consorts, qui font l’éloge de livres avec autant d’ardeur et de conviction qu’il m’est difficile de résister. Et pourtant, j’en ai eu des déconvenues, mais au regard d’autres merveilleuses découvertes j’ai tendance à les oublier, à me dire qu’il ne s’agit que d’erreurs de parcours ; inévitables puisque, les goûts et les couleurs comme on dit… Mais il y en a des plus difficiles à admettre, qui font grincer les dents. Car j’avais envie d’aimer La fille d’avant ; en fait, j’étais sûre de l’apprécier. Avant même de l’avoir entre les mains (j’ai opté finalement pour sa version numérique) le livre dégageait une aura mystérieuse. Il était fait pour moi, pensais-je.
C’est sans doute la chance de sa vie : Jane va pouvoir emménager dans une maison ultra-moderne dessinée par un architecte énigmatique… avant de découvrir que la locataire précédente, Emma, a connu une fin aussi mystérieuse que prématurée. À mesure que les retournements de situation prennent le lecteur au dépourvu, le passé d’Emma et le présent de Jane se trouvent inextricablement liés dans ce récit hitchcockien, saisissant et envoûtant, qui nous emmène dans les recoins les plus obscurs de l’obsession.
Mon avis
La fille d’avant m’avait véritablement envoûtée. Il y a eu l’avis de Yuko, le premier lu je crois. Les suivants sont venus corroborer ses propos et boursoufler mon pressenti. Que raconte ce livre ? Il est question d’une maison, immaculée, du genre architectural snob, éclatante de sobriété mais ultra hich-tech. Le style de maison de magazine, épurée, qui balade le regard sans le retenir. Glaciale, elle inspire au silence, à la méditation, au recueillement. Y vivre ? Très peu pour moi. Et pourtant elle s’arrache, beaucoup veulent connaître l’expérience d’y poser ses, quelques, cartons. L’architecte est réputé, pour son œuvre et sa dureté. Il n’est pas pensable qu’une famille débraillée vienne gambader dans sa demeure et encrasser la blancheur des murs et du sol. Non, il choisit ses locataires à la manière d’un employeur scrupuleux, en faisant passer plusieurs épreuves parmi lesquelles un interminable questionnaire, sorte de test de personnalité dont les questions sont disséminées dans le texte.
Les cinq premiers chapitres, nous présentant le contexte, étaient novateurs et prometteurs. Nous suivons Emma (le passé) et Jane (le présent), deux jeunes femmes futures locataires de la villa, aux mêmes étapes de leur emménagement. Puis, très vite, le soufflé rapidement monté s’écrase lamentablement, au bout de quelques dizaines de pages seulement. Dès lors que le propriétaire, un certain Edward, se fait connaître et intervient régulièrement dans le récit. C’est ici que j’ai une première fois désiré abandonner. Lorsque Emma et Jane se retrouvent dans le lit du prédateur en un claquement de doigts ; j’ai pensé avoir loupé une étape. Où est passé le suspens entretenu brièvement au début du texte ? Quid du mystère entourant le propriétaire qui s’effrite une fois son identité vicieuse dévoilée ? Et, bon dieu, d’où Emma – en couple – et Jane – en deuil – se ruent dans les bras du mâle sans la moindre résistance ? J’ai bien cru m’être trompée d’histoire, et la suite, déplorable, n’a fait que confirmer mes doutes. Ce ne fut qu’errance dans une intrigue qui m’avait abandonnée sur le bord de la route, pas bien loin de mon point de départ, mais trop pour que je décide de refermer le livre. Mais enfin, qu’est-ce donc que ce prétendu thriller psychologique ? Qui a osé lui attribuer ce genre ?
Les deux jeunes femmes présentées fusionnent bien vite dans mon esprit. L’auteur les veut semblables ; pas besoin de dresser deux personnalités, une seule étant déjà bien difficile à mettre en place. Aussi, Emma et Jane, Jane et Emma, figurent une seule entité, un même personnage, à quelques années d’écart. J’ai confondu leurs deux histoires. L’une peine à mettre en mots le cambriolage récent qu’elle a vécu dans son ancienne maison et qui a mal tourné, l’autre est en plein deuil périnatal. Cette faiblesse passagère leur sert de prétexte à la suite : victimes, elles deviendront, de la manipulation d’un homme pervers et obsessionnel, le bel Edward. Enfin, victimes, ça c’est ce que l’on veut bien nous faire croire. Car justement, qu’il s’agisse des drames initiaux à l’origine de leur déménagement, ou de la conduite rapace et nuisible de l’autre dingue, la compassion m’a fuie.
