Voici un livre que je souhaitais lire depuis un certain temps. Il a été publié en 2009 et a reçu plusieurs prix littéraires, donc le prix Renaudot. J’en ai beaucoup entendu parler, au détour de conversations ou furtivement sur internet, et ai fini par me le procurer tant le thème a suscité mon intérêt. C’est assez curieux car, bien que ce livre trône sur ma PAL depuis plusieurs semaines, je l’ai entamé, hasard ou acte inconscient, la semaine célébrant les 70 ans de la libération du camp de Buchenwald, pour le terminer le jour-même, à savoir le 11 avril.

Résumé de l’éditeurOLYMPUS DIGITAL CAMERA

Lors d’un voyage scolaire en Allemagne, un jeune professeur découvre au camp de concentration de Buchenwald la photographie d’un détenu dont la ressemblance avec son propre père le stupéfie et ne cesse de l’obséder. Ce prisonnier, David Wagner, est en fait son véritable grand-père. Peu à peu se met en place l’autre famille, la branche cachée, celle dont personne chez les Fabre n’évoque l’existence… Au cours de sa quête, le jeune homme comprend qu’en remontant à l’origine de la violence, c’est sa propre violence qu’on finit par rencontrer…

Mon avis

Je n’ai eu aucune difficulté pour rentrer dans l’histoire, le début du livre a ce petit quelque chose qui happe le lecteur, nous laissant percevoir une intrigue fournie, difficile et passionnante. Ce récit prend différentes formes, il est constitué de plusieurs parties qui s’imbriquent pour former un tout. Il y a plusieurs histoires dans la grande histoire qui nous est racontée, apportant ainsi une complexité intéressante.

Le lecteur suit un jeune professeur qui, au cours d’une visite à Buchenwald avec sa classe, découvre une photographie d’un jeune juif ressemblant étrangement à son propre père Adrien. Et pour sûr, il s’avère que cette photo représente son grand-père biologique, déporté et mort au camp de concentration. Cet ancêtre, inconnu du jeune homme, va lui ouvrir les portes d’une partie de sa famille, qui lui était jusque-là totalement étrangère. Ainsi, une simple photographie va mener notre héros au fin fond de ses origines cachées.

Cette histoire a de prime abord tout pour me plaire, elle nous parle de générations, de transmission et de quête d’identité. C’est un sujet qui me fascine, et qui est inépuisable, car chaque famille a ses secrets, ses non-dits et ses failles. Le support historique du récit y est pour beaucoup aussi, car il est inutile de préciser que toute histoire se déroulant durant la Seconde Guerre mondiale et ayant comme toile de fond l’horreur des camps de concentration a un aspect obscurément attractif pour les personnes non contemporaines de cette époque. J’ai donc parcouru les premières pages de ce roman avec enthousiasme et curiosité. Je tiens à souligner que l’écriture de l’auteur est impeccable, soignée, précise et très agréable. L’écrivain a un talent de narrateur indéniable.OLYMPUS DIGITAL CAMERA

Il nous emmène donc 70 ans en arrière, pour nous faire découvrir, ou redécouvrir, la vie dans le camp de Buchenwald à travers le personnage de David Wagner, le grand-père du narrateur  (dont on ne connait pas le prénom). Les retours en arrière sont ce qui m’a le plus intéressée, car nous suivons les traces d’un personnage  imposant, David, séducteur, ambitieux, jalousé et jaloux, il est un personnage complexe mais fascinant.

Néanmoins, ce roman ne m’a pas convaincue, j’irais même jusqu’à dire qu’il ne m’a pas plu, malgré un début séduisant. Le thème abordé me passionne certes, mais le fond comme la forme ne sont pas parvenus à susciter ma curiosité au-delà de quelques dizaines de pages. Je me suis vite lassée à la lecture, allant de déception en déception. Je m’explique. Je n’ai tout d’abord pas réussi à apprécier et surtout à m’identifier au narrateur. Sa personnalité m’a complètement échappée, et le récit du passé prend le pied total sur son présent. Or, tout l’intérêt du livre réside dans les parallèles, et la mise en relief des différents parcours qui nous sont exposés. Parfois, le narrateur s’arrête sur un personnage historique, introduisant un long paragraphe n’ayant que peu d’intérêt pour la suite de l’histoire qui nous intéresse, qui est plus de l’ordre du privé que du public.

