Toujours en quête de mon « thriller de l’été », je me suis procuré ce titre de Chevy Stevens sur les bons conseils de quelques internautes. Le sujet de la séquestration étant ce qu’il est, et la couverture présentant une cabane austère m’invitant à en ouvrir la porte, j’espérais passer un agréable moment d’angoisse et de tension.

Résumé de l’éditeur

Annie a été séquestrée. Elle a passé douze mois en enfer dans une cabane perdue au fond de la forêt. Annie est libre, enfin, mais les séances chez le psychologue lui font revivre chaque minute. Annie est sauve, le plus dur est derrière elle. Du moins le croit-elle…

Mon avis

Il n’est pas exactement question d’un thriller ici, enfin tout du moins je n’ai pas ressenti l’étreinte oppressante digne du genre. Le problème essentiel, mais difficilement condamnable puisqu’il s’agit d’une construction singulière, réside dans le fait que dès les premières lignes le lecteur n’a aucun doute quant à l’issue de la séquestration de l’héroïne. Elle s’en sort, elle survit. Mais alors, si l’intégrité physique du personnage n’est pas sujet à suppositions et questionnements, sur quoi peut reposer le suspense attendu dans ce genre de récit ?

Annie a été enfermée pendant presque douze mois par un déséquilibré dans une cabane tout confort au cœur d’une forêt. La narratrice raconte à une psychologue quelconque — elle semble l’avoir minutieusement choisie mais le flou restera sur ses motivations — son calvaire, depuis le kidnapping jusqu’à son évasion. De longs mois de souffrance ponctués par des viols réguliers et d’étranges rituels nés d’un esprit maniaque et obsédé par la propreté du corps féminin. Tout nous est dit : le quotidien rythmé, l’obéissance, l’asservissement, les quelques dialogues pour tenter de mettre à nue la personnalité du criminel, les accès de violence du pervers, la réclusion mentale d’Annie, condamnée à tourner en rond.

En parallèle au récit de cette captivité, aux nombreux détails relatés, Annie raconte sa vie d’aujourd’hui, celle de la femme supposée libre. La traque des journalistes, la pression sociale, les interrogations familiales, les suspicions et incompréhensions — Comment a-t-elle pu survivre ? Quel être humain peut supporter ceci et sortir vainqueur ? — invitent à se demander quelle vie est la pire. La libération physique n’a pas signé la fin de l’emprisonnement, il a ouvert sur une nouvelle manière d’être recluse. La solitude est autre, sans doute pire quand il s’agit de faire bonne figure face à des yeux qui tantôt accusent la faiblesse — il en faut pour se terrer de force pendant un an — tantôt soupçonnent un piège. On ne peut raisonnablement sortir d’un tel enfermement sans être un minimum dérangé.

Un personnage en particulier se voit attribuer une place à part. La mère d’Annie, femme névrosée aux attitudes plus que douteuses, qui presse sa fille de confier son histoire à quelque scénariste capable d’en faire un film grandiose. En matière de perversion elle tire la bourre avec le tortionnaire d’Annie, passant pour gentillet à côté de cette diablesse sournoise inapte à montrer de l’affection et à comprendre les maux dont souffre sa fille.

Annie ne confie pas seulement le récit factuel de son kidnapping, elle confie ses troubles et livre quelques parcelles de son passé. Sans jamais clairement accuser sa mère de manquement, elle révèle des éléments suspects face à une psychologue à la capacité thérapeutique d’un mur de pierre. La rendre muette n’aide pas vraiment.

Ainsi, l’auteur déroule plusieurs chemins autour de son héroïne. L’histoire de son rapt est peut-être finalement le moins pertinent. Sachant Annie sortie vivante, beaucoup de passages ne présentent guère d’intérêt et quelques longueurs et répétitions auraient pu être évitées. Un événement crucial pourtant rend nécessaire cette narration, tragédie de l’horreur dont l’auteur ne fait que peu de cas, je trouve ( C’est pourtant très fort, et digne d’être le sujet principal d’un autre roman). L’écriture originale sous forme de confession, qui paraît un peu trop détachée et attestée — on la croit répondre à un interrogatoire — a tendance à dénaturer la réalité du vécu. Le récit prend de l’ampleur une fois qu’Annie a retrouvé la civilisation. Alors, nous avons droit à une intrigue ancrée dans le présent de la narration, puisque notre héroïne n’a pas fini de subir ; l’on continue à s’acharner sur elle. Ici, du suspens enfin il y a. Et l’on attend, fébrile, le dénouement qui, pour le coup, est non à-propos. Alors que je pensais découvrir une relation portant les germes d’un syndrome de Stockholm entre Annie et son ravisseur, il est question de tout autre chose. Après un épisode plus classique, la fin vaut pour son originalité mais elle n’a rien de ce qui était attendu, de ce qui aurait dû logiquement être. Séparée de l’intrigue, elle est très bonne, mais avec celle-ci le mariage n’est pas heureux.

La structure du texte présageait une attention davantage portée sur le Monstre — comme Annie le prénomme — sinon pourquoi avoir scrupuleusement mis en mots le déroulé de la détention d’Annie ? Le lecteur espère en une explication poussée sur le comportement un brin pathologique du type. La perversion, le souci obsessionnel de l’hygiène, l’instauration d’un rythme parfaitement découpé, tout ceci demeure sans aucune explication. L’individu est fiché comme un être lambda. On nous raconte en détail de longs mois de torture pour au final mettre de côté le criminel et n’apposer aucun mobile sur ses agissements. Il aurait mérité un meilleur traitement tant ses méthodes sont dignes d’un sociopathe calibré. Au regard de ce silence, j’ai encore moins saisi l’intérêt de l’énoncé prolifique le précédant.

Demeure à la fermeture de ce roman une impression assez brumeuse. La séquestration d’Annie a une place assez inattendue dans l’histoire, invitant le lecteur à suivre une piste, pour ensuite démonter la première partie (le récit d’Annie). Pour autant, ce texte possède de nombreuses qualités et est habilement construit ; non, je ne me suis pas ennuyée. Certains épisodes sont d’une tension psychologique rares suscitant un malaise efficace chez le lecteur ; je pense notamment au canard sauvagement assassiné qu’Annie est contrainte d’avaler le soir au dîner. De brillantes idées illustrent le scénario, le final aurait remporté ma totale adhésion s’il n’était pas aussi discordant par rapport à la globalité de l’intrigue, s’il n’invitait pas à faire une croix sur des questions soulevées tout le long.

Séquestrée n’est pas le thriller de mon été. Il présente une intrigue aux originalités multiples, il se démarque de beaucoup de textes un peu trop conformistes, mais il n’a pas enchevêtré mon esprit avec des ficelles suffisamment resserrées. Pour un premier roman, le niveau est excellent et présage d’agréables futurs moments de lecture. Je garde donc cette auteure en tête pour d’autres occasions.

Et vous, quelle a été la cause de vos récents frissons littéraires ?

 

 

 

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