Je vais passer sur le gros de l’intrigue – la soumission absurde envers le proprio – tant il est d’une médiocrité infâme. C’est une flopée d’échanges pitoyables, grotesques et non à-propos, qui surfent sur l’érotisme littéraire actuel que je trouve décadent mais qui, malheureusement, continue à faire recette. Des scènes sexuelles d’un vide abyssal, le comble allant vers Emma qui appelle son amant « papa ». Vous avez bien lu. Et puis, d’autres scènes inutiles de repas luxurieux, Edward aimant suçoter la chair fraîche des poissons (?). Je suis restée scotchée, manquant de rire devant l’incongruité du récit, ou bien hésitant à jeter le livre par la fenêtre (s’agissant d’une liseuse je n’ai pu m’y résoudre). Vous voulez quelques échantillons ?
« – Ce sont les poches qui contiennent le sperme des poissons. Au Japon, c’est considéré comme un mets très fin. – Super. Mais je crois que je préfère celui des humains. »
» Il écarte ma culotte et introduit un doigt en moi. Mes genoux cognent contre le dessous de la table, comme un esprit qui se manifeste pendant une séance de spiritisme. »
Bien.
Nous avons donc une maison, prison de verre, qui régit la vie de ses occupants, un propriétaire tendancieux persuadé que la femme répondra à toutes ses demandes puisque monsieur est riche, beau et célèbre, et deux jeunes gourdes en proie à la justice pour des affaires distinctes : un cambriolage et le décès d’un nourrisson. Ha, et puisque l’on nous dit qu’il s’agit d’un thriller, il y a une mort mystérieuse dans ce fatras.
Pour en revenir à cette maison qui, semblait-il, faisait le tout du livre, elle n’est que prouesse électronique. Après en avoir dévoilé les secrets, l’auteur ne sait pas trop quoi faire de cet édifice encombrant. Je présume qu’elle devait être son idée de départ, mais alors pourquoi ne pas l’avoir exploitée au maximum ? Au début du livre vivante et inquiétante, la bâtisse devient creuse et inutile puisque sans secrets. Je pensais lire une histoire flirtant légèrement avec la science-fiction autour d’une énigme centrale sous forme de huis clos, mais ce fut une intrigue beaucoup trop réelle, sans être réaliste toutefois : un méli-mélo narratif sans saveur ni dimension. Ce qui aurait dû être préservé comme mystère a été trop tôt dévoilé, au profit d’un érotisme de bien mauvais goût et de trois pseudo-enquêtes apparues grossièrement, puisqu’il fallait bien remplir des pages.
Quant au final, je l’ai reçu avec une indifférence rarement atteinte. Si seulement la plume surélevait le tout, mais non, c’est pauvre, très pauvre.
La fille d’avant connaît un succès phénoménal que j’observe à présent d’un œil suspicieux. Tant de thrillers, véritablement psychologiques, lui sont supérieurs. Mais il semblerait que ce roman ait bénéficié d’un service de presse en béton, nombre de blogueurs l’ayant relayé avec enthousiasme. Pour ma part, j’ai été attirée par ce parfum de nouveauté et d’originalité, me suis laissé porter, assurée d’être à mon tour conquise, j’étais prête à crier victoire moi aussi. Je me suis fait avoir, une nouvelle fois, je me sens trompée. Je ne crache pas sur le succès, j’ai lu des pépites à l’avalanche d’éloges. Mais, après une déconvenue bien amère, elle aussi largement sur-vendue, on ne m’y reprendra plus. Méfiance donc aux livres qui sont trop applaudis avant leur parution, voici la leçon que j’en tire. Et je m’excuse auprès des lecteurs séduits, mon acrimonie est le résultat d’un parcours littéraire récemment malmené.
Et vous, avez-vous lu ou envisagez-vous de lire ce roman ? Vous arrive-t-il de rester coi face à un succès incontestable ?
J’ai la chance de plutôt bien tomber ces derniers temps, rares sont les lectures qui me déçoivent mais j’avoue me méfier aussi des livres qui font grand tapage, maintenant.
