Voici le roman que j’ai reçu dans la Box Exploratology du mois de juin. Nous restons dans la culture asiatique, mais cette fois-ci nous partons en Inde grâce à ce recueil de nouvelles indiennes. Après l’agréable surprise des Milles automnes de Jacob de Zoet, j’ai abordé ce livre plus sereinement, bien que la culture indienne me soit, comme la japonaise, totalement méconnue. La nouvelle est un genre qu’il m’est toujours délicat de critiquer je trouve, car difficile à aborder, à l’inverse d’un roman qui, par son étendu, permet une analyse plus fine. Néanmoins, je pense qu’il y a ici matière à vous en parler en détail.

Résumé de l’éditeur

Merveilles d’inventions narratives, ces huit nouvelles entrelacent cruauté inconsciente et enchantement amoureux, songeries amères et tendres, conflits cocasses ou tragiques. De la fillette qui s’invente une vie sentimentale en lisant Jane Eyre quand sa soeur aînée se marie, à celle qui porte une dévotion folle à sa mère, les situations se répondent ; si bien qu’on éprouve le sentiment d’être dans l’espace multiple et concerté du roman, au sein d’une famille de la bourgeoisie indienne.

Mon avis

Ce livre se compose de 8 nouvelles, ce n’est ni trop peu ni pas assez, permettant ainsi de se souvenir correctement de chacune d’entre elles. Ceci est ma bête noire quand je lis un recueil de nouvelles, la crainte d’être submergée de récits aussi divers et variés m’empêchant de les apprécier chacun à leur juste valeur. Mais la difficulté cette fois-ci, et c’est l’inverse de ma crainte initiale, est le fait que ces nouvelles mettent en scène des personnages aux personnalités similaires dans des situations aux nombreux points communs. Parfois, j’ai même eu l’impression de lire une histoire continue; , d’ailleurs, deux nouvelles n’en forment finalement qu’une seule.

Ce recueil, bien que sa compréhension soit aisée, n’est pas si évident à lire ; et ceci est dû à l’écriture en elle-même. En effet, les récits emploient tous le discours indirect. Sachant qu’ils sont parsemés de nombreux « dialogues », faire le choix d’un tel procédé rend la lecture plus lourde. Par exemple, une phrase descriptive peut-être entrecoupée d’une parole prononcée par l’un des personnages, et qui tombe comme un cheveu sur la soupe.

Concernant le fond de ces nouvelles, comme je l’ai dit, elles sont toutes étroitement liées. Elles se déroulent dans des milieux sociaux identiques et mettent en scène des individus qu’on pourrait aisément confondre, si ce n’est qu’ils n’ont pas le même âge. Disons qu’elles nous racontent toutes des histoires de femmes dans un milieu d’homme, ou plutôt dans un milieu masculin, ce qui n’est pas la même chose. On nous présente des femmes désillusionnées par leur mariage, leur époux, leur belle-famille ; des femmes rêveuses, parfois naïves ; des femmes arrachées brutalement à leur famille comme le veut la tradition ; mais des femmes intelligentes, cultivées et studieuses.

Vous l’aurez compris, l’essence de ce livre c’est le féminin, sans pour autant sombrer dans la caricature de la femme amoureuse, coquette et frivole qui attend le prince charmant. Ces femmes ont toutes un point commun, celui de vouloir faire évoluer les mentalités dans la société indienne, ses mœurs, ses coutumes. L’auteure a souhaité nous dépeindre des portraits de femmes fortes, de caractère, courageuses, rebelles mais pas trop, et surtout d’une vive intelligence. Bien sûr, ce sont aussi des femmes rêveuses, animées par des désirs de liberté et d’indépendance, mais aux souhaits réalistes malgré le décalage évident par rapport à leur culture et leur éducation.

Deux nouvelles se distinguent pourtant des autres car elles mettent en scène un homme, le même d’ailleurs. Mais un homme vil, égoïste, manipulateur, fainéant et irrévérencieux, que l’on déteste rapidement. Je dois reconnaître que je n’ai pas forcément bien saisi l’ambition de ces nouvelles, à part celle de nous présenter un portrait masculin en total opposition avec ceux des femmes, rendant ces dernières d’autant plus glorieuses, courageuses et intelligentes. Mais une seule nouvelle aurait peut-être suffi à un tel dessein, car selon moi il y en a une de trop.

Ces nouvelles prônent la féminité, au détriment des hommes souvent, qui paraissent abrutis, stupides, soumis ou pervers. Je ne suis pas une adepte des lectures féministes, je ne m’y retrouve généralement pas. Néanmoins, ce livre s’inscrit dans une culture qu’il ne faut pas mettre de côté au risque de le diaboliser, car l’Inde a encore beaucoup de progrès à faire du côté de l’égalité des sexes. Ce recueil nous décrit une réalité, romancée, poétisée, qui, à défaut de faire évoluer les mentalités, est, par son existence, la porte ouverte à de nouvelles manières de penser. Car finalement, ne sont présentées que des femmes héroïnes du quotidien qui ne demandent qu’à être respectées.

Ce livre inverse les rôles de manière habile, dans une velléité purement utopiste ou pour nous décrire une réalité minoritaire mais existante ? Je ne pourrais le dire, car je le rappelle, l’Inde et sa culture me sont bien éloignées.

Ces nouvelles nous parlent aussi des mythes, des contes et des légendes qui constituent l’imaginaire indien. L’auteure s’en sert habilement comme décor à ses histoires afin de leur apporter un petit quelque chose de magique, pour nous occidentaux en tout cas. Tout comme la religion polythéiste qui est omniprésente dans le quotidien des indiens et donc forcément dans les nouvelles.

Celles-ci sont parfois cruelles, et certaines se terminent de manière atroce, nous laissant dans une expectative par rapport au destin de nos personnages. Quand d’autres n’ont pas de réelles fins, ce qui laisse un déséquilibre néfaste dans le rythme de lecture, et dans l’appréciation des différentes histoires.

Pour conclure, je dirais que je n’ai pas été transportée plus que ça. Par l’écriture qui m’a un peu déstabilisée, par la redondance des idées transmises par l’auteure, qui sont récurrentes d’une nouvelles à l’autre, par les personnages masculins qui sombrent dans la caricature, et aussi par l’obscurité dans laquelle m’ont plongée certaines nouvelles dont je ne suis pas parvenue à déceler le message. Ce que l’écrivain a voulu éviter à travers ses personnages féminins, j’ai l’impression qu’elle n’y a pas échappé pour les hommes. Mais, je dois préciser que ce n’est pas évident de juger correctement ce recueil tant l’environnement qu’il nous expose et les conflits qui l’animent me sont inconnus. J’ai senti tout le long un profond sentiment de rébellion, qui est volontairement manipulé par l’écrivain car les personnages en sont profondément animés. Mais cette tendance contestataire n’est peut-être pas assez contenue à mon goût.

Malgré tout, ce recueil est séduisant par sa poésie, sa fraîcheur mais aussi par son souffle de révolte, et saura certainement toucher le cœur de certaines femmes. C’est une question de sensibilité, comme toujours en littérature. J’ai découvert la culture indienne dans ce qu’elle a de plus intime, dans ce qui se joue au cœur même des familles, dans le secret des chambres et des salons. Cette immersion ne pouvait être retranscrite fidèlement que par une indienne, et je dois reconnaître que ce n’était pas déplaisant.

Et vous, êtes-vous tentés par cette inspection des ménages indiens ?

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