J’ai le plaisir d’inaugurer aujourd’hui un partenariat avec Les Editions Baudelaire, qui m’ont fait parvenir deux livres atypiques que je me suis empressée de lire :

Nous sommes de la boue qui marche de Brigitte Mondy

16 nouvelles brèves de Jean-Marie Mantz

J’ai été très agréablement surprise, par l’un comme par l’autre, que je vous présenterai sous peu.

Résumé de l’éditeurCouverture

A travers les lettres adressées à sa famille et en particulier à sa sœur Renée, mon grand-père nous emmène tour à tour dans les villages occupés, sur le champ de bataille ou à l’arrière des lignes ennemies. C’est un jeune homme de 20 ans qui découvre un autre monde : la vie communautaire, les privations et le manque de liberté. Deux années durant, pour tenir le coup, il écrit et raconte sa vie au rythme des assauts et des accalmies, les tranchées, la joie des belles rencontres et la tristesse des grandes pertes. En février 1916, il est grièvement blessé et abandonné sur le champ de bataille à Douaumont. Des courriers de ses supérieurs informent ses parents que, faute de brancards, le jeune soldat n’a pu être secouru…

Mon avis

Vous n’êtes pas sans savoir que l’année 2014 a été marquée par le centenaire du début de la Grande Guerre. Cet évènement a donné lieu à la parution de nombreux ouvrages ayant comme toile de fond cette période de l’histoire. Je ne suis pas particulièrement adepte des commémorations historiques, qui ne sont que trop souvent de tristes anniversaires. Je n’ai donc rien lu en 2014 sur la Première Guerre mondiale. Je pense même pouvoir affirmer que je n’ai jamais lu de roman se déroulant durant cette période.

La Première Guerre mondiale en effet m’est moins connue que la Seconde, comme pour beaucoup de personnes je pense. Il me semble même qu’elle est moins abordée en littérature que sa sœur. C’est donc avec beaucoup de curiosité que j’ai entamé la lecture de Nous sommes de la boue qui marche. J’ai eu l’impression de tenir entre mes mains les vestiges d’une page de notre Histoire. Ce sentiment, assez puissant au demeurant, ne m’a pas quittée durant ma lecture. Lire de véritables lettres écrites par les mains d’un soldat est la manière la plus juste d’appréhender la réalité de la guerre. Ainsi, la  démarche de Brigitte Mondy est généreuse, car elle ouvre les portes de son histoire familiale à un large public, tout en ayant une portée historique universelle. On ne dira jamais assez qu’il est essentiel, pour les générations à venir, de conserver les traces de ce passé douloureux.

Vous l’aurez compris, il est difficile, voire impossible pour moi, de faire la critique d’un tel ouvrage comme je le fais habituellement avec les romans. La structure du texte et sa portée cloisonnent mon jugement. On ne peut lire ce genre de témoignage avec le même regard que l’on a face à un récit fictif, dont la forme comme le fond sont soumis à l’appréciation du lecteur.

Concernant la forme, je dirais quand même j’aime tout particulièrement les récits épistolaires. Je n’en lis que trop peu, car ce format n’est pas le plus courant en littérature, mais à chaque fois j’éprouve des émotions que je ne rencontre pas forcément dans les romans classiques. La lettre est l’intime, le secret, le privé, elle nous parle de l’expéditeur à travers des pensées, des sentiments et des réflexions difficiles à retranscrire pour un narrateur extérieur.

En ce qui concerne le fond du livre, j’ai été touchée, émue et même déroutée en lisant ces lettres. J’ai beau ne pas être une férue d’Histoire en général, je n’en reste pas moins très sensible à l’Histoire de notre pays, à ce qu’ont vécu nos ancêtres, au quotidien de ces hommes et femmes tellement éloigné de notre mode de vie actuel. Je ne manque jamais une occasion de me plonger dans le passé, qui me fascine, me laisse perplexe, songeuse, et souvent admirative.

