Après Les Apparences (dont le film Gone girl a été tiré) et Les lieux sombres, je me suis attaquée au premier roman de Gillian Flynn. J’ai beaucoup apprécié mes précédentes lectures, aux intrigues recherchées et au suspense soutenu. C’est donc avec certaines attentes que j’ai entamé ce roman, souhaitant y trouver une ambiance et des personnages de la trempe de ceux dont l’écrivain parvient si bien à dresser les portraits.

Résumé de l’éditeurOLYMPUS DIGITAL CAMERA

La ville de Wind Gap dans le Missouri est sous le choc : une petite fille a disparu. Déjà l’été dernier, une enfant avait été sauvagement assassinée… Une jeune journaliste, Camille Preak, se rend sur place pour couvrir l’affaire. Elle-même a grandi à Wind Gap. Mais pour Camille, retourner à Wind Gap, c’est réveiller de douloureux souvenirs. A l’adolescence, incapable de supporter la folie de sa mère, Camille a gravé sur sa peau les souffrances qu’elle n’a pu exprimer. Son corps n’est qu’un entrelacs de cicatrices… On retrouve bientôt le cadavre de la fillette. Très vite, Camille comprend qu’elle doit puiser en elle la force d’affronter la tragédie de son enfance si elle veut découvrir la vérité…

Mon avis

Il est certain que mon avis sera fortement influencé par mes précédentes lectures et par les exigences particulières que celles-ci ont suscitées en moi. Néanmoins, une comparaison ne peut ôter toute l’objectivité d’un avis aussi tranché que celui que je porte sur ce roman. Sur ma peau est beaucoup moins bon, j’irai même jusqu’à dire qu’il est médiocre et d’une banalité sans fond par rapport à ce que nous a livré l’auteure dans ses deux autres romans. Je n’ai tout bonnement pas aimé ce livre, et ce pour plusieurs raisons qui sont apparues précocement au cours de ma lecture.

Tout d’abord, il y a l’intrigue, ici à tournure policière, le fil conducteur de l’histoire, ce à quoi le lecteur est suspendu. Très rapidement, j’ai pressenti que celle-ci passerait au second plan, qu’elle ne serait pas autant aboutie que ce que l’on aurait pu espérer à la lecture du résumé, et qu’elle ne serait finalement pas l’objet principal du livre. Elle est clairement desservie par un rythme abusivement lent et mollasson, dans lequel les personnages principaux sont englués. Rien dans ce récit n’évolue de manière normale, l’enquête de fond est suivie d’aussi loin qu’il est possible de l’être, la police étant réduite à sa plus infime représentation; la presse quant à elle, est représentée par notre héroïne qui mène un travail de terrain plus que douteux, aux méthodes franchement invasives et dont les intérêts personnels se mêlent aux intérêts professionnels. Le lecteur se retrouve entre deux eaux, perdu au milieu d’un nulle part qui est la petite ville de Wind Gap, ne sachant pas très bien ce qu’il est venu y faire, tout comme notre héroïne Camille, elle-même étrangère à son propre passé dont Wind Gap est le sarcophage. Les récents drames survenus, à savoir l’assassinat de deux petites filles, sont censés être l’objet de son séjour sur place, donc un fil que le lecteur s’attend à suivre. Mais pour ma part je n’ai trouvé dans ce balbutiement d’intrigue policière aucun intérêt, allant même jusqu’à éprouver une certaine indifférence face au sort de ses fillettes. L’enquête partait sur de mauvaises bases, et la suite n’a fait que confirmer cette impression.

Si je ne peux compter sur une intrigue haletante pour maintenir mon attention et me faire tourner les pages avec allégresse, il faut que les personnages soient calibrés afin de supporter la légèreté de l’histoire en elle-même. Gillian Flynn a ainsi fait en sorte que cette dernière repose sur la psychologie de ses personnages, notamment des trois principaux que sont la journaliste Camille, sa mère Adora et sa petite sœur Amma. Ces trois représentations féminines incarnent un trio déroutant, pervers, malsain et à l’évolution rectiligne. Je dois reconnaître que nous avons sous les yeux de drôles de spécimens, torturés au possible, flirtant étroitement avec la folie, aux comportements plus que douteux et aux dialogues sibyllins. Cela n’est en général pas pour me déplaire. Les relations familiales perverties et sources de souffrances sont un thème inépuisable en littérature. Mais ici nous n’avons aucun équilibre, aucun temps mort dans le dérèglement familial qui n’est pas progressif mais exposé de manière brutale. La dynamique familiale est dominée par ce que l’on appelle double contrainte où tout dialogue est vain. Cette forme de communication, terreau parfait pour que la folie prenne racine, aurait pu être exploitée de manière plus subtile afin qu’une tension s’instaure, afin que le lecteur soit davantage saisi par ce que se joue au sein de la triade mère-fille-sœur.

