Voici un auteur que j’ai tardé à découvrir. En effet, je vois défiler ses romans partout sur la toile, en plus de les croiser bien souvent en tête des rayons dans les librairies. Pour autant, je ne me suis pas précipitée sur ces livres, plaçant d’ores et déjà l’auteur dans un genre « populaire », au même titre que d’autres écrivains très connus dont je me suis détachée. Et puis, j’ai lu des avis élogieux sur ce roman en particulier. C’est le contexte de l’histoire servant de décor à un meurtre, Giverny, Claude Monet, l’impressionnisme, qui m’a poussée à franchir le pas.

Résumé de l’éditeurOLYMPUS DIGITAL CAMERA

Le jour paraît sur Giverny. Du haut de son moulin, une vieille dame veille, surveille. Le quotidien du village, les cars de touristes…Des silhouettes et des vies. Deux femmes, en particulier, se détachent : l’une, les yeux couleur nymphéa, rêve d’amour et d’évasion ; l’autre, onze ans, ne vit déjà que pour la peinture. Deux femmes qui vont se trouver au cœur d’un tourbillon orageux. Car dans le village de Monet, où chacun est une énigme, où chaque âme a son secret, des drames vont venir diluer les illusions et raviver les blessures du passé…

Mon avis

J’ai lu ce roman durant les fêtes, sur plusieurs jours donc, ce qui m’a contrainte à un rythme ralenti. En réalité, je ne pensais pas être emballée à un point tel que je puisse regretter de ne pouvoir m’y plonger des heures durant. Car, il est certain que dans un tout autre contexte, j’aurais dévoré ce livre. J’ai été emballée dès les premières pages, m’attachant immédiatement aux personnages qui nous sont présentés en préambule.

Cette histoire met en scène trois femmes, une enfant, une jeune épouse et une vieille dame, qui évoluent dans le village mondialement connu qu’est Giverny, où point l’ombre d’un meurtrier venant entacher ce décor pastel. Le récit débute donc par la découverte d’un cadavre, retrouvé dans le lit d’une rivière, laissant peu de doute quant à son origine criminelle. S’ensuit une enquête longue et harassante, menée par l’inspecteur Sérénac, homme bourru, indélicat, un poil provocateur et possédant une confiance en soi inébranlable.

Cette enquête, qui semble être la toile de fond de l’histoire, son fil conducteur, va s’étaler tout le long du récit sans réelle vague ni heurt, pour trouver son aboutissement dans les dernières pages. Le dénouement n’est en réalité pas la simple résolution d’un crime, mais la mise en perspective d’une multitude d’éléments disséminés dans le texte, et qui constituent un tableau surprenant.  Nymphéas noirs n’est pas un simple roman policier, il est beaucoup plus que cela. Bien sûr, l’auteur a recours à des ingrédients classiques du genre. Mais le lecteur comprendra vite que l’histoire en elle-même dépasse largement le cadre d’une simple enquête policière, et qu’elle se développe davantage dans les détails. Ainsi, nous avons un décor bien identifié, pittoresque, pictural, coloré et lumineux qui est le village où a vécu le peintre Claude Monet et dans lequel Michel Bussi extrait habilement des fragments de toile qu’il réassemble afin de constituer son propre tableau. N’étant jamais allée à Giverny, j’ai été ravie par cette promenade dans les ruelles du village, dans ce lieu d’inspiration et de pèlerinage pour des milliers de peintres amateurs qui, chaque année, viennent des quatre coins du monde afin de humer, observer, ressentir, vivre des émotions du passé pour se croire impressionniste le temps d’une journée. Michel Bussi disperse une panoplie d’éléments sensuels dans son récit, s’attardant sur des détails, qu’ils soient purement naturels, un cours d’eau, un arbre, un massif de fleurs, architecturaux, la maison rose, le moulin, l’école, ou tirés des tableaux croisés de-ci de-là, copies ou originaux, cela importe peu. Nymphéas noirs est un roman qui embaume, qui recrée un univers où tous nos sens sont titillés. L’environnement dans lequel l’auteur installe son histoire, et dont l’importance est indéniable, participe allègrement à l’atmosphère légèrement surannée se dégageant de cette lecture. Mais dans un tel décor aux tons pastel ne peuvent évoluer que des personnages parfaitement étudiés et dessinés pour s’y fondre afin d’éviter tout contraste disgracieux. Ainsi, même les policiers trouvent leur place dans ce tableau. L’inspecteur est lui-même un amateur d’art, il n’en aurait pu être autrement. En réalité, aucun personnage ne fait tache dans ce décor, ceci étant rendu possible par le fait qu’ils sont relativement peu nombreux.

