Après mes précédentes lectures de Franck Thilliez, et mon enthousiaste débordant concernant les deux dernières, je n’avais qu’une envie, celle de replonger dans un autre de ses romans. J’ai découvert cet auteur relativement tardivement, malgré le succès de ses publications et sa popularité consolidée en une dizaine d’années. J’essaye de suivre un rythme volontairement lent dans mon parcours de sa bibliographie car je crains que ce ne soit le genre de littérature qui, bien qu’elle me procure des émotions intenses, finisse par me lasser si j’en suis trop avide. Et là, je fais bien sûr référence à ma relation tumultueuse avec les romans de Maxime Chattam, qui s’inscrivent dans la même lignée que ceux de Franck Thilliez, bien qu’ils ne jouent pas avec les mêmes effets. D’ailleurs, le second a d’ores et déjà détrôné le premier, se rapprochant plus de mes goûts et attentes.

Résumé de l’éditeurOLYMPUS DIGITAL CAMERA

Ilan et Chloé sont spécialistes des chasses au trésor. Longtemps, ils ont rêvé de participer au jeu ultime, celui dont on ne connaît que le nom : Paranoïa. Le jour venu, ils reçoivent la règle numéro 1 : Quoi qu’il arrive, rien de ce que vous allez vivre n’est la réalité. Il s’agit d’un jeu. Suivie, un peu plus tard, de la règle numéro 2 : L’un d’entre vous va mourir. Et quand les joueurs trouvent un premier cadavre, jeu et réalité commencent à se confondre. Paranoïa peut alors réellement commencer…

Mon avis

Pénétrer l’univers de Thilliez c’est comme entrer dans du beurre pour moi. Je dois dire que je suis une lectrice friande de ce genre d’ambiance et d’intrigue à tiroirs. L’auteur sait parfaitement jouer avec nos nerfs, et je me laisse piéger comme une débutante à chaque fois. J’ai la peur très facile je dois bien l’admettre, et j’aime ça. Alors avec Puzzle, je savais plus ou moins à quoi m’attendre. Je savais qu’il ne me faudrait pas parcourir un nombre élevé de pages avant de ressentir mes premiers frémissements. Et cela a une fois de plus fonctionné.

Nous nous retrouvons dans une atmosphère glaciale, rappelant fortement le cadre de Vertige, en pleine montagne alpine où les tempêtes s’enchaînent sans accalmie. Ajoutez à cela un hôpital psychiatrique désaffecté pour servir de décor à un jeu de chasse au trésor exceptionnel réservé à l’élite des joueurs les plus chevronnés. Voici les éléments qui composent ce thriller aux notes grinçantes. Je dois reconnaître que la recette est facile, peu risquée, puisque les ingrédients sont loin d’être insolites. L’asile c’est du vu, revu et rerevu, mais cela fonctionne encore sur moi. Car Franck Thilliez est tout de même malin, et malgré l’utilisation de ficelles déjà partiellement élimées par d’autres écrivains, il parvient à construire une intrigue démentielle dans laquelle, une nouvelle fois, le personnage principal se trouve pris au piège d’un casse-tête grandeur nature où le flirt avec la folie, induit par un isolement aussi bien physique que mental, représente le plus grand danger. Le héros devient les yeux du lecteur, par lesquels ce dernier expérimente l’environnement, le perçoit tous les sens en alerte, le fait sien. Nous voici donc coincés dans un jeu de rôle, où l’on devient suspicieux à l’extrême, où la frontière entre réalité et fiction ne fait que se remodeler sans cesse.

