Miss Cyclone, c’est un joli titre et une couverture aux couleurs fanées mais estivales. Au milieu des lectures glaciales et plutôt terrifiantes qui accompagnent mon hiver, j’ai trouvé ce roman délicieusement détonnant. J’avais envie de ciel bleu et d’un peu de gaieté, pour mieux retourner dans mes ténèbres littéraires certainement. Pour pimenter le tout, je me suis empêchée de lire la quatrième de couverture. 

Résumé de l’éditeurMiss Cyclone - Laurence Peyrin

Coney Island, là où New York se jette dans la mer, est un endroit enchanteur l’été, avec sa fête foraine légendaire, et fantomatique l’hiver quand les manèges sont à l’arrêt. C’est là qu’Angela et June, 16 ans, ont grandi ensemble. Deux jeunes filles vives et joyeuses, que rien ne destinait à s’entendre, et que rien ne peut séparer. Mais une nuit, la nuit où toute la jeunesse new-yorkaise pleure la mort de John Lennon, leur vie prend un tour inattendu : Angela, par un mélange de fatalisme et d’innocence, accepte de son petit ami ce qu’elle ne voulait pas vraiment. Parce qu’elle n’ose pas en parler à June, son silence devient un secret… Et leur destin à toutes les deux en sera changé à jamais.

Mon avis

Il m’a fallu une journée et demie pour venir à bout de ce roman ; ceci sans urgence, sans impatience, sans impératif. J’ai fait défiler les pages numériques sans m’en rendre compte et ai été surprise une fois la dernière lue. Mais ne vous trompez pas, la vitesse n’est pas proportionnelle à l’appréciation d’un texte ; là-dessus je n’ai aucune règle. L’histoire simple, mais non quelconque, d’Angela a trouvé un ancrage solide en moi, alors même que ma lecture n’a pas été le grand-huit émotionnel que semble être, à l’inverse, l’existence de l’héroïne. Aucune pause n’a été nécessaire pour digérer des rebondissements phénoménaux, ni pour maintenir un suspens savamment entretenu ; tout a glissé avec facilité, sans heurts ni tumultes.

Le récit se compose de quatre parties, chacune ancrée au cœur d’une époque et, plus particulièrement, dans le creux d’un événement politique/historique/culturel/météorologique majeur. Il y a tout d’abord l’assassinat de John Lennon, puis l’ouragan Bob, l’affaire Lewinski et enfin le 11 septembre. Nous suivons Angela et June, deux amies que tout oppose ; l’une vit dans un modeste immeuble et est promise à une existence de foraine à Coney Island aux côtés de Nick, l’autre évolue dans un univers riche et protégé. Pour compléter le trio, le beau et mystérieux Adam, voué à une brillante carrière dans la justice, devient l’ami proche du couple formé par Angela et Nick, tandis qu’il flirte avec la sulfureuse June.

Voici pour les grandes lignes, lesquelles dessinent un tableau somme toute classique où rivalités amoureuses et amitiés fortes jouent aux cartes. Quatre adolescents, quatre jeunes adultes puis quatre adultes se chamaillent, se côtoient, se cherchent, s’attendent, au gré des événements marquants de leur vie. Avec les yeux et l’expérience d’Angela, personnage principal de l’histoire, le lecteur feuillette un album de souvenirs dans lequel chaque photo renvoie à une blessure, une joie immense, un naufrage, une trahison. Comme point de bascule, il y a un soir du jeune âge où Nick et Angela ont scellé leur destin. De là, l’auteure nous dit que la suite était logique, écrite dans l’instant même. Avec des Si on referait le monde, avec des Si on réécrirait le devenir de nos quatre amis. Les années passant, Angela rumine ce passé cloisonné, dont le lieu et l’heure sont inscrits au fer blanc sur son cœur. Trois ans, dix ans, quinze ans. Les conséquences de l’acte ornent les murs, remplissent les chambres, colorent des photographies. Angela n’a guère évolué depuis, tandis que les trois autres semblent mener une vie délibérément choisie. Elle, accumule les maternités, change des couches, rêve d’une maison tout en dépendant financièrement de son époux. Elle ne crie pourtant pas à l’injustice, elle est devenue ce pour quoi elle était vouée, se glissant tranquillement dans une existence douceâtre, de celles qui forment un nuage au-dessus de nos têtes dès le jour de la naissance.

Alors que l’intrigue, les portraits des personnages et leur évolution pourraient en faire crier plus d’un « Alerte aux clichés ! », je dois dire que, me concernant, j’ai trouvé la manière de jouer avec les barrières sociales fine et délicate. Angela et Nick représentent les milieux populaires, peu fortunés, issus d’immigrés (ici italiens), aux traditions bien ancrées ; tandis que June et Adam sont la jeunesse dorée, exempte de soucis financiers, à l’avenir tout tracé au sein de postes haut placés. Bien que j’émette de sérieux doutes quant à de possibles amitiés entre des individus aux modes de vie radicalement différents, la littérature est là pour s’amuser des préjugés et, quand ceci est bien raconté, il est plaisant de lire l’impossible. Clichés oui ! mais clichés élaborés et non-surjoués.

Angela est le paragon de l’abnégation. Quoique ce genre de personnage présente à mes yeux une capacité d’agacement supérieure aux autres, celle-ci ne m’a pas fait hérisser les poils par des interventions intempestives tendant à ressasser à outrance le passé sans bouger le petit doigt. Nostalgique, sans doute affaiblie par sa condition de mère au foyer et un mariage partant à vau-l’eau, Angela n’a pas la figure statique qu’on pourrait lui apposer. Elle échappe à tous les stéréotypes grinçants attribuables aux femmes de sa catégorie. En réalité, elle est beaucoup plus forte qu’on le croie. Je me suis surprise à approuver ses décisions. Angela n’est pas l’héroïne dépassée par ses émotions, elle gère admirablement ses incertitudes, les turbulences de son cœur, et agit avec raisonnement.

L’idée de découper le récit en quatre périodes, allongeant ainsi la chronologie des faits, a pour effet de lisser le cours de l’existence, de le réduire à une succession de grandes étapes, entre lesquelles rien de notable ne se produit. On découvre alors avec joie ce qu’il est advenu des uns et des autres durant les quelques années écoulées. L’auteur fait le saut des quinze aux vingt-cinq ans avec habileté.

Miss Cyclone est une histoire de vie, une énième fresque amicale et amoureuse, s’amusant des choix inévitables que tout un chacun est condamné à faire, qu’il soit adolescent ou adulte. Ce roman expose la fatalité avec en bout de course la victoire du libre-arbitre. C’est une leçon triviale, rabâchée et mâchonnée, mais qui est toujours bonne à être rappelée pour peu que l’on se situe dans une période charnière de sa propre existence. Miss Cyclone est à l’image de sa couverture, plein de soleil, agréable et harmonieux. Un peu conventionnel et lisse, du fait de personnages trop sages et magnanimes, je ne le garderai pas en mémoire et lui préfère des histoires davantage douloureuses. Vous le savez, le trop happy me lasse. Néanmoins, j’ai savouré ce roman, me prenant au jeu des intrigues sentimentales étirées dans le temps.

Et vous, quelle est votre dernière lecture happy ?

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