Voici une nouveauté de 2017, un roman qui connaît déjà un honorable succès. C’est en croisant Un fils parfait plusieurs fois sur des blogs qui, tous, le portaient aux nues, que je me suis décidée. Il est rare que je me précipite aussi rapidement sur une sortie littéraire, mais les éloges ont eu ma peau, j’ai été faible et ai payé ma faiblesse très cher.

C’est la dernière fois que je me fais avoir aussi bêtement, j’aurais dû m’y attendre…

Résumé de l’éditeur

Maxime, enfant unique d’Élise, a tout du fils parfait : brillantes études et carrière fulgurante ; c’est un mari aimant comme un père attentionné. Un jour, sa femme Daphné va découvrir la faille dans ce tableau idyllique. Le conflit est inévitable : il sera sans merci. Jusqu’où une mère doit-elle aller pour protéger ses filles et faire valoir ses droits, alors que personne n’accepte de la croire ?

Mon avis

Je vais aller à contre-courant de tout ce que j’ai pu lire concernant ce livre car j’ai du mal à extraire quelque chose de bon. Ce fut un enchaînement de déconvenues. Peut-être aurais-je été plus frileuse à l’achat si je n’étais pas passée à côté du « inspiré d’une histoire vraie », qui fait vendre mais qui n’a jamais été gage de qualité pour moi. Dans cet article je risque de me répéter, en faisant plusieurs fois écho à d’autres romans comme Charlotte ou La Maladroite. C’est le même syndrome, celui de l’imposteur qui, sous couvert d’une réalité, sert sur un plateau un texte plat et facile destiné à faire pleurer dans les chaumières, à émouvoir la mère de famille.

Mais avant d’émettre quelque jugement virulent, revenons sur l’histoire. À ranger dans la case « faits divers » d’un journal elle est misérablement répétitive, quotidienne elle n’en est pas moins taboue. Nous sommes au cœur de l’intime, du pire, du mal absolu, mensonger, non celui qui s’exhibe fièrement, qui porte en lui une haine vengeresse, une colère légitime, mais celui qui est purement et simplement gratuit, et d’autant plus scandaleux qu’il prend racine dans la pudeur d’une famille. Avant Maxime, le monstre, il y a Daphné, la gentille épouse. Ce roman est une très longue missive adressée à sa belle-mère, l’odieuse matrice du mal, dans quel but ? Je l’ignore, sorte de défouloir certainement, elle en avait grand besoin.

Parmi la multitude d’éléments que je reproche à ce texte il y a tout d’abord sa forme, cette lettre longue, dont je n’ai pas saisi l’objet. Reprenant depuis le moment du « Oui » marital l’histoire de son couple, Daphné fait part de ses bonheurs avant d’en venir aux faits, tragiques, qui ont eu raison de sa vie rangée ; comment aurait-il pu en être autrement ? Mais dans cette manière de faire le récit d’un drame il y a une condamnation aveugle de la mère, sans que le lecteur ne soit dans la confidence. Un misérabilisme que je trouve déplacé.

Nous découvrons cette famille, le mariage originel, la naissance des filles, les petites et grandes joies, le premier écart de conduite du conjoint – qui n’a pas sa place ici – avant l’aveu fatal, enfantin, lourd, impensable, issu d’une petite voix de sept ans qui pleure sans savoir pourquoi, car bien sûr elle ne peut pas comprendre. À partir de cette révélation se produit un enchaînement fulgurant d’interrogations : est-ce vrai, Maxime est-il capable du pire, et si l’enfant mentait, et puis qui nous croirait ?

Daphné est atterrée par de telles paroles, venant de son propre enfant, comme n’importe quelle mère pourrait l’être à sa place. Mais dans ses choix le manque de cohérence m’a troublée, Daphné s’est éloignée de moi, envolée par sa propre stupeur qui l’a rendue stupide, oui, stupide. Certes, l’impensable s’est produit, et dans l’impensable la raison s’écarte, on ne lui prête guère une oreille attentive, il y a plus urgent, pensons-nous à tort. Mais je n’ose croire qu’à aucun moment Daphné n’ait pu se poser calmement pour prendre une décision solide et éprouvée, au lieu de batifoler, de s’agiter dans le vent, et d’entraîner dans son désarroi la chute de sa famille ; j’entends la sienne et celle de ses filles. De cette automutilation son époux va prélever sa force et s’élever toujours plus, écrasant abominablement l’autre et plaçant la justice derrière lui. C’est donc ceci que l’auteur veut pointer du doigt, l’injustice centrale : la mère est folle, le mari est sain d’esprit, tous poursuivent le mauvais coupable. Bien sûr ça met sur les nerfs, ça secoue, ça soulève le cœur, tant ça semble improbable, quoique ce ne soit pas si rare dans les tribunaux. Mais, au risque de paraître dénuée d’empathie, je n’ai rien ressenti pour Daphné.

