Voici un roman prêté par une amie (Coucou Amélie si tu passes par là !), que j’ai dû croiser sans jamais m’arrêter dessus. Il s’agit d’une histoire qui se déroule sur deux époques, la nôtre et la Seconde Guerre mondiale. Bien que cette dernière a été l’objet d’un nombre incalculable de romans, elle parvient toujours à me séduire par la source inépuisable d’inspirations qu’elle représente.

Résumé de l’éditeurOLYMPUS DIGITAL CAMERA

Allemagne, 1944. Malgré les restrictions, les pâtisseries fument à la boulangerie Schmidt. Entre ses parents patriotes, sa sœur volontaire au Lebensborn et son prétendant haut placé dans l’armée nazie, la jeune Elsie, 16 ans, vit de cannelle et d’insouciance. Jusqu’à cette nuit de Noël, où vient toquer à sa porte un petit garçon juif, échappé des camps… Soixante ans plus tard, au Texas, la journaliste Reba Adams passe devant la vitrine d’une pâtisserie allemande, celle d’Elsie…Et le reportage qu’elle prépare n’est rien en comparaison de la leçon de vie qu’elle s’apprête à recevoir.

Mon avis

Dans un premier temps, je dois admettre que ce roman est agréable à lire, le rythme est soutenu car entretenu par la construction même du récit, qui nous permet de suivre deux personnages dans deux époques séparées de plusieurs décennies. Il n’y a rien d’original dans ce procédé, mais il a le mérite d’être efficace car le lecteur n’aura de cesse de s’interroger sur les liens entre les deux histoires présentées jusqu’à ce que la lumière se fasse dans son esprit. Les deux « héroïnes », Elsie et Reba,  se croisent dans le présent de l’année 2007, ce rapprochement nous permettant d’apporter du sens au récit global. Mais malgré une intrigue séduisante, je n’ai pas été convaincue par ce roman, et ce pour plusieurs raisons. Je suis un peu embêtée car je ne peux pas franchement dire que j’ai passé un mauvais moment en compagnie de ce livre; mais je pense m’être facilement laissée berner par le ton enfantin du récit qui rend le tout attendrissant, mais ceci camoufle grossièrement des défauts sur lesquels il m’est difficile de faire l’impasse.

Tout d’abord, et ce point m’a immédiatement sauté aux yeux, je dois évoquer la pauvreté des dialogues, qui, il faut bien le dire, sont ratés. Peut-être est-ce le fait d’une mauvaise traduction, mais j’en doute, car en ce cas le roman dans son intégralité en aurait souffert et non les dialogues seuls. Non, je pense réellement que l’auteure n’a pas su correctement retranscrire ce qu’elle souhaitait faire dire à ses personnages. C’est-à-dire que les échanges paraissent dénués de vie, détachés de l’humanité de ceux qui les animent, et ne reflétant que rarement leur personnalité; alors que les dialogues ont pour fonction de donner aux lecteurs des informations à la fois sur les traits de caractère des personnages, dans leur répartie, dans leur manière d’exprimer toute émotion, tout sentiment, mais aussi sur la qualité des relations les unissant les uns aux autres. Vous comprendrez alors les difficultés inhérentes à une telle carence. Ainsi, quand les dialogues ne permettent pas au lecteur de se représenter pleinement les personnages comme des êtres potentiellement réels, il devra se contenter de ce que l’auteure livre dans sa narration, si celle-ci est assez généreuse.

J’en viens à présent au plus gros défaut de ce roman, celui qui est difficilement excusable puisqu’il remet en question l’intégralité du récit. L’intrigue repose essentiellement sur le parallèle entre deux histoires, sur ce qui fait lien entre elles en apportant un sens nouveau à des expériences qui, prises séparément en seraient dénuées. Or, l’unique trait de liaison réside dans un personnage, Elsie, que l’on suit dans l’Allemagne de la Seconde Guerre mondiale, et que l’on retrouve aux Etats-Unis en 2007 après qu’elle a croisé la route de Reba, qui est, elle, le personnage principal de la seconde histoire. Ce qui m’a posé problème est que l’on ne sait pas ce qu’Elsie raconte réellement de son passé à Reba. Car il nous est livré par l’auteure en parallèle aux aventures de cette dernière. Or, le cours de l’histoire nous apprend que celle-ci, en perpétuelle remise en question au sujet de sa vie sentimentale dont le lecteur sera largement abreuvé, a été fortement influencée, dans les décisions qu’elle prendra, par le récit d’Elsie. Ainsi, les leçons du passé trouvent leur écho plus d’un demi-siècle plus tard, par un mécanisme qui relève de la magie, puisque ces rouages demeurent bien mystérieux pour le lecteur. Je devine des fils invisibles reliant Elsie et Reba, mais qui ne relèvent ni d’une parenté, ni même d’une profonde amitié, attendu que leur rencontre aura été le fruit du hasard, et leurs échanges brefs. Nous assistons à l’évolution de Reba, dans sa vie personnelle et professionnelle, évolution qui m’a échappé et n’a guère suscité mon intérêt, ce dernier allant principalement vers les chapitres relatant le passé d’Elsie.

