Le rythme sur ce blog devient scandaleusement catastrophique… L’année 2018 aura été beaucoup trop pauvre en lectures. Le temps m’a cruellement manqué, et cela ne risque pas de s’arranger. Dès janvier 2019, je compte consacrer mes quelques heures de liberté chipées à droite à gauche pour écrire mon prochain roman. Lire ou écrire, il faut parfois choisir. 

Mais parce que lire m’est vital, ce blog ne va pas tomber en désuétude. Il évoluera certes doucement, mais ne restera pas en jachère. Je compte bien fêter son cinquième anniversaire (déjà !) en mai prochain. 

Je m’excuse auprès des blogueurs dont je ne consulte presque plus les sites. Je m’en mords les doigts…

Cette large parenthèse close, je vous présente aujourd’hui un roman américain sélectionné sur le simple prénom de l’auteure, que porte aussi ma fille. Quand on n’a pas le temps de traîner sur le net en quête de lectures, on les choisit sur des critères quelque peu… hasardeux !

Bonne pioche cette fois-ci ! Malgré des journées tumultueuses, je suis parvenue à le lire en moins d’une semaine, un record ! 

Résumé de l’éditeurLa Saison des feux - Celeste Ng

A Shaker Heights, banlieue riche et tranquille de Cleveland, tout est soigneusement planifié pour le bonheur des résidents. Rien ne dépasse, rien ne déborde, à l’image de l’existence parfaitement réglée d’Elena Richardson, mère au foyer exemplaire. Lorsque Mia Warren, une mère célibataire et bohème, vient s’installer dans cette bulle idyllique avec sa fille Pearl, les relations avec la famille Richardson sont d’abord chaleureuses. Mais peu à peu, leur présence met en péril l’entente qui règne entre les voisins. Et la tension monte dangereusement à Shaker Heights.

Mon avis

Pourtant, il n’était pas dit d’avance que j’apprécierais cette histoire se déroulant dans un quartier cossu d’une ville de l’Amérique profonde et puritaine. Je craignais de goûter une soupe tiède composée d’ingrédients peu recherchés et d’avoir affaire à des intrigues de bonnes femmes pour lesquelles je n’éprouverais qu’un léger intérêt. Le livre s’ouvre sur l’incendie de la demeure familiale, vraisemblablement commis par la rebelle de la fratrie, Izzy. Pour quelles raisons ? C’est ce que nous allons tenter de comprendre en revenant plusieurs mois en arrière, lorsque Mia s’installe avec sa fille dans un appartement appartenant au riche couple.

Les adultes se retranchent derrière leurs enfants qui, les uns envers les autres, vont ressentir un curieux attrait. La voltigeante et libre Pearl fascine Lexie et ses frères ; tandis que la vie bien rangée de ces derniers rassure la fille de Mia, artiste photographe nomade. Aussi, elle s’immisce dans leur quotidien, se greffant à leur famille comme une pièce rapportée ; investissant les lieux pour le plus grand bonheur des enfants et de la mère, qui se donne ainsi l’impression de faire oeuvre de charité.

Quant à Izzy, elle se propose comme assistante personnelle de Mia. Ainsi, ces deux familles, que tout oppose, se mêlent et fusionnent avec l’aide des plus jeunes qui, leur âge aidant, n’ont pas les barrières qu’une vie a formées, ou bien, voient en celles-ci d’intrigants obstacles à franchir, dressés par des parents pourtant bienveillants.

Cette histoire de mœurs se lit comme un thriller, où chaque événement touchant l’un des membres de l’une de ces familles devient une marche conduisant au drame présenté en préambule. C’est un enchaînement de faits, d’incompréhensions, d’erreurs, de bonnes intentions désastreuses. Parfois le lecteur peut craindre de se perdre dans des aventures adolescentes et puériles où les amourettes se racontent comme des passions. L’auteure évite cependant de verser dans ce genre et propose des thématiques puissantes autour de la maternité : l’infertilité, l’adoption, l’abandon, l’avortement, la GPA, la contraception… Jouer sur la multiplicité des sujets abordés était hautement risqué, d’autant qu’il concerne un nombre de personnages évoluant en vase clos. J’ai failli me dire que c’était trop, mais l’adresse de l’auteure permet un ballet qui n’enivre pas. Le résultat est fin et rassasiant comme il faut. Il n’y a ni pertes de temps ni digressions. On découvre, stupéfait, les secrets qui se dévoilent, certains enfouis depuis plusieurs années, d’autres qui se créent sous nos yeux.

Nous n’échappons pas aux portraits de jeunes scintillants à l’image de Lexie, repliés comme Izzy ou sportifs un peu bêtas tel Trip. Il y a les premières fois tâtonnantes, l’inévitable colère envers les adultes, la vaine lutte pour plus de justice. Je n’ai pas pour habitude de me reconnaître dans les ados de fiction ni même d’éprouver pour eux autre chose qu’un profond dédain (cet âge est terrible) or, ici, ils sont soit déjà presque adultes soit encore enfants pour que leurs bêtises de 15 ans ne me fassent pas lever les yeux au ciel. Les liens se resserrent, de surprenantes intimités se construisent. Chacun aura, à un moment donné, maille à partir avec les autres. Il n’y a aucune fausse interaction dans cet apparent désordre générationnel.

La Saison des feux pouvait être un énième roman américain contemporain qui décortique sa bonne société rigide. Du fait que les protagonistes ne soient pas moulés dans des rôles aux limites bétonnées, il ne me semble pas avoir lu la version littéraire de Desperate Housewives. Cette histoire domestique et sociale soulève de vraies problématiques récurrentes dans un pays plein de contradictions, tout en maintenant un suspense de fiction. Les personnages et leurs relations forment une étoile à mille branches, chacun pouvant à tout moment voler la vedette aux autres car tous sont attachants, singuliers, complexes. Leurs démarches et réflexions m’inspirent la sincérité de héros quotidiens auxquels je peux facilement m’identifier.

Celeste Ng prend son temps pour exposer une situation explosive. Pierre après pierre, elle dresse l’édifice qui prendra feu en toute fin. Le lecteur, placé dans la confidence et en amitié avec chaque personnage, devine la pente et voudrait soulever les voiles pour qu’aux yeux de tous les vérités éclatent. La Saison des feux est un récit sur le mensonge et la lâcheté dont nous nous rendons chacun d’entre nous coupable. Bien sûr, les thèmes largement féminins et liés à un domaine dont je n’aurais jamais fini d’explorer les contrées m’ont parlé plus qu’à d’autres et s’adresse à un lectorat bien ciblé.

Et vous, connaissez-vous la récente, et encore courte, oeuvre de cette jeune auteure ?

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