Huit ans après Millenium 3 – La Reine dans le palais des courants d’air de Stieg Larsson, décédé en 2004, quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre qu’une suite allait être publiée. Cela ne m’enchantait guère, comme une grande partie de son lectorat, qu’un autre auteur s’approprie son histoire et ses personnages. J’avais beaucoup apprécié la trilogie initiale, avec un ordre de préférence marqué allant decrescendo. Le troisième opus est d’ailleurs absolument flou pour moi. J’ai bien sûr vu les diverses adaptations cinématographiques, qui m’ont plus ou moins convaincue. Toujours est-il que j’ai pris cette nouvelle avec un scepticisme difficile à camoufler, d’autant que l’écrivain reprenant cette saga ne s’est pas franchement fait remarquer pour ses talents littéraires (confer. la bibliographie de Zlatan Ibrahimovic). Je m’étais donc décidée à passer outre cette lecture, mais j’ai été vite stoppée dans cet élan par mon mari qui m’a gentiment offert le livre. Après tergiversations, et malgré d’immenses craintes, j’étais prête à lui laisser une chance et à me laisser embarquer dans de nouvelles aventures en compagnie de Mikael Blomkvist et Lisbeth Salander…

Résumé de l’éditeur

OLYMPUS DIGITAL CAMERAElle est un hackeuse de génie. Une justicière impitoyable qui n’obéit qu’à ses propres lois. Il est journaliste d’investigation. Un reporter de la vieille école, persuadé qu’on peut changer le monde avec un article. La revue Millenium, c’est toute sa vie. Quand il apprend qu’un chercheur de pointe dans le domaine de l’intelligence artificielle détient peut-être des informations explosives sur les services de renseignements américains, Mikael Blomkvist se dit qu’il tient le scoop dont Millenium et sa carrière ont tant besoin. Au même moment, Lisbeth Salander tente de pénétrer les serveurs de la NSA…

Mon avis

Comme je l’ai précisé, il se trouve que je ne me souviens absolument plus du troisième tome, je pourrais seulement vous dire qu’il m’a semblé être le plus complexe et documenté de tous. En fait, j’ai surtout adoré le premier tome, qui est bien éloigné des autres, correspondant plus à mes critères d’appréciation pour ce genre de roman. J’ai donc lu le dernier volume il y huit ans, à sa sortie; autant vous dire qu’aborder sa suite de nombreuses années après s’est avéré être une démarche épineuse. J’ai en effet eu beaucoup de difficultés à distinguer les éléments qui avaient directement été repris des précédents livres de ceux qui ont été totalement imaginés par le nouvel auteur. Afin d’être la plus objective possible, je vais essayer de porter un jugement en occultant mon passé avec Millenium. D’ailleurs, pour être honnête, je ne me souviens plus du style d’écriture de Stieg Larsson, de sa manière de construire ses histoires, et de la psychologie des personnages principaux (hormis Lisbeth). J’aurais pu relire toute la saga pour me remettre dans le bain, certes, mais ce n’était pas ma priorité.

Je n’ai pas envie de laisser mijoter la soupe plus longtemps, car j’aurai beau exposer ma critique dans tous les sens possibles, je crains que par tous les angles elle ne soit négative. J’ai détesté Millenium 4. Sa lecture a été un véritable calvaire, je me suis forcée afin d’en finir le plus rapidement possible, tant parcourir les pages une à une ne m’a apporté que contrariété, lassitude et incompréhension. J’ai rencontré d’énormes défauts, qui ne sont atténués par aucun point d’accroche.

L’histoire peine à démarrer, et ceci est un euphémisme, car je doute qu’elle ait réellement pris son envol. J’ai eu comme l’impression de parcourir une introduction interminable, sans pouvoir saisir l’instant où l’intrigue était vraiment lancée. Jusqu’à ce que, arrivée à une centaine de pages de la fin, je réalise que j’étais en plein dedans. L’intrigue souffre d’un manque cruel de rebondissements dignes de ce nom, quelques vaguelettes viennent perturber l’océan mais ce dernier retourne rapidement à un état de stase. En refermant ce livre, il me semble être passée à côté de tout; des personnages et de leurs relations, de l’évènement perturbateur et du dénouement.

Deuxième point négatif, la multiplicité des personnages. Jusqu’à la dernière page nous en découvrons de nouveaux, qui viennent s’ajouter aux autres, que l’on a déjà bien eu le temps de mettre de côté tant leur apparition est dérisoire. A chaque chapitre l’auteur nous présente un nouvel individu, ce qui me dérange fortement car ne pas avoir rapidement tous les personnages en main, c’est ne pas pouvoir investir pleinement l’histoire, ou tout du moins s’arrêter à une vision restreinte de l’ensemble, ce qui vient en altérer la dynamique. D’autant plus que de nombreux personnages ont la même fonction, voire des personnalités sensiblement identiques, sortes de doubles interchangeables qu’il m’ait trop souvent arrivé d’intervertir. Autant vous dire que pour la compréhension de l’histoire ceci ne m’a pas aidée.

