Camilla Läckberg et moi, c’est une histoire qui dure depuis presque dix ans ; depuis les débuts de l’écrivain et la parution de La Princesse des glaces, premier roman d’une longue série mettant en scène Erica Falck et son mari, Patrick Hedstrom. Attachée aux personnages, à Fjällbacka (station balnéaire suédoise dans laquelle se déroulent toutes les enquêtes), à la narration à tiroirs de l’auteure et à son univers plutôt féminin, je ne réfléchis jamais vraiment quand il s’agit de me procurer sa dernière parution. Bien que les ficelles soient toujours les mêmes et que de trop nombreux défauts m’apparaissent avec le temps, je pensais être toujours fidèle à Camilla Läckberg. Après Le Dompteur de lions, que vaut La Sorcière ?

La sorcière Camilla Läckeberg

Résumé de l’éditeur

Une fillette de quatre ans disparaît de la ferme isolée de ses parents. Après une longue battue, Nea est retrouvée nue sous un tronc d’arbre dans la forêt, assassinée. Fait troublant : la fillette se trouvai à l’endroit où, trente ans plus tôt, avait té découvert le corps sans vie de la petite Stella, une fillette du même âge qui habitait la même ferme. À l’époque, deux adolescentes, Marie et Helen, avaient été condamnées pour le meurtre : elles avaient avoué avant de se rétracter.

Mon avis

Qu’on se le dise, ce roman est un pavé, un vrai de vrai, avec tout le négatif que ce terme suggère. Sept cents pages composent cette histoire, bien plus que les neuf précédents volumes. J’ai été légèrement embêtée, bien qu’en soit l’épaisseur d’un livre ne compte guère, mais je dois admettre que pour les genres policiers, thrillers, romans noirs, j’apprécie des récits de taille raisonnable. Je n’ai pas envie de passer plusieurs jours sur une histoire dans laquelle la fin, comme point d’orgue, se fait autant attendre. En matière de suspense, il ne faut pas confondre durée et intensité.

Avec La Sorcière, j’ai pour la première fois soufflé mon impatience et ruminé ma contrariété, priant en silence que l’auteure abrège son texte ; c’était trop long pour trop peu. Mais revenons à l’histoire. Une fois n’est pas coutume, en miroir à une intrigue contemporaine dans une Suède estivale croulant sous la chaleur, est étirée une histoire vieille de trois cents ans, à l’époque de la chasse aux sorcières dans le Bohuslän (province de Fjällbacka). Comment l’année 1672 peut-elle avoir un quelconque retentissement dans une enquête criminelle ? Laquelle s’ancre sur deux périodes : 1985 et 2015. Trente ans éloignent l’assassinat de deux petites filles de quatre ans, dans la même ferme, retrouvées au même endroit. Nous suivons donc trois intrigues, bien que la plus récente concentre davantage notre attention.

Nea est retrouvée morte, sous une souche d’arbre, dévêtue. En écho à l’affaire Stella, les deux présumées coupables de l’époque, alors deux adolescentes, sont de retour à Fjällbacka ; l’une femme au foyer, épouse d’un militaire hargneux et tyrannique, l’autre, star hollywoodienne adulée réputée pour ses frasques sexuelles. Patrick et la brigade sont chargés de l’affaire, tandis qu’Erica, par le plus grand des hasards, travaillait justement à l’écriture d’un livre sur l’affaire Stella. Pour rappel, la jeune femme, héroïne de Camilla Läckberg, est une écrivain reconnue spécialisée dans les faits divers.

La question principale qui ne cessera de titiller le brave lecteur, forcé de ronger son frein, est toute simple : Qu’unit les deux affaires ? Le meurtre de jeunes enfants, dans toute son horreur et son impénétrabilité, m’est d’ordinaire d’une attractivité folle.

L’histoire n’est pas complexe du fait d’une enquête surmenée et haletante glorifiant le travail du policier, elle l’est plutôt par des ajouts parasites – personnages, intrigues secondaires ou tertiaires – avec lesquels l’auteure croit jouer sur nos nerfs. Ainsi, si l’on extrait des sept cents pages le texte uniquement centré sur la résolution de l’affaire concernant les fillettes, je vous assure qu’en une centaine de feuilles celle-ci était pliée.