J’ai été surprise du rythme d’envoi des lettres entre Robert et sa famille, tous les dix jours pratiquement d’après les dates. Je pensais bêtement qu’à cette époque et dans ces conditions surtout, l’envoi de lettres était plus que chaotique. Finalement, constater que tel n’était pas le cas,  en ce qui concerne les protagonistes de ce livre en tout cas, m’a apporté un soulagement qui m’a moi-même étonnée. Quand on pense aux soldats de l’époque et à leurs conditions de vie, on ne peut qu’être heureux pour eux qu’ils aient pu garder un contact avec leurs proches du fond de leurs tranchées.

Ces échanges épistolaires m’ont marquée pour plusieurs raisons. Tout d’abord, j’ai été profondément déconcertée et amusée du ton parfois ironique employé par Robert Pensa. Jeune garçon de vingt ans, je lui trouve une espèce d’humour mélancolique qui m’a bouleversée. Ses lettres ne sont guère tristes. Certes elles dévoilent un quotidien difficile, restrictif et cruel où l’horreur est omniprésente, mais finalement ce n’est pas ce que j’ai retenu de cette lecture.

Robert porte un regard cynique sur le monde qui l’entoure, faisant part à sa famille de réflexions acérées . Malgré ce cynisme, transpercent un optimisme et une soif de vivre surprenants, portés par l’espoir que la guerre finisse bientôt, par le bonheur futur des retrouvailles, et par les petits plaisirs quotidiens faits de rires avec les camarades et surtout, de nourriture. Car la mère de Robert lui envoie régulièrement des petits paniers garnis de victuailles accompagnés de vêtements neufs et de cigarettes. La vie que nous dévoile Robert est faite de ces choses simples qui perdurent même dans les conditions les plus hostiles. Elles restent un lien, et peut-être le seul, ou du moins le plus palpable, avec la réalité, enfin l’autre réalité, celle du rire, de la joie, de l’avenir et de l’espérance.

La jeunesse de Robert se perçoit à chaque page. Cette jeunesse marquée par une certaine naïveté, dont il s’amuse parfois, un humour grinçant, un sens de la provocation, un goût pour la rébellion et  cette fougue toujours, qui s’exprime dans chaque lettre. Mais ce qui trône, ce qui transcende tous les autres sentiments, c’est l’Amour, pour sa mère, son père, ses sœurs et en particulier Renée, avec qui Robert semble avoir une relation toute privilégiée. On n’a qu’une crainte c’est que les lettres s’arrêtent brutalement, qu’elles demeurent sans réponse du côté de Robert.

Mon seul regret, et quelle frustration, c’est que le livre se termine sur une lettre, ou plutôt un télégramme cette fois-ci, certes positif mais qui ne nous dit pas grand-chose sur le devenir de Robert. En effet, l’auteure étant totalement absente de cet ouvrage, laissant toute la place à son grand-père, elle ne nous dit rien sur ce que ce dernier est finalement devenu. Ma curiosité a été piquée au vif. Le lecteur devine que Robert a survécu, mais l’après-guerre reste tu. J’aurais aimé aussi connaître la manière dont ces lettres ont été retrouvées, sur le ressentie de celle qui les a recueillies et compilées dans ce livre. L’absence totale de Brigitte Mondy a du positif, celui de nous plonger intégralement dans le quotidien de son grand-père, mais aussi du négatif, en laissant le lecteur sur une multitude de questions qui demeure sans réponse.

Pour conclure, je dirais que Nous sommes de la boue qui marche est un témoignage touchant, essentiel et rare, qui m’a fait beaucoup de bien, m’a fait rire aussi et m’a apporté un élan d’optimisme. Je me suis sentie toute petite dans mon existence futile et matérialiste, et j’ai eu le sentiment pendant quelques heures d’avoir le privilège de prendre part au quotidien d’un jeune soldat d’il y a un siècle.

 

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