En ce qui concerne ce dernier, l’histoire est sympathique mais n’a en soi rien de vraiment exceptionnel, hormis le fait qu’Elsie a hébergé durant une courte période, en cachette de ses parents, un enfant juif. Cet événement, qui est pourtant présenté comme un fait important par le résumé, se révèle n’être qu’un détail. J’attendais ce rebondissement avec impatience, pensant qu’il constituerait la pièce centrale de l’intrigue. Ma déception a été grande de constater qu’il n’en était rien. L’histoire d’Elsie avait en outre matière à être exploitée. L’auteure aurait en effet pu s’épancher davantage sur les relations entre cette jeune fille, subissant les désastreuses conséquences d’une guerre qu’elle ne comprend pas, ses parents, fervents patriotes qui, eux, ne se posent guère de questions, et sa sœur, mère porteuse pour le Lebensborn. Ces personnages méritaient largement leur place dans un roman portant uniquement sur leur histoire familiale dans l’Allemagne nazie. C’est donc avec une immense frustration que j’ai dû suivre l’avancée du récit et ainsi subir les aventures de Reba, inintéressantes, rébarbatives, dans lesquelles je retrouvais tristement le personnage d’Elsie que j’ai pourtant aimé découvrir à l’âge de 16 ans. L’idée de suivre le même personnage à soixante-dix ans d’intervalle est intéressante. Le lecteur voudra ainsi combler le vide laissé volontairement par l’auteure. Néanmoins, j’ai été gênée par les deux figures d’Elsie qui nous sont présentées. Celle âgée de 16 ans est étouffée par son double octogénaire. En effet, cette jeune fille perspicace, espiègle, vive et maline devient une vieille femme provocante, étriquée dans sa boulangerie, forte gueule et se prenant pour une diseuse de bonne aventure. Ce n’est pas vers cette direction que j’aurais souhaité voir évoluer Elsie, que je ne reconnais plus lorsqu’elle prend le visage d’une folle ridée. Je n’ai pas été émue par sa destinée, trop éloignée de son enfance aux accents dramatiques.

Le récit est dans sa globalité plutôt enfantin, voire même naïf au regard du contexte choisi par l’auteure. En effet, si la réalité de la Seconde Guerre mondiale n’était telle, l’histoire en perdrait le peu d’épaisseur qu’elle possède. Pour autant, j’ai malgré tout été plongée dans cet entrelacs de parcours, m’amusant de la construction du récit, et curieuse de connaître la destination finale. Il y a derrière ce roman une réelle volonté de créer du lien, mais le résultat est un peu maladroit. Le personnage de Reba, et son incessante introspection, est bancal. Elle est présente sans vraiment l’être, en marge de ce qui nous intéresse vraiment, sa vie semble être guidée par un récit dont on ne sait ce qu’elle en a entendu. Ce qui fait lien devient plus flou à mesure que l’on avance; le lecteur s’investissant à la fois dans le passé d’un personnage, et le présent d’un autre, sans toutefois discerner les raisons d’un tel parallèle.

Ce roman est porteur de réflexions comme le courage de se lever contre un ordre établi mais injuste, la capacité de se satisfaire de ce que l’on a, le renoncement parfois, la puissance des racines familiales et l’espoir bien sûr. Cependant, je n’ai pas été convaincue par la manière dont sont traités ces éléments, dont aucun ne ressort réellement. En somme, Un goût de cannelle et d’espoir est une lecture certes plaisante, mais qui ne me laissera pas un souvenir indélébile car souffrant d’une construction boiteuse et de personnages pas assez exploités.

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