Je m’attendais à une espèce de traversée intergénérationnelle, une mise en perspective du destin de deux personnages ; quelque chose de grandiose et en même temps d’introspectif. Et pourtant, l’auteur a fait un effort considérable, cela se ressent à chaque page ; mais le but ultime du récit, sa promesse initiale, n’est pas tenue. J’ai refermé le livre en restant sur ma faim, comme s’il devait y avoir une suite, forcément. Il n’a fait qu’aborder le thème du transgénérationnel, qui est pourtant riche et malléable, à savoir le saut de générations dans la transmission inconsciente. A ne pas confondre avec l’intergénérationnel qui constitue une transmission linéaire et continue de matériels plus conscients.

Qu’en est-il de la violence ? Où se trouve-t-elle ? Dans les camps, oui, évidemment. Mais cette violence n’est-elle pas censée ressurgir à un moment donné ? Cela n’est-il pas induit dans le titre ? L’origine de la violence, mais de quelle violence parle-t-on ? Oui, le narrateur nous est parfois décrit  comme un être ayant des accès de violence, mais cela s’arrête-là, le reste du temps il est un jeune homme lambda en quête de ses origines. En somme, une histoire plutôt banale et très fréquente pour beaucoup de descendants de déportés. Et pourtant, il y avait matière à travailler là-dessus, puisqu’une grande partie du récit repose sur le passé. Ainsi, on connait mieux David Wagner que ses enfants. Ce livre est-il un hommage à sa personne ? On pourrait le croire si seulement il n’était pas un être fictif.

Je constate donc un grand déséquilibre dans cette histoire; nous avons d’un côté un passé surexploité, et de l’autre un présent laissé à l’abandon, dans un entre-deux, où il ne se passe finalement pas grand-chose. Celà ne saurait être compensé par le final, lorsque le narrateur crève l’abcès auprès de son père et de son grand-père ; rebondissement ultime de l’histoire qui apporte une certaine émotion puisque nous avons droit à la dernière confession d‘un vieillard, et ceci est toujours touchant. Il y a pourtant des scènes à la tension palpable et où tout le talent de l’écrivain transperce, notamment la rencontre entre David et celle qui deviendra son amante et la mère d’Adrien, Virginie. Et bien sûr les descriptions détaillées de la vie de David au sein du camp, ainsi que son transfert en tant qu’homme à tout faire dans la maison du directeur.OLYMPUS DIGITAL CAMERA

L’histoire d’amour entre le narrateur et Sophie, petite-fille d’un nazi, aurait pu selon moi être davantage cultivée. Car pourquoi installer cette relation si ce n’est pour tirer quelque chose de la rencontre entre deux individus aux ancêtres on ne peut plus opposés. Tout comme j’aurais souhaité plus de dialogues entre le narrateur et son père (le fils naturel de David Wagner donc). Car finalement nous n’avons qu’un « point de vue », celui du petit-fils et non celui du plus concerné, le fils bâtard, différent, exclu, entre deux familles. Dans ce silence, je perçois une vaine tentative de l’écrivain de recentrer son histoire sur le transgénérationnel. Mais rendre le père, l’entre-deux, vivant, et lui attribuer une place dans le récit, c’est trop en donner aux lecteurs pour ne pas l’exploiter au maximum. Sa présence est trop pregnante dans l’histoire pour ne pas le faire parler, lui aussi, celui qui ne fait que se taire.

Ainsi, je ne peux vous cacher ma grande déception de L’origine de la violence. Le thème était tellement prometteur et attractif pour moi, que je suis triste, oui, triste, de ne pas l’avoir apprécié. Il aurait pu être magnifique, magistral même. Le style de l’auteur et sa méticulosité ne compensent malheureusement pas les failles de la trame ; ou alors peut-être que je suis passée à côté de ce qu’il a souhaité nous transmettre. Mais au vu de mon excitation et de mon impatience à lire ce roman, je doute que des éléments cruciaux soient passés à travers mon attention. Le sens de ce livre m’a échappé, et je peux vous dire que cela me fait mal au cœur de le reconnaître.

Dans le même genre, si cela vous intéresse, vous pouvez découvrir mon avis sur Les disparus de Daniel Mendelsohn, livre qui m’a davantage convaincue, car peut-être plus ancré dans la réalité de la quête et ne se donnant pas des objectifs inatteignables.

Et vous, avez-vous trouvé que le récit ne tenait pas sa promesse ? Ou alors avez-vous au contraire été séduit ?

 

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