Aujourd’hui, je vous présente une nouvelle fois un roman que j’ai souhaité lire dans le seul but de me divertir, et c’est encore le titre qui m’a appelée ; car il faut bien reconnaître qu’il est aussi long qu’intrigant. Je ne connaissais absolument rien à l’histoire avant de l’entamer, je n’ai pas souhaité me renseigner puisque, un voyage, un fakir et une armoire Ikea sont des éléments suffisamment explicites pour susciter mon intérêt. De plus, la couverture me rappelait étrangement, par son code couleur, la boîte de chocolat Banania ; comparaison alléchante donc. 

Mot de l’éditeurOLYMPUS DIGITAL CAMERA

Une aventure rocambolesque et hilarante aux quatre coins de l’Europe et dans la Libye postkadhafiste. Une histoire d’amour plus pétillante que le Coca-Cola, mais aussi le reflet d’une terrible réalité : le combat que mènent chaque jour les clandestins, ultimes aventuriers de notre siècle.

Mon avis

J’ai déjà lu des récits loufoques, déjantés et survoltés, oui, j’en ai déjà lus. Mais de ce genre-là, je dois dire que c’est la première fois. Je me suis rapidement surprise à rire, à haute-voix j’entends, chose qui a dû m’arriver deux ou trois fois dans ma vie de lectrice. En général je n’esquisse même pas un sourire, tout se passe dans ma tête. Le décor, l’ambiance et surtout le personnage se sont présentés dans mon esprit comme une scène au lever de rideau. J’ai parfaitement visualisé ce jeune fakir débarqué à Paris en vue d’acheter le dernier lit à clous Ikea, il a pris forme sous mes yeux comme le génie de la lampe, avec son turban et son costume satiné. J’ai dévoré les pages, m’empressant de parcourir cette aventure absolument improbable, fantaisiste et, ceci n’est pas forcément un reproche, ridicule. L’auteur se lâche complètement sur la dérision, tantôt fine, tantôt lourde et répétitive, à grand renfort de jeux de mots, comique de situation, absurdités ou autres lieux communs. Mais je reviendrai sur cette surenchère dans l’humour. Concentrons-nous d’abord sur l’histoire en elle-même.

Nous suivons donc un jeune Fakir qui, par un concours de circonstances, va se retrouver enfermé dans une armoire métallique signée Ikea au départ de Paris. Il voyagera jusqu’en Angleterre pour ensuite être expédié vers l’Espagne, avant de s’envoler vers l’Italie puis la Libye. Ces pérégrinations, sur lesquelles notre malheureux héros n’a aucune emprise, l’amènent à rencontrer divers personnages qui vont bouleverser son existence, certains lui voudront la peau tandis que d’autres seront émus de sa destinée.

La première partie m’a convaincue, me laissant dans un état d’excitation, face à la nouveauté et l’originalité, du personnage et de l’intrigue, mais j’ai été moins séduite par la suite des événements. En effet, l’histoire prend un chemin, parti pris de l’auteur, qui flirte entre la niaiserie et le politiquement incorrect. C’est-à-dire que notre héros, Ajatashatru pour le nommer, devient l’objet d’une révélation divine selon laquelle son périple n’a d’autre sens que celui de le faire devenir un nouvel homme, altruiste, humaniste et raisonné, l’exact contraire de ce qu’il est au fond de lui-même. Ainsi, son premier objectif, véritable credo, est de venir en aide à son prochain, vaste programme donc. Je dois avouer que ceci m’a laissée perplexe. L’idée de rendre cette aventure sensée était évidente, car sinon l’histoire du fakir coincé dans une armoire ne serait qu’une petite comptine pour enfants. Mais, la transformation de cet antihéros borné et dédaigneux en un philosophe du voyage, ou voyageur philosophe, a été aussi rapide que mal amenée. Peut-être le récit est-il trop bref pour convaincre le lecteur de son évolution, puisque l’histoire se déroule sur quelques jours seulement. Il suffira ainsi à Aja de rencontrer trois migrants africains pour se sentir pleinement concerné par la problématique des phénomènes migratoires. Ceci est assez difficile à croire pour un indien isolé, mentalement et physiquement du reste du monde, sorti de son petit village, et bonimenteur qui plus est.

Mais pourtant, élaborer un parallèle entre le voyage du fakir et la situation des migrants était plutôt prometteur et audacieux, mais ceci aurait dû n’être que suggéré ; puisque le lecteur, dont la clairvoyance doit être anticipée par l’auteur, aura tôt fait de créer des liens. Un voyageur clandestin en Europe sous les traits d’un fakir errant, ceci est assez parlant.

De surcroît, les velléités de notre gentil fakir ne s’arrêtent pas là, puisque l’idée lui vient, d’on ne sait où, de devenir écrivain. Il se lance alors dans la création de son premier roman, ou plutôt d’une