À la lecture du roman Les gens heureux lisent et boivent du café j’ai été troublée. Pourtant, plus j’y repense moins je juge l’avoir apprécié, malgré une fin m’ayant convenue. Et puis l’occasion de lire la suite des aventures sentimentales de Diane s’est présentée. Je craignais d’être confrontée à un retournement de situation faisant oublier le drame initial, la mort tragique de son époux et de sa petite fille ; socle émotionnel de l’histoire qui m’a fortement ébranlée.
Rentrée d’Irlande, Diane est bien décidée à reconstruire sa vie à Paris. Avec l’aide de son ami Félix, elle s’est lancée à corps perdu dans la reprise en main de son café littéraire. C’est là, aux « Gens heureux lisent et boivent du café », son havre de paix, qu’elle rencontre Olivier. Il est gentil, attentionné, et, surtout, il comprend son refus d’être mère à nouveau. Car elle ne peut se remettre de la perte de sa fille. Bientôt, un événement inattendu va venir bouleverser les certitudes de Diane quant à ses choix, pour lesquels elle a tant bataillé.
Mon avis
Cette fois, les émotions procurées ont été bien différentes. Bouleversée par la tragédie de Diane, il m’avait été difficile de vivre son deuil et de suivre sa reconstruction affective ; en effet, je n’avais pu lui concevoir un nouvel amour. Le dénouement m’avait satisfaite, soulagée presque, l’Irlande n’avait été qu’une étape, nécessaire à la résilience de Diane. J’ai abordé La vie est facile, ne t’inquiète pas plus sereinement, les tragiques événements semblaient loin derrière, la cicatrice était moins vive. Diane n’était plus la veuve éplorée mais une jeune parisienne reprenant sa vie en main, à la tête d’un café littéraire, celui que l’on avait fini par oublier.
Aussi, cette histoire semblait prendre un chemin plus conventionnel, plus classique ; une rencontre, un homme charmant, propret, attentionné et doux. J’ai souri devant cette idylle foudroyante. Il faut dire, tout va très vite ; après le premier rendez-vous, la première déclaration, puis des projets de couple, la perspective d’un avenir commun. Tout cela paraît bien trop beau pour y croire, le lecteur ne pourra tomber dans le piège. Olivier est un individu figé plus qu’un personnage animé ; sans aspérité aucune il est creux, ses contours sont nets, délimitant un être parfait, à la personnalité totalement improbable. En soi, Olivier est un leurre, une apparition vouée à s’évaporer dès lors que Diane aura trouvé chaleur dans les bras d’un autre homme. Il tient lieu de potentiel conjoint pour Diane, dans un rôle fixe, apparaissant régulièrement au fil du récit, comme pour rappeler à l’héroïne la possibilité d’un bonheur stable, à Paris qui plus est, mais à la fadeur accentuée par l’exotisme irlandais qui se matérialise sous les traits d’un prétendant que l’on connaît bien.
En effet, les premières pages défilent vite jusqu’à l’apparition de celui que l’on croyait définitivement refoulé dans le cœur de Diane, Edward, le beau celte, exact opposé d’Olivier. Ce dernier n’est-il donc destiné qu’à diriger les projecteurs sur son rival ? Il est à la lumière face au ténébreux Edward. La suite de l’histoire tout le monde la connaît, elle est écrite dans le premier regard échangé entre nos deux anciens amants d’une nuit.
L’auteure veut nous faire croire à un conflit, à une déchirure dans le cœur de Diane, à travers ce pseudo questionnement qui plane sur le récit : lequel choisira-t-elle ? Mais elle prend son lecteur pour un imbécile, car en parallèle elle met tout en œuvre pour lui ouvrir les yeux, et ceux de son héroïne. Un nouveau séjour en Irlande, suivi d’un autre ; le prétexte étant la maladie avancée d’Abby, la vieille dame qui avait loué le cottage à Diane la première fois. Cette soudaine amitié les unissant, presque maternelle puisque Abby la considère comme sa fille, m’a étonnée, elle ne m’avait pas sauté aux yeux dans le précédent roman. J’ai été bien surprise des vives réactions de Diane à l’encontre de son ancienne logeuse. Accentuer les relations entre les uns et les autres quitte à modifier le passé ne semble pas être un problème pour l’auteure. Mais soit, il fallait bien un motif, ces événements permettant à notre héroïne de se frotter à nouveau à Edward.
