Voici un nouveau livre que j’ai reçu de la part des Editions Les 2 Encres. Je dois vous avouer que ce n’est pas le genre de littérature qui trône dans ma bibliothèque, je ne suis pas adepte des histoires de vie de famille et de couple, qui m’ennuient facilement. Mais, le thème de la manipulation perverse au sein du couple a pourtant suscité tout mon intérêt car il s’agit d’un sujet que je trouve passionnant. La perversion narcissique devient de plus en plus connue du grand public, de nombreux ouvrages en parlent, ce n’est plus un tabou. Que ce soit dans le monde du travail, ou dans la sphère familiale, où qu’elle soit elle est destructrice…
Résumé de l’éditeur
Karen, 19 ans, jeune fille de bonne famille, tombe follement amoureuse d’un » homme du voyage » et plaque sa vie confortable pour partir vivre avec lui. Dès lors, elle découvre tout ce que la vie » des gens du voyage » implique et doit très vite s’adapter aux déplacements fréquents, aux mentalités, à la différence… Peu à peu, elle doit également supporter le caractère de plus en plus distant, méprisant et violent de son compagnon avec qui elle a fini par fonder une famille.
Mon avis
J’ai été troublée car je n’ai pas bien réussi à saisir s’il s’agissait d’une autobiographie ou d’une fiction. L’auteure n’est pas très claire sur cet aspect. Le récit laisse fortement penser qu’il s’agit de sa propre histoire, sachant qu’elle ne cherche pas forcément à camoufler des éléments importants de son passé. Mais, j’ai préféré considérer ce roman comme une fiction pendant ma lecture. De plus, le fait qu’il soit en partie autobiographique le rendrait plus difficile à juger. Je vais donc plutôt émettre une critique comme s’il s’agissait d’une pure fiction, telle que je l’ai lue finalement.
Ce livre nous raconte une dizaine d’années de la vie d’une jeune fille, dont on ne connait pas le nom. A 19 ans, elle va s’éprendre d’un jeune homme issu de la communauté des gens du voyage. Mais cette idylle va vite prendre une teinte plus sombre en révélant la personnalité manipulatrice et perverse de Christian. Nous suivons le quotidien de ce couple de très près, leurs voyages, les difficultés qu’ils ont eu à concevoir leurs enfants, leur vie de famille, les relations avec les beaux-parents etc… Nous sommes au coeur de leur intimité.
L’histoire en elle-même est plutôt banale, il ne faut pas vous attendre à une action folle, à des rebondissements inattendues et à un suspense haletant. Ce n’est pas ce que j’attendais de ce roman, cela va s’en dire, mais le rythme est tout de même très lent. Le côté insidieux et pervers de la relation unissant nos deux protagonistes n’est selon moi pas assez exploité et mis en avant. Disons que la personnalité de Christian se repère immédiatement, dès les premières pages. Il n’y a pas ce « petit jeu » de manipulation qui installe l’épouse dans une emprise dont elle ne se rendrait compte que bien plus tard.
En fait, le mode de vie des gens du voyage se mélange avec la personnalité de Christian, et l’on ne sait plus très bien lequel des deux a le plus d’impact sur la vie de l’héroïne. Car l’environnement dans lequel elle évolue semble aussi perverti que l’est son conjoint. Elle condamne de manière virulente cette communauté dans laquelle elle n’a jamais pu trouver ses marques et où elle a immédiatement ressenti un rejet, de la part de sa belle-famille entre autres. Ainsi, il m’a été difficile de mettre en relief la personnalité perverse de Christian dans un tel contexte aussi malsain.
Est-ce que je me suis attachée à l’héroïne ? Une telle proximité avec elle aurait dû avoir cet effet-là, mais malheureusement tel n’est pas le cas. Put-être que l’emploi du « je » a fini par me lasser, peut-être que l’aspect victimisant de son discours aussi. Pourtant, je ne peux que compatir à son malheur, et ne doute pas que l’auteure ait eu affaire à ce genre de personne, c’est certain; mais si je considère ce roman comme une fiction, alors j’ose dire que son personnage m’a agacée. En effet, elle ne prend les choses en main que tardivement dans le livre, alors qu’elle se rend compte très rapidement des troubles de la personnalité de son conjoint. Il y a certaines de ses réactions que je n’ai pas bien saisies. Mais, en disant cela, je crains de juger une personne bien réelle, l’écrivain. C’est pourquoi je ne lis que très rarement des autobiographies, je n’arrive jamais à me situer dans la frontière entre fiction et réalité, et ai toujours peur de porter un jugement sur des faits réels motivés par des personnes ayant vraiment existé.