Malgré ma naïveté totalement assumée et volontairement provoquée, je dois dire que j’ai tout de même cherché ce qui ne tournait pas rond dans la trame qui se déroulait sous mes yeux. Je me suis surprise à rassembler des indices, à remonter le fil de l’histoire en quête d’un détail troublant étant passé inaperçu. Car avec Vertige et L’anneau de Moebius, Thilliez m’a entraînée à ce petit jeu du camouflage et des faux-semblants. Mais alors, l’on pourrait croire que le dénouement était joué d’avance, que les dés étaient pipés. Eh bien, oui et non. Ma crédulité n’a pas été totale puisque j’ai partiellement démantelé la construction de cette histoire en cours de route. Mais Thilliez a monté un spectacle fait de trop de détails pour que le lecteur puisse avoir toutes les réponses à ses questions aussi facilement. Il sait qu’il lui faudra attendre les dernières pages pour que tout s’éclaire. Et là repose tout le talent de l’écrivain, qui ne doit pas faire d’écart dans sa ligne directrice sous peine de voir son intrigue s’écrouler comme un château de cartes.

Néanmoins, le dénouement proposé ici, comme celui de Vertige d’ailleurs, comporte sa part de frustration. Et ceci, je le craignais fortement, tout en me doutant que tel serait forcément le cas. Je ne peux guère vous en dire plus, et cela est bien dommage car il y aurait matière à débat dans cette fin. Mais, malgré l’acharnement de l’auteur à la faire coller le plus possible à son récit, il se trouve qu’elle ne peut échapper à une impression de facilité. J’en reviens donc à ce que j’avais déjà soulevé après ma lecture du roman Vertige. C’est le genre de voie de sortie qui anéantie toutes les questions qui restent en suspens, les rendant superflues, désuètes, vaines. Et cerise sur le gâteau, le récit se clôt par une réplique, de celles qui ne sont là que pour laisser le lecteur sur une dernière interrogation venant remettre en question l’intégralité de l’intrigue qu’il a parcourue. En somme, le genre d’ajout qui est clairement de trop, qui n’est là que pour semer le doute, mais un doute surfait, exagéré et fatigant. J’omets donc cette dernière tentative de retournement, pour en rester au premier et véritable final proposé par l’auteur, et qui, bien que frustrant, a le mérite d’être amené en douceur, avec son cortège d’explications hautement nécessaires.  

En conclusion, Puzzle correspond à ce que j’ai lu précédemment de Franck Thilliez. Il s’inscrit parfaitement dans son style, dans ce qu’il maîtrise et ce qu’il aime écrire surtout. Je dois reconnaître son talent pour nous décrire des ambiances lugubres, pour nous mettre dans une condition psychique faite d’angoisses et de craintes brumeuses, et pour tisser une intrigue suffisamment intelligente et complexe tout en utilisant des symboles, images et représentations pourtant évidents. Parcourir Puzzle m’a apporté les sensations que j’attendais; sans pour autant être renversant il reste un très bon thriller dans son genre. Je distingue trois catégories de lecteurs potentiels, ceux qui ont l’habitude de ce genre d’intrigue et qui, soit, comme moi, y trouveront leur compte, soit seront déçus par la redondance des idées et thèmes abordés. Et puis, il y a les novices, pour qui ce livre représente le premier du genre, et qui auront de fortes chances de se laisser totalement embarquer par l’intrigue et de s’en délecter. C’est à ces derniers que Puzzle pourra livrer toute l’étendue de ce qu’il a dans le ventre.

Ce roman, d’après ce que j’ai pu lire, serait un joyeux mélange de plusieurs films; ce qui ne m’étonne guère, car il est clairement cinématographique dans sa construction et reprend des thèmes peu originaux car déjà exploités. Certains applaudissent ces références, d’autres au contraire condamnent un plagiat douteux. Parmi les films cités que j’ai moi-même vus, je retiens Shutter Island et Saw, car effectivement certains éléments se retrouvent dans Puzzle. Beaucoup évoquent Shining et Usual Suspect, mais n’étant pas une grande cinéphile, je ne peux faire le rapprochement.

Et vous, Franck Thilliez est-il un auteur présent dans votre bibliothèque ?

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