Vous constaterez qu’en ce moment je vous présente des livres plutôt courts. En fait, j’ai tellemen€4ionà‚4(5ôt pris l’habitude d’absorber des romans d’au moins 300 pages, que lire un livre d’une traite est un plaisir que je n’avais pas expérimenté depuis bien longtemps. Et j’ai pris goût à cette dose concentrée de lecture. Je me suis donc intéressée aux « petits » livres qui se cachent dans ma bibliothèque.

Ayant envie hier soir d’une lecture rapide, c’est vers l’ouvrage Une Femme d’Annie Ernaux que je me suis tournée, et il s’agit de ma première approche de cette écrivain. Mes deux prochaines lectures seront aussi des récits relativement courts mais dans un tout autre registre que le livre que je vous présente aujourd’hui.

Résumé de l’éditeur

Le lundi 7 avril 1986, la mère d’Annie Ernaux s’éteint dans une maison de retraite. En trois ans, une maladie cérébrale, qui détruit la mémoire, l’avait menée à la déchéance physique et intellectuelle. Frappée de stupeur par cette mort que, malgré l’état de sa mère, elle s’était refusé à imaginer, Annie Ernaux s’efforce de retrouver les différents visages et la vie de celle qui était l’image même de la force active et de l’ouverture au monde.

Mon avis

A la lecture d’Une femme, je me suis rendu compte que les relations mères-filles sont finalement un thème que j’ai très peu eu l’occasion de découvrir en littérature, alors même qu’il est traité dans de nombreux livres, étant un thème on ne peut plus universel. Il me semble que c’est la première fois que je lis un récit dont la substance principale repose sur le duo mère-fille et toute sa complexité.

Annie Ernaux nous parle ici de sa mère décédée après plusieurs années passées sous le joug de la maladie d’Alzheimer. Ce petit livre c’est tout simplement un concentré de sa mère. L’écriture est franche, Annie Ernaux ne passe pas par quatre chemins pour décrire ses sentiments envers sa maman et l’évolution cahoteuse de leur relation. Ses souvenirs sont entrecoupés de courts paragraphes où elle nous fait part des raisons qui l’ont poussée à écrire sur ce sujet, et à en publier le résultat. Elle s’interroge sur les mots qu’elle pose, sur leur sens dans un contexte marqué par le deuil, tout en prenant énormément de recul par rapport à son histoire, qui est finalement assez banale. Elle nous explique cette envie irrépressible d’écrire, cette pulsion presque, ce besoin vital né quelque temps après la mort de sa mère. Une femme représente, et on s’en aperçoit rapidement, une thérapie libératrice pour elle. Le lecteur peut percevoir à travers les mots et la manière dont ils sont employés le travail de deuil de l’auteure, mais aussi son propre deuil face à la perte inévitable de ses propres parents.

Les citations, représentant les souvenirs oraux d’Annie et donc les phrases marquantes prononcées par sa mère, sont rares mais précieuses. Elles viennent illustrer brillamment le récit, apportant tantôt un souffle glacial, tantôt une étreinte chaleureuse.

Ce livre, Annie Ernaux l’a écrit pour elle avant tout, cela se ressent à chaque page et donne un ton intimiste plaçant le lecteur dans une position de confident. Mais en même temps, les mots qu’elle pose lorsqu’elle aborde la maladie de sa mère ont une telle justesse qu’ils peuvent faire écho en chacun de nous. L’attachement qu’elle décrit n’a rien d’extraordinaire, il est touchant par sa banalité, puisque toute relation mère-fille s’inscrit dans l’ordinaire, dans le quotidien. L’auteure semble vouloir nous dire que la mère idéale n’existe pas, et que tout l’amour filial et maternel réside dans ce que la relation a de plus naturel, dans ce qui va de soi, lorsque le besoin de l’autre se fait sentir sans que les mots ne soient nécessaires. Elle ne cherche à aucun moment à idéaliser cette mère qui n’est plus, mais en dresse un portrait ultra-réaliste, aux accents de tristesse tant il est cru et empreint d’une douce colère. Mais l’amour pour sa mère ne saurait se cacher même dans les reproches explicites, la douleur de l’avoir perdue se percevant à chaque page.

Annie Ernaux est présente de la même manière que sa mère, parlant d’elle-même lorsqu’elle parle de l’autre et inversement. C’est un roman à deux personnages, les enfants ne sont qu’à peine mentionnés, tout comme l’ex-conjoint. Le père et les grands-parents servent uniquement de décor sentimental à la naissance de l’amour ambivalent unissant Annie à sa maman.

Une femme est aussi beau par les thèmes graves qu’il aborde, comme la maladie d’Alzheimer, l’accompagnement de la personne âgée, le deuil, la solitude, la détresse. Ce livre m’a émue par sa mélancolie, sa tendresse et son honnêteté. Il est un témoignage extraordinaire d’une histoire ordinaire.

 

 

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