Camilla Läckberg évoque la crise migratoire. Nous ne lui reprocherons pas de traiter l’actualité à sa manière. Elle le fait d’une façon mignonne pleine de tolérance ; je ne vais pas cracher sur sa naïveté, attendu que je ne lui demandais pas un essai sur la position de son pays concernant l’arrivée massive de migrants. Pourtant, les personnages syriens ont beau être touchants, ils n’avaient rien à faire dans cette histoire. L’auteure, voulant densifier son intrigue à la résolution pauvre, a souhaité y mêler la crainte de l’étranger ; pointant du doigt la stigmatisation spontanée dont sont victimes Karim et ses camarades. Ce sont des coupables tout trouvés. Mais le lecteur n’est pas stupide pour se laisser avoir, dès leur apparition il se doute qu’il s’agit d’une fausse piste, indiquée par un panneau énorme difficile à occulter. Camilla Läckberg a fait parler de gentils migrants, le sujet est clos.

L’auteure évoque une autre forme de persécution à travers le harcèlement scolaire. Une bande de jeunes adolescents occupe une bonne partie du récit, trois comparses de mauvais coups face à deux amoureux victimes de leurs infâmes traitements. Là encore, nous nous égarons. Si l’on y ajoute le quotidien des personnages récurrents – Erica, sa sœur Anna, sa belle-mère, ses enfants – qui s’étale et n’apporte rien de neuf sous le soleil (où il est question de l’organisation de l’enterrement de vie de jeune fille d’une soixantenaire remariée et d’une énième grossesse pour Anna) le constat est éloquent. Que reste-t-il de notre enquête ? Où en est-elle ? Y a-t-il quelqu’un pour s’en occuper ?

Mais le plus dramatique c’est qu’en tant que lectrice j’étais plus avancée que Patrick et cie. Tenaillée par l’envie de creuser des pistes grosses comme des autoroutes mais laissées de côté par les policiers, je devinais avant l’heure les prochains rebondissements, trépignant de voir les personnages s’y diriger. Dans la réalité, un tel travail bâclé serait inadmissible. C’est tout bonnement improbable qu’une enquête plonge à si grande vitesse dans l’impasse alors que les scènes de crime regorgent d’indices, que les témoins sont tout justes interrogés et que trente ans plus tôt a été commise l’une des plus grosses bavures jamais enregistrées.

La brigade tourne autour des mêmes questions, ergote et divague ; c’est à se méprendre sur son utilité. Si l’on suit les dialogues entre les enquêteurs, il n’y a guère d’évolution entre la première et la dernière page. « Mais qui a bien pu tuer la petite Nea ? », il serait temps de mettre les moyens pour le savoir. Lors des quelques interrogatoires nous avons droit à de petits frémissements. Pendue aux lèvres d’un témoin, j’attendais une révélation choc, sur laquelle l’auteure supputait méchamment. Mais rien. Rien n’est jamais venu. Jusqu’à, bien sûr, les cinquante dernières pages où, comme dans tout bon mauvais thriller, nous avons droit à un déballage explosif de confidences associé à de l’action, en veux-tu en voilà, pour faire croire à une résolution méritée et arrachée comme une dent cariée. On va arrêter de se moquer du pauvre lecteur malheureux, déjà courageux d’en être arrivé là.

Pour couronner le tout, alors que l’on avait presque laissé tomber la recherche d’un lien avec les sorcières du 17e siècle, l’auteure nous plaque comme ultime illumination une misérable information censée tracer un trait d’union entre les époques. J’ai ri de la sottise du procédé. Ça n’a guère éclairé ma lanterne. Titrer une histoire sur le plus infime des filons c’est plutôt révélateur du contenu. Mais j’avouerai que les infortunes de la sorcière Elin m’ont autrement tenue en haleine que les affaires d’Erica.

En somme, La Sorcière est, je crois, le plus mauvais roman de Camilla Läckberg. Abominablement long, il est d’une pauvreté indécente. Du déroulé de l’enquête à sa résolution, je n’ai cru en rien et espère qu’aucune bourgade n’est pourvue d’une police aussi médiocre. Et la traduction ne m’a pas aidée à supporter le fardeau. Je suis surprise qu’un éditeur ait laissé passer des tournures de phrase parfois très maladroites. La lecture était loin d’être un plaisir. Camilla Läckberg, je ne sais pas si j’ai envie de vous rester fidèle… Si un jour vous quittez Fjällbacka et laissez mourir Erica, peut-être reviendrai-je vers vous. Mais en l’état actuel de votre oeuvre, qui périclite à vu d’œil, je préfère m’en éloigner. Je vais aller pleurer mes vingt-quatre euros partis dans la nature.

Et vous, que pensez-vous de ce dernier opus ? Avez-vous l’intention de le découvrir ?

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