Ensuite, concernant l’histoire en elle-même, le fil conducteur, l’objectif du livre, son essence ultime, quels sont-ils ? Je n’en ai pas la moindre idée. Il m’est impossible de vous résumer le livre, car je n’en ai pas saisi le contenu. L’auteur m’a perdue entre l’aspect technique du hacking, les réseaux de piratage informatique, l’intelligence artificielle, les différentes organisations et acteurs (NSA, Säpo, Mafia russe, police, presse…). Je suis certes une lectrice novice dans ce domaine que représente l’informatique dans sa globalité, et suis donc facilement sujette à l’égarement; mais ici on ne peut pas dire que l’auteur aide son lectorat néophyte à saisir la structure et le fonctionnement des organisations qu’il décrit ainsi que les manipulations informatiques, qui ont un rôle déterminant dans l’histoire (cela, je l’ai bien saisi). D’ailleurs, je m’en rends compte, l’intrigue n’est en définitive qu’une histoire de manœuvres informatiques. De plus, les liens entre tous les acteurs évoluant dans des directions éparses me sont abstraits. Ils semblent pourtant être tous reliés les uns aux autres de manière plus ou moins évidente. En tout cas, il apparaît que la corruption est le fil rouge des interactions. Mais avec la masse de personnages, autant vous dire que prendre du recul pour juger de l’état des relations est mission impossible. Pour ma part, j’ai rapidement lâché l’affaire, ne faisant aucun effort pour reconstruire le squelette de l’histoire. J’ai eu le sentiment que le lecteur se trouve à une place indépendante de sa volonté, où il doit lui-même construire le livre en utilisant les éléments exposés à vau-l’eau. Je suis prête à me rendre active si l’auteur a fait sa part du travail, ne nous laissant pas avec un tas d’informations entre les mains avec lesquelles nous dépatouiller.

Je souhaiterais vous parler du personnage de Lisbeth Salander, qui m’a particulièrement posé problème. Hackeuse de génie, asociale, irascible, inébranlable et définitivement torturée, elle est, je trouve, de plus en plus difficile à faire évoluer. Car finalement elle est très rigide, comme moulée dans une coque indéformable. Mais à trop vouloir en faire un personnage marquant et singulier, l’auteur la banalise dans ses récits (que ce soit Stieg Larsson ou son successeur). Lisbeth est certes épatante et attachante lorsqu’on la rencontre la première fois, mais au bout du quatrième tome elle finit par agacer tant elle est devenue prévisible, lisse malgré les aspérités de sa personnalité. Son génie, son invincibilité presque, est linéaire, exploité à outrance. C’est l’élément clé qui permet de faire avancer l’intrigue, et le dénouement s’avère ne reposer que sur ses capacités hors du commun. L’auteur en use et en abuse. Personnellement je m’en suis lassée, alors que dans le premier tome j’étais très intriguée par ce petit bout de femme atypique. Mais trop peu d’évolution dans sa personnalité ont achevé de m’en éloigner.

Millenium 4 reste un mystère, l’un des livres qui m’a apporté les plus grandes difficultés de compréhension et le plus grand ennui. Il manque de cohérence, d’intelligibilité, de structure, d’un début et d’une fin. Bref, il manque selon moi de tout ce qui rend un livre attractif, addictif et intéressant. J’aurais envie de vous conseiller de vous arrêter à La Reine dans le palais des courants d’air, car si vous attendez une évolution dans les personnages, vous risquez d’être déçus. D’autant plus qu’il y a très peu d’interactions entre Lisbeth et Mikael, celles-ci se résumant à des échanges électroniques. Je suis sévère avec ce livre, mais j’ai envie de l’être, car il faut être sacrément culotté et opportuniste pour oser poursuivre l’œuvre d’un écrivain décédé, et je ne porte pas cette démarche dans mon cœur. C’était un énorme risque à prendre auprès du public fervent de Millenium, car une copie stricte aurait été perçue comme une usurpation, et une innovation dans les personnages aurait été vue comme une trahison. Mais pour autant, ici j’ai comme l’impression que l’auteur a voulu contourner ce risque en stagnant entre une fidélité pure à l’œuvre originale et une tentative de révolution. Si l’on n’est pas bien sûr de quelle direction emprunter on ne s’y risque pas. Il y a tellement d’autres livres à écrire…

En fait, après réflexion, je n’avais pas forcément apprécié le tome 3, et il me semble que ce volume est celui qui s’en rapproche le plus, d’où le fait qu’effectivement il ne m’ait pas fait vibrer. Au vu des nombreux commentaires positifs, à mon immense étonnement, je commence à douter de ma réelle appréciation de l’œuvre de Stieg Larsson, hormis Millenium 1 qui m’a réellement marquée, mais je le répète il diffère totalement des livres suivants. Ceci mériterait une relecture, dans laquelle la suite de David Lagercrantz prendrait peut-être une tout autre dimension.

Et vous, avez-vous succombé au phénomène Millenium ?

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