Aujourd’hui je vous présente un livre que m’ont envoyé les Editions Les 2 Encres. C’est un genre que je n’ai pas l’habitude de lire, en effet il est indiqué « témoignage » sur la couverture. Je ne sais pas réellement à quoi ce terme renvoie puisqu’il est dit en préambule que « toute ressemblance avec des personnages ayant existé etc… ». Ce préambule m’a mise dans une situation déplaisante car il ne précise pas le degré de vraisemblance de l’histoire. Dans quelle mesure peut-on considérer que celle-ci est inspirée de faits réels ? Je vous avais déjà exprimé un ressenti similaire face à une autobiographie romancée. Et comme je l’avais fait précédemment, j’ai décidé de considérer ce roman comme de la pure fiction.

Résumé de l’éditeur

Daniel, un adolescent d’une quinzaine d’années, a été confronté dès son plus jeune âge aux beuveries effrénées de ses parents. Avec son frère et sa sœur, ils sont les témoins indésirables de leur déchéance. Pour Daniel, seul l’amour incommensurable qu’il voue à son père lui fournit la force de supporter les turpitudes qu’il endure chaque jour, bon an, mal an. Quelles sont les séquelles sur les proches d’une telle situation et est-il possible de se sortir des ravages de l’alcool ?

Mon avis

Ce livre a l’avantage d’être soigné dans l’écriture, ce que j’ai remarqué dès la première page. L’écrivain a un certain style, enjolivant ses tournures de phrases de façon fort appréciable. Le sujet abordé, plutôt brut et violent, se retrouve mis en mots de manière délicate et élégante. Mais par ailleurs, cette écriture souffre à certains moments d’une trop grande sophistication ; je pense notamment aux tentatives d’envolées lyriques plutôt inappropriées pour décrire des scènes de vie somme toute banales. Ceci m’a laissée quelque peu circonspecte.  Parsemer son récit de paragraphes entiers de métaphores stylisés pour nous décrire un sentiment, une émotion, ou une simple pensée, se détachant de l’aspect brutal de l’histoire, peut paraître séduisant. Mais à terme, ce décalage entre le fond et la forme du récit se transforme en abysse obscur.

Ce livre nous parle de plusieurs choses qui pourraient chacune représenter l’objet d’un livre entier. Je dirais qu’ici l’écrivain a surtout souhaité dépeindre les conséquences d’un milieu défavorisé et d’une éducation laissée à l’abandon sur le devenir de l’enfant. Alcoolisme et violence des parents sont ici omniprésents, faisant de la toile de fond de l’histoire, qui elle n’est pas si ardente, quelque chose de gris, de sombre et d’envahissant. Daniel, un adolescent de quinze ans, a en effet tout subi ou presque, ceci nous est dit au fil des pages, parfois de manière brutale, parfois à demi-mot ; violences sexuelles, violences morales, négligence parentale, insalubrité des conditions de vie, alcoolisme des deux parents et toxicomanie, représentent son lot quotidien à lui, sa grande-sœur de dix-sept ans et son jeune frère de sept ans.

Cette histoire fait la part belle aux deux amours de Daniel qui l’aident à sortir la tête de cette misère. L’amour fraternel qui le lie de manière fusionnelle à sa sœur, et l’amour pour son père qui résiste malgré un contexte on ne peut plus déplorable. En plus d’être dans une passivité déconcertante face à sa femme, ce dernier ne fait qu’accentuer le malheur de ses enfants en se comportant de manière totalement irresponsable, immature et négligente envers eux et envers lui-même surtout. Comme ceci devait arriver, les rôles finissent par s’inverser, Daniel devenant la béquille de son propre père, l’épaule sur laquelle il décuve son vin et crache sur sa femme. Le roman est ainsi rythmé par les saouleries parentales, lorsque ce n’est pas l’un qui s’enivre au bar du coin, c’est l’autre qui ingurgite bouteille sur bouteille dans sa cuisine. Et au milieu il y a Daniel, qui toujours tente de relever ses parents de leur propre misère.

Comment, dans un tel terreau véreux, ne peuvent émerger des comportements délinquants ? Ici, c’est la cleptomanie de Daniel qui se révèle, sur fond de mensonges et d’accès de violence rares mais intenses envers des personnes qui représentent de près ou de loin le malheur dans lequel il est embourbé. Mais hormis certains faits inquiétants pour un adolescent de son âge, Daniel est un garçon à l’équilibre stable. Il est en effet dénué de toute pensée malsaine, reconnaît aisément ses travers, possède de vrais amis, a un recul incroyable face à sa situation familiale et possède un calme exemplaire dans certaines situations sensibles. De plus, il n’est pas en échec scolaire et apprécie même certaines matières telles que l’Histoire. En somme, Daniel fait preuve d’une force mentale presque irréelle au milieu de la boue nauséabonde que représente son environnement familial. D’ailleurs, on a du mal à croire qu’une succession de tares aussi destructrices puissent se rencontrer dans une même famille sans s’implanter précocement dans chacun des membres de manière durable. Notamment la mère, qui fait figure de reine de la débauche. Ce personnage est présent sans l’être, un fantôme errant dans l’appartement, incapable de dialogue cohérent, et d’un détachement insolent face à ses enfants. L’alcool, on le sait, est souvent accompagné d’autres camarades de jeu, qu’il camoufle ou qu’il révèle justement. Ici nous en avons un exemple frappant.

Mais ce ne serait pas rendre justice au livre que de n’évoquer que cette ambiance malsaine. Car le livre n’est pas seulement, comme je m’y attendais pourtant,  le témoignage d’un quotidien familial où naissent les pires vices. Comme je l’ai précisé, il nous raconte à travers Daniel, la manière dont de telles bases éducatives s’implantent et germent dans un être humain pour donner toutes sortes de fruits, des plus amers aux plus sucrés. A travers une année de sa vie, celle de ses quinze ans, nous pouvons apercevoir ce que Daniel deviendra.

Le récit se perd un peu trop à mon goût et narre toutes sortes d’événements, des plus anodins aux plus cruciaux. De plus, il attribue une place trop importante à la grand-mère paternelle, qui apparaît et disparaît tout le long du livre. Ce personnage est une fausse note dans la partition, car trop éloigné de l’univers familial de Daniel. Ce contraste desserre le récit plus qu’il ne le pousse vers l’avant, venant sonner le glas du réalisme dans cette histoire. Oui, j’ai eu du mal à  croire à cette grand-mère, trop stéréotypée et en trop grand décalage avec sa propre famille. Son omniprésence m’a lassée, et son absence d’évolution m’a convaincue de son peu d’utilité dans le récit mais aussi dans la vie, présente et future, de Daniel.

Volets fermés est un livre vivant qui transmet un message d’espoir face aux pires difficultés, mais un message un peu trop évident. Il est vrai qu’écrire un roman portant sur les violences familiales, et se nourrissant exclusivement de ce contexte, aurait été risqué tant c’est un sujet délicat à traiter en littérature, bien qu’il soit une source inépuisable cela va sans dire. Mais l’auteur, dans une tentative d’extraire de son histoire non pas une morale, mais un message de vie, en oublie justement trop les racines et il évite de justesse le happy end incongru. Le réalisme de son récit prend la tangente, mais après tout, pourquoi pas, j’ai envie d’y croire quand même.

 Et vous, êtes-vous adeptes de ce genre d’histoire ?

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