Nymphéas noirs nous parle d’amour et de passion. Il nous expose des élans du cœur, des sentiments purs et simples, mais aussi des destins brisés, des rêves inaccomplis, des espoirs vains. Les trois héroïnes, qui sont décrites simultanément dès la première page, incarnent chacune l’illusion et la désillusion. L’une d’elles a peut-être un rôle plus délicat que les deux autres dans cette histoire, puisque prise dans un étau sentimental complexe où le crime initial, celui d’un potentiel amant, vient s’inscrire. Il s’agit de Stéphanie, l’institutrice, tout droit sortie d’un roman du 19ème siècle, épouse dévouée mais rêvant d’une autre vie, en compagnie de l’inspecteur Sérénac peut-être.

J’ai été saisie par la manière dont l’auteur laisse vivre ses personnages, sans brusquerie, sans ambition démesurée, sans les cloisonner dans une tonalité, un registre, un moule fixe. En effet, il les extrait d’un rôle unique, conférant à leurs personnalités de multiples facettes les rendant d’autant plus pittoresques. Nous les voyons évoluer dans différents contextes émotionnels, se déplaçant dans le tableau, passant d’un plan à un autre. Ainsi, Laurenç Sérenac est à la fois l’inspecteur d’une enquête plus compliquée qu’il n’y paraît, et doux chevalier épris de la plus belle femme du village.

Les lecteurs pressés se devront pourtant d’être patients, car ici les rebondissements ne sont pas légion. Si vous êtes avides de sensations revoyez vos attentes et laissez-vous plutôt bercer par la beauté enchanteresse des lieux. Car Giverny est un Eden de calme et de repos où la tornade se produit dans les cœurs, ceux des artistes et des habitants en proie aux tourments amoureux. Même l’agitation des enfants de l’école est contenue. Pour autant, si rebondissements il n’y a pas réellement, l’histoire suit son cours en empruntant plusieurs voies sinueuses. Il y a l’enquête principale autour de l’assassinat d’un homme du village menée par l’inspecteur Sérénac, qui se trouve lui-même au cœur d’une intrigue amoureuse; il y a le rôle de la vieille dame qui reste bien mystérieux, omniprésente dans le récit elle est un fantôme dans le village, se baladant quotidiennement dans les petites rues où elle passe pourtant inaperçue; il y aussi la petite Fanette et sa dévotion absolue pour la peinture. Plusieurs fils sont ainsi tirés, suivis lentement, ils placent le lecteur en suspens quant à leur convergence, qui se laisse pourtant deviner par moments, dans les détails toujours.

Comment peut bien se terminer un roman à la croisée des genres, ne penchant ni d’un côté, ni d’un autre, mais assemblant de manière on ne peut plus poétique ce qui en fait à la fois un policier, une romance, un thriller…Eh bien, en y ajoutant un soupçon de magie et de rêve, l’auteur parvient à clore son histoire en sustentant tous les désirs suscités à la lecture, les attentes éveillées, et en répondant bien sûr à toutes les questions au sujet de l’intrigue en elle-même. Pour ma part, j’ai entrevu durant ma lecture les contours du final, devinant l’axe emprunté par l’auteur; quelques indices sont là pour nous l’indiquer. Mais cela n’a absolument rien entaché au plaisir que j’ai éprouvé en découvrant l’assemblage final qui se déroule sous nos yeux en finesse, les pans du voile se soulevant petit à petit pour ne pas rompre le rythme particulièrement entretenu par l’auteur jouant avec la patience de ses lecteurs. De plus, la scène finale a été une sacrée gifle, m’arrachant presque des larmes par sa simplicité, sa portée émotionnelle et ce qu’elle laisse deviner du devenir de nos personnages.

En somme, Nymphéas noirs a été une merveilleuse surprise. J’aime ces romans légèrement fous, où l’auteur ose aller au bout de ses idées, surexploitant un thème et un décor tout en nous livrant une histoire originale où le lecteur est plongé dans un monde d’illusions, ou plutôt d’impressions. Il ne me reste plus qu’à vérifier si le reste de sa bibliographie est aussi réussi.

Et vous, avez-vous lu Michel Bussi ?

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