Mais tout ceci paraît bien trop évident, trop linéaire. Et puis, n’oublions pas que Diane sort d’un long deuil douloureux. Ainsi, après avoir traité dans le premier roman de la perte de l’époux et de la difficile question d’un avenir sentimental auprès d’un autre homme, l’auteure aborde à présent les blessures incicatricables causées par la mort d’un enfant. Pour cela, elle insiste sur l’impossibilité de Diane de côtoyer ceux des autres ou même de se trouver dans la même pièce qu’un bébé. Mais il faut bien que cette problématique trouve une résolution, positive si possible, aussi l’auteure affuble Edward d’un fils, découvert quelques mois plus tôt ; hasard de la vie, sa mère est décédée brutalement.
Je ne vais pas vous exposer plus longuement cette nouvelle intrigue, bien que les éléments fournis vous permettent de déduire la suite jusqu’au point final sans grande difficulté. Je craignais cette lecture. Remettre Diane en scène me semblait bien délicat, ceci impliquant de remobiliser son bagage émotionnel ; car Diane ne peut être une héroïne lambda. Et pourtant, c’est bien ce qu’elle est devenue. Elle m’a moins touchée, à dire vrai elle m’a agacée. Enfin, c’est surtout la manière dont l’auteure la fait évoluer qui m’a ennuyée. Le chemin est facilité, les bordures sont élaguées, le tracé est net, l’horizon se dessine, Diane emprunte la route la menant droit à un bonheur littéraire, convenu, celui qui satisfera les lecteurs déçus par la première fin. J’avais justement apprécié cette retenue dans Les gens heureux…, il n’y avait point de happy end vulgaire, le deuil était respecté, l’héroïne prenait une décision sensée et cohérente en disant adieu à son brumeux irlandais. Avec La vie est facile ne t’inquiète pas, ce dénouement est totalement annulé, l’auteure le raye et opte pour la simplicité, ce qui était attendu par les lecteurs. Eh bien, je regrette mais ceci ne me convient absolument pas. Et puis il y a ce titre, reflétant une espèce de pensée naïve et fausse voulant que tout se finisse toujours bien. En accolant les premières pages des Gens heureux… aux dernières de La vie est facile…, le contraste est saisissant, maladroit. Car le passé de Diane vient contredire cette phrase, sonnant comme une imposture : « La vie est facile…. ». Il est des livres qui ne tolèrent aucune suite, celle-ci étant vouée à l’échec.
À mesure que je vous parle de ce livre, la colère m’envahit. Celle d’avoir été trompée par ce que je croyais être un choix délibéré de l’auteur quant à son histoire, ses personnages. Mais l’idée de reprendre le même décor contenait en elle-même l’erreur redoutée, presque inévitable dès lors qu’Agnès Martin-Lugand a repris la plume ; j’aurais dû m’y attendre. Je suis attristée car elle s’est laissé abuser par un lectorat trop mielleux. Je suis persuadée qu’en écrivant Les gens heureux… elle n’envisageait aucunement une telle suite, allant à l’encontre du message qu’elle a souhaité faire passer, peu rieur mais tellement vrai. Avec ce second volet, elle détruit ce qui m’avait plu dans le premier. Il m’avait certes donné du fil à retordre mais il avait le mérite de ne pas me laisser indifférente. Or, à présent, Diane et ses tourments me paraissent bien futiles. Les happy ends et moi, c’est une histoire à remous… je les tolère rarement.
Et vous, vous êtes-vous laissé tenter par cette suite ?
J’avais absolument détesté le 1er roman, donc peu de chances que je me frotte à cette suite… Et ta critique ne fait que me conforter dans ce choix !
Ce serait effectivement une perte de temps.