Tu as de la chance alors ^^ Moi ce sont de vraies montagnes russes ! Oui, il faut toujours se méfier des trop vifs succès, quels qu’ils soient d’ailleurs !
C’est vrai que c’est la deuxième critique que je viens lire chez toi qui est complètement a rebours des autres blogueurs (dont Le fils parfait) et je suis contente de lire ces avis différents. Je crois qu’il est important de comprendre, en mettant des mots, pourquoi on n’adhère pas à une histoire. Ce n’est pas toujours facile mais c’est un exercice intéressant. Je regrette que tu n’aies pas du tout (du tout!) apprécié ce roman. Peut-être qu’effectivement, beaucoup ont été trop enthousiastes. J’ai pour ma part apprécié que la maison soit au coeur du récit. Beaucoup moins l’histoire pseudo érotique et effectivement cette séduction rapide.. Je crois qu’il est temps pour toi de revenir à un livre que j’appelle « livre-bonbon », une plume avec laquelle tu te sens bien et qui te réconcilie avec un temps de lecture plaisir. A bientôt pour une chronique plus enthousiaste (j’espère !)
Ha oui, Un fils parfait m’avait remontée comme une pendule ^^ ça m’a vraiment déçue de ne pas apprécier celui-ci, j’en avais envie ! Et puis, je me suis demandé si le problème ne venait pas de moi, que l’on pense que je suis la rabat-joie de service :/ Je n’attendais pas tant une plume qu’une histoire prenante et bien ficelée. Là, je lis un livre sombre qui se passe dans la montagne et ça me fait un bien fou, d’autant que la plume de l’écrivain est splendide ! Ma critique devrait donc être plutôt positive 😉 A bientôt Yuko !
Hum… comme tu ne mentionnes pas l’éditeur, je suis allée chercher… Bon, Mazarine : il ne faut pas s’attendre à des chefs d’oeuvre quand même, si ? Un miracle est certes toujours possible, mais enfin, c’est avant tout léger, sexe pour émoustiller, totalement dans l’air du temps chick porn : qu’en attendre ?
C’est vrai que je ne cite jamais l’éditeur :/ Comme on l’aperçoit sur mes photos je juge inutile de le redire, je vais peut-être changer ça alors. Tu vois, je ne me pose pas trop la question de l’éditeur en fait, et je viens de me rendre compte, après recherches, qu’ils sont spécialisés dans les lectures légères (Mémé dans les orties). Je lis de tout et ne me ferme à aucun genre, ou presque, donc je n’ai fait de croix sur aucun éditeur. Mais je sais que j’ai des efforts à faire de ce côté-ci pour farfouiller auprès de maisons moins prestigieuses, c’était une résolution de 2017 d’ailleurs. Je suis persuadée d’y trouver des bijoux 🙂
L’éditeur est un de mes critères de sélection… Pour Mazarine (du groupe Fayard, à tendance « scandale » et cherche à publier des auteurs issus du net), je pense qu’ils publient des bons livres dans les genres qu’ils se sont choisis, et ma remarque venait surtout du fait que je ne t’associais pas à ce genre de littérature 😉
Si tu veux découvrir des éditeurs différents et indépendants, je te conseille de rejoindre l’opération Un mois, un éditeur : de superbes découvertes t’attendent ! https://unmoisunediteur.wordpress.com
Je suis de près tes publications et applaudis ton effort pour faire connaître des maisons d’édition. Je pense participer au mois de mai, ça me bougera un peu 😉
Je l’ai aussi sur ma liseuse et après avoir lu deux avis dessus qui n’en vantaient que les mérites le tien me rafraîchit beaucoup ! Je suis du genre hyper méfiante quand on parle trop d’un livre, je me dis que ça cache forcément quelque chose. Mais force est d’avouer que je suis tombée les deux fois sur des ouvrages qui m’ont vraiment plu, l’un fut même un coup de coeur que je n’attendais pas du tout. Je vais quand même lire La fille d’avant mais je me fie à ton avis.
La meilleure manière de se faire un avis est encore de lire le livre, tu as bien raison 😉 Je suis curieuse de savoir ce que tu en dirais !
Une lecture que j’avais bien aimé. La maison était intrigante.
Oui, simplement intrigante pour moi, rien de plus :/