De plus, j’aurais apprécié en apprendre davantage sur la relation qui unit le personnage principal à ses parents, car je soupçonne qu’il y a quelque chose à gratter de côté-là, tout n’est pas bien clair. On perçoit un environnement familial qui a sûrement été une des causes aux choix qu’elle a faits, dont celui d’arrêter ses études pour suivre Christian. Cela m’aurait beaucoup intéressée qu’elle soulève des pans de son histoire familiale.
L’ensemble, bien qu’ennuyeux par moments, ne m’a posé aucun problème à la lecture. L’écriture est attractive, le style est efficace et soigné. La fin a réussi à susciter vivement mon attention. L’héroïne se trouve dans une situation qui la pousse enfin à agir, des décisions sont enfin prises, le lecteur est dans l’attente d’un dénouement.
La force de ce roman est le fait que le lecteur est entièrement immiscé dans le couple et la vie de famille. Cependant, comme je l’ai dit plus haut, la perversion de Christian n’est pas assez mise en exergue. Sa violence ne se manifeste que dans des répliques colériques et cinglantes. Or, la violence psychologique ce n’est pas que cela, c’est bien plus pernicieux et moins exubérant. Tout comme le fait que le visage social de Christian est loin d’être enjolivé, alors qu’une des caractéristiques du pervers narcissique est justement cette dualité entre ce qui se passe dans le foyer familial et la sphère publique. En somme, Christian m’est apparu davantage comme un homme colérique, un peu bête, pitoyable même, mais loin d’être un manipulateur doté d’une intelligence détestable le rendant charismatique et apprécié en société. La preuve en est, notre héroïne s’en est sortie en demandant le divorce, qui a été accepté, et en reconstruisant une relation avec un nouvel homme. Chose plutôt rare dans la « réalité »…
Ce livre manque de profondeur dans la description de la personnalité perverse . Pourtant l’auteure nous présente en préface les 30 caractéristiques du sujet qui ont été mises en évidence par Isabelle Nazare-Aga. Cela augurait donc une analyse pointue de la personnalité de Christian. De plus, ce qui m’a dérangée est le fait qu’à plusieurs reprises elle emploie le terme « maladie mentale » pour qualifier la perversion narcissique. Non, la perversion n’est pas une maladie mentale, mais une structure de la personnalité. Une maladie laisse supposer une possible guérison, or dans ce cas-là, toute guérison est strictement inenvisageable. Cette différence de notions est essentielle, et je trouve cela dommage que l’auteure n’est pas fait plus attention aux termes employés.
Eprise au piège est loin d’être un mauvais livre, mais je n’ai pas été touchée comme j’aurais souhaité l’être, avec un sujet si sensible et actuel. Je me suis perdue entre les deux univers. Le monde des gens du voyage prend le pas sur celui de l’emprise psychologique, les deux s’entremêlant dangereusement. En tout cas, j’espère que ce livre aura permis à son auteure d’exorciser cette histoire en prenant du recul avec son passé. Je ne doute pas de la fonction cathartique de l’écriture dans ces cas-là…
Et vous, est-ce le genre de littérature que vous appréciez ?
Je dois avouer que de base ce n’est pas vraiment le genre de littérature que j’apprécie. J’avais lu un livre similaire, celui de Jacky Trevane « Fatwa, condamnée à mort par les siens ». Il y a quand même une différence entre un livre-témoignage sur les différences culturelles insurmontables et les vilains maris qui se transforment en monstres une fois épousés et les pervers narcissiques… j’aimerais bien lire un réel témoignage sur les pervers narcissiques, j’avoue que le sujet m’intéresse, mais ce que tu décris semble être un énième témoignage sur les hommes qui changent une fois mariés ^^’
Bonsoir Kariana,
Si tu t’intéresses à la question, je te conseille vivement le livre de Marie-France Hirigoyen, « Le harcèlement moral : la violence perverse au quotidien », qui aborde de manière approfondie la perversion narcissique.