Gillian Flynn a souhaité immerger son lecteur au cœur d’une relation mère-fille malsaine, teintée par l’aliénation de la première, et dont la personnalité, et la peau, de la seconde ont été marquées à vie. Mais, pour le coup, elle ne nous en dit pas assez. Alors, certes, l’étrangeté des dialogues et le mal-être de Camille, qui s’exprime par des scarifications singulières, sont des manifestations on ne peut plus éclairantes de ce qui se trame dans ce duo de l’ordre de la manipulation, de la perversion et de la soumission. Néanmoins, j’aurais souhaité que l’auteure s’applique davantage dans la description et la progression de cette dyade, qu’elle procède surtout de manière plus fine. Car, au milieu d’un environnement aussi énigmatique qu’est la ville de Wind Gap, à travers ses habitants tous plus dérangés les uns que les autres, ce couple mère-fille perd de sa consistance et de son intérêt. Il ne nous apparaît pas dans toute l’indécence que l’auteure aurait souhaité susciter. Et, vient se greffer à cette relation déjà lourde d’un passé pathogène une petite sœur provocante arborant deux visages en fonction de son interlocuteur, et qui est certainement l’un des personnages les plus détestables que j’ai rencontrés.

En réalité, ce qui m’a frappée dans ce roman est qu’aucun personnage, en plus de ce trio de tête, n’a de comportements, paroles, actes que l’on peut qualifier, sinon de « normaux », du moins de « cohérents », de socialement acceptables. Les dialogues sont tous empreints d’étrangeté, les paroles sont à double-sens, ou alors tenues hors de tout contexte. Les réactions des uns et des autres sont inexplicables, parfois totalement démesurées. Cela nous donne l’impression que les personnages sont bloqués dans un état de non-évolution, de stagnation, où la folie de tous est ici normalité. Tout m’est apparu faux, bizarre, dément. Cette histoire est totalement schizophrénique, dérangée et dérangeante.

Une autre remarque vient poindre après mes trois lectures de Gillian Flynn. Il semblerait qu’il  y ait quelque chose à creuser du côté de son rapport à la femme. Car, dans tous ses romans, elle nous dresse des portraits de femmes torturées, folles, asociales et peu avenantes. A contrario, les hommes sont relégués à des positions d’assistants, soumis aux mères ou aux épouses, ils brillent par la platitude de leurs personnalités. Dans Sur ma peau, nous reconnaissons Gillian Flynn par cet acharnement à nous représenter des personnages féminins peu fréquentables, dont elle prend plaisir à assombrir les traits. Je pourrais même aller plus loin en disant qu’elle ne se risque guère à sortir d’une zone de confort qu’elle semble particulièrement apprécier. Sur ma peau apparaît ainsi comme le brouillon des deux romans suivants.

Vous l’aurez compris, ce livre est une immense déception. Je n’y ai absolument pas retrouvé ce que j’avais tant apprécié dans Les Apparences et Les lieux sombres. Le personnage principal me rappelle à bien des égards Amy ou Libby, mais dans une version moins aboutie. L’intrigue est fade, surfant sur une folie ambiante mal canalisée, mal amenée et dont l’omniprésence a, je pense, étouffé ce que l’auteure souhaitait mettre en avant. Si vous désirez découvrir Gillian Flynn, vous pouvez sans hésitation faire l’impasse sur ce roman pour lire les deux suivants qui en valent vraiment la peine.

Et vous, avez-vous lu l’un des romans de cet écrivain ?

Je vous souhaite à tous d’excellentes fêtes de fin d’année !!!

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