Les histoires commençant par Monsieur A rencontre Madame B n’ont pas trop ma faveur. Les romances sont les meilleures, selon moi, quand elles sont accessoires. Mais beaucoup d’avis positifs évoquant un texte tout sauf niais ont eu raison de moi. Sait-on jamais, je laisse la porte ouverte à un renversement émotionnel ; certaine que l’on peut écrire un texte moderne sur l’amour en évitant les poncifs.

Résumé de l’éditeur

Aurore est une styliste reconnue et Ludovic un ancien agriculteur reconverti dans le recouvrement de dettes. Ils n’ont rien en commun hormis un problème de corbeaux qui a élu domicile dans la cour de leur immeuble parisien. Elle en a une peur bleue, lui sait comment s’en débarrasser. Cette rencontre improbable les éloignera peu à peu de leur routine et les conduira sur le chemin périlleux de la complicité jusqu’à l »égarement amoureux.

Mon avis

C’est que ce roman ne se résume pas à une tromperie, au combat d’une femme pour s’extraire d’un adultère, prise entre un amant fougueux et un époux évaporé. En s’arrêtant sur les personnages principaux, déjà l’on constate une épaisseur nouvelle qui évitera aux lecteurs des heures d’ennui littéraire à parcourir les émois sentimentaux d’un couple comme échantillon de milliers d’autres.

Il est bien question d’une rencontre et d’un amour naissant, oui, mais prenant forme dans un environnement social perturbé ; la solidité professionnelle de Ludovic et Aurore est mise en branle en même temps que les deux se prêtent à des parties de jambes en l’air. Aurore, dirigeante d’une entreprise de mode, est évincée de son affaire par un associé prêt à tout pour sauver sa peau. Elle nage dans la semoule. Sa santé morale est en jeu. Sa boîte c’est toute sa vie, alors face à son mari qui ressasse la non-gravité d’un chômage forcé, elle veut prouver sa détermination et, surtout, ses capacités à mener la barque seule. Ludovic, lui, est un as dans le recouvrement, un métier peu glorieux mais nécessaire qui honore sa droiture, son sens du devoir et sa tempérance. Ludovic est l’homme dont personne ne soupçonne les fragilités, grand et costaud bien malgré lui il pleure sur sa terre natale du sud-ouest, lui qui a migré à Paris après avoir tragiquement perdu l’amour de sa vie.

Les deux habitent dans le même groupement d’immeubles, la première du côté chic bourgeois, le second du côté des moins bien lotis. Entre les deux, une cour où les oiseaux se livrent bataille. Les corbeaux en ligne de mire. C’est en tuant ces parasites que Ludovic se fera une petite place dans le cœur de sa voisine, la bourgeoise parisienne par excellence. L’auteur évite de s’attarder sur la haine avant l’amour. Il évoque le peu de considération que chacun porte à l’autre, certes, mais c’est suffisamment fin et réaliste pour y croire.

Ludovic et Aurore se tombent dans les bras comme poussés par des forces extérieures. Au lieu de trouver le sol, ils découvrent chaleur auprès de l’autre. C’est tout d’abord charnel, érotique, un coup par là entre deux rendez-vous et puis on s’oublie jusqu’à la prochaine fois. Ludovic n’est pas loquace alors parfois Aurore fait la conversation. Et c’est la tête sur l’oreiller qu’il apprend ses difficultés financières, la trahison dont elle est victime. Lui, ça le met en rogne. Quand il s’agit de récupérer son dû il est maître du jeu. Bien vite donc, leur relation extra-conjugale se teinte d’une enjeu plus fort puisque Ludovic se retrouve étroitement mêlé aux ennuis d’Aurore. Il lui est impossible de reculer, il s’enfonce tête la première dans la faille. Sauver Aurore avant tout. Ils sont bien les derniers à se rendre à l’évidence qu’entre eux il y a plus que le simple plaisir de s’unir à l’abri des regards, excités par l’interdit.

Les moments où nos deux amants se rencontrent ne représentent pas le plus gros morceau du livre, et c’est toute sa force. L’auteur avait pour dessein de raconter un amour citadin et moderne, ce que de trop nombreux auteurs tentent de faire. Le pari est hautement réussi. De l’amour il y a, mais sans l’évidence, sans la précipitation dans laquelle plongent les relations cachées, sans trop de scandale non plus. Il m’a été impossible de les condamner, enfin surtout Aurore, mariée et mère de famille. Elle aurait pu sombrer dans les méandres de la quarantenaire forcément perdue donc infidèle ; pourtant son personnage, écrasé par des considérations entrepreneuriales, échappe à toutes les réprimandes. Je la remercie de ne pas s’être étalée dans une culpabilité odieuse. L’auteur d’ailleurs nous la montre rarement dans le cadre familial. On la connaît cette femme qui pleure quand les enfants dorment et qui garde les yeux ouverts aux côtés du mari dans le lit conjugal.

J’ai été totalement harponnée dans cette intrigue dont je ne m’imaginais pas qu’elle prendrait une telle direction. L’auteur est parvenu à me faire enrager sur des sujets qui n’ont rien à voir avec le thème de la romance interdite, pour mieux y revenir sans doute, pour que celle-ci illustre un abri douillet. Ludovic et Aurore ont aussi le mérite de leur caractère, il aurait été impensable de les imaginer batifolant. On découvre éberlués l’essentiel de leur relation qui n’est pas une fuite mais plutôt un réconfort. Le lecteur attend ces moments où il ne se passe pas grand-chose, pour ensuite mieux replonger dans le quotidien lourd et malchanceux des protagonistes.

J’ai beaucoup apprécié la tournure dramatique de la seconde partie du texte. C’était inattendu et l’événement aurait pu être le début d’un nouveau livre. Ici il vient redistribuer les cartes, déséquilibrer toujours plus nos personnages et insuffler la tension finale. On n’en espérait pas tant, chapeau à l’auteur d’avoir su susciter toujours plus mon intérêt en gambergeant dans des directions insoupçonnées.

En cernant l’amour de complexités de différents ordres, l’auteur lui offre un écrin abîmé mettant d’autant plus en valeur l’éclat de la pierre. En refermant le livre, il n’y a aucun parti pris, aucune évidence, mais toujours des incertitudes, des questionnements. C’est sur une attente que se clôt ce merveilleux texte, de la manière la plus adéquate. La promesse n’est pas forcément joyeuse, mais elle m’a plu.

Repose-toi sur moi est un roman contemporain audacieux prenant le risque de ne pas satisfaire les adeptes de la romance bien rangée. Il est le livre parfait pour ceux qui hésitent à trop se mouiller dans des histoires à l’eau de rose convenues. En fait, il raconte plutôt une descente aux enfers, jusqu’à un point de non-retour. La romance venant ici en support. J’ai été secouée et tourmentée lorsqu’en tournant la dernière page j’ai réinterrogé l’histoire en ravalant mes larmes. Aurais-je donc préféré plus de happy ?

Et vous, quid des histoires d’amour lues ?

 

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