Après, en ce qui concerne « les hommes qui changent une fois mariés », je ne suis pas d’accord avec toi. La violence, lorsqu’elle se déclenche dans le couple, c’est qu’elle était bien souvent latente, elle ne vient jamais de nulle part. Et je ne crois pas trop en l’homme qui devient violent du jour au lendemain…
Quand je parle des hommes qui changent une fois mariés, c’est ironique, je suis bien consciente que c’est latent, que ça ne vient pas de nulle part. Je dis cela car c’est toute une entreprise de manipulation de la part de l’homme pour se faire passer pour ce qu’il n’est pas et refermer le piège une fois le mariage signé.
C’est le genre de livre que j’aimerais lire mais pas s’il reste superficiel et qu’on ne comprend pas les héros… Dommage !
Il y a beaucoup de livres qui traitent de ce sujet, tu ne devrais pas avoir de mal à en trouver 🙂
Bonjour,
Merci pour cet avis détaillé sur ce livre. Je ne l’ai jamais lu pour ma part, mais je sais aussi ce qu’est un pervers narcissique … j’aime donc bien lire des livres qui traitent de ce sujet, de temps à autres. Aimant moi-même lire et écrire, j’apprécie le style autobiographique.
Je n’ai lu qu’un livre qui, à priori, évoquait un pervers narcissique (enfin, c’est ce qu’on m’avait dit avant que je le lise) : L’amour et les forêts – Eric Reinhardt. Cela dit, j’ai eu le même ressenti que vous avez eu pour Éprise au piège : le masque social n’était pas du tout enjolivé non plus.
Bref, je crois que beaucoup de personnes disent « Ce livre parle d’un pervers narcissique », mais en fait, une fois qu’on le lit, on n’y retrouve pas toutes les caractéristiques … donc je comprends votre désappointement. Surtout si dès le début du livre, il y a les 30 critères du manipulateur, et qu’au final, on n’y retrouve pas tout.
Je suis tombée sur votre blog en tapant « manipulateur » sur Hellocoton. Je vais volontiers suivre votre profil Hellocoton, pour pouvoir suivre votre blog qui est très intéressant 🙂 Surtout que j’aime beaucoup lire, alors si vos articles peuvent me donner des idées de lecture, pourquoi pas.
Pour ma part, il m’arrive aussi de faire des articles consacrés à des livres que j’ai beaucoup appréciés, sur mon blog dont j’ai mis le lien avec ce commentaire (et sur mon profil Hellocoton). J’ai créé mon blog il y a peu de temps, mais sur 10 articles, j’en ai consacré 2 à des livres.
Les autres thèmes sont la spiritualité, le développement personnel, la psychologie, les thérapies … etc
Sinon, évidemment, je traite de la perversion narcissique, sans amalgames si possible, parce qu’il y a effectivement beaucoup d’amalgames sur cette notion de « PN ». Il suffit de regarder sur le net, c’est un festival. Même dans les livres, le terme est parfois galvaudé. Comme le fait de dire que la perversion narcissique est une « maladie mentale », par exemple ; comme vous l’avez très justement souligné, c’est une structure de personnalité, pas une maladie mentale.
Je vous souhaite une bonne fin de journée, je reviendrai sûrement visiter votre blog (en plus j’ai vu un autre article sur un livre que j’ai déjà lu, je vais aller voir).
Bonjour,
Je vous remercie pour votre commentaire 🙂
J’ai comme vous l’impression que l’on utilise le terme pervers narcissique souvent à tort, car c’est « à la mode ». Alors que c’est bien plus complexe que ça en a l’air… Après, c’es sûr que tous les PN n’ont pas toutes les caractéristiques, mais nous sommes d’accord pour dire que la dimension sociale du PN est primordiale !
Je suis allée faire un tour sur votre blog, et je vois que vous vous intéressez beaucoup à cette question, ô combien complexe !
J’espère vous revoir sur mon blog 🙂
[…] est inspirée de faits réels ? Je vous avais déjà exprimé un ressenti similaire face à une autobiographie romancée. Et comme je l’avais fait précédemment, j’ai décidé de considérer ce roman comme de la […]