L’absence du grand responsable, le père, m’a posé problème. Donner la voix à la mère c’est offrir un unique point de vue, une narration orientée, un regard fixe. Dans sa haine et sa colère elle fait taire son époux, même plus, elle l’oublie. L’évidence pour elle s’est faite doute dans mon esprit. Je ne dis pas qu’il aurait fallu placer Maxime au même niveau au risque d’appuyer son charisme, je dis qu’ajouter sa voix à l’affaire, dans un dialogue avec les victimes, m’aurait peut-être permis de revenir vers Daphné avec raison. Mais elle m’a épuisée.

À être au cœur de son tourbillon émotionnel et de ses souvenirs, dans une lettre qui prend parti, qui condamne et expose les faits pour éclairer la belle-mère – mais sur quoi ? – il s’est produit quelque chose d’étrange. J’étais persuadée que la fin nous annoncerait un quelconque mensonge maternel, un genre de coup monté. C’est ignoble j’en conviens car jouer avec ces choses-là est périlleux, mais c’est vous dire à quel point je n’ai pas cru à cette mère. Tout au long de ma lecture je me suis dit : « Non, il n’a quand même pas osé ». J’étais prête à accepter un tel dénouement, je trouvais ça dingue mais en allant au bout de l’idée ça aurait pu fonctionner, oui, en remettant tout en question, et l’histoire et mon ressenti. Mais vous l’aurez compris, l’auteur suit la ligne évidente du drame, étroit avec l’affaire qui l’a inspiré j’imagine. Il ne faut prendre aucun risque, la lectrice doit être horrifiée du début à la fin, elle doit avoir confiance en la parole d’une égale, d’une mère, qui ne peut mentir, c’est un fait. L’auteur, plaçant dès le départ son héroïne en position de toute-puissance, unique dépositaire de la stricte vérité, aurait été mieux avisé de briser ce préconçu, rendant son texte diablement fallacieux.

Et puis il y a ce titre, Un fils parfait, une ironie bien évidemment. Il appuie encore plus la prétendue culpabilité de cette mère, celle du monstre, dont l’on ne sait rien, si ce n’est qu’elle lui a donné naissance. Non, Maxime n’a rien de parfait, qui a dit le contraire ? Un métier stable et des enfants est-ce forcément gage de perfection pour une mère ? Il est temps de dépasser cette idée reçue.

J’en viens à mon sempiternel reproche, épuisant à la longue. Je suis prise entre la consternation, celle induite par le succès d’un tel procédé romanesque, et l’abattement, plus jamais ça. Un fils parfait est l’exemple type du roman qui surfe sur un courant fructueux : inspirez-vous d’un fait divers, placez la victime en héroïne et racontez les faits, sans vous en éloigner. Bridez votre imagination, elle vous sera inutile. La majorité des lecteurs rentreront dans cet ersatz d’histoire, aveuglés par le réalisme du drame, par ce qu’il soulève d’injustice, par son voyeurisme aussi, ne nous mentons pas. Donner la parole à la mère, et uniquement à la mère, renforcera l’intimité entre le lecteur et la narratrice, la victime bien évidemment ; mais la première victime que je vois dans cette histoire est le lecteur lui-même. Il est pris au piège, obligé de ressentir la colère et le dégoût racontés, sous peine de se culpabiliser ; on n’est pas loin d’un journalisme miséreux. L’attribut « inspiré par une histoire vraie » figure un couteau sous la gorge des lecteurs, telle a été mon impression.

Je dis stop à ce genre d’histoires, j’en ai trop eu, ce n’est pas pour moi, ça me dépasse, je n’accepte pas cette manière d’écrire et de vendre de la fiction qui est à l’opposé de ma littérature à moi. Mathieu Menegaux, je suis certaine que si vous vous étiez abstenu de vous limiter à une réalité cloisonnée, dans cette nouvelle liberté vous auriez puisé une inspiration et une énergie qui font cruellement défaut à votre texte.

Et vous, que pensez-vous de ce genre de roman ? Peut-être avez-vous lu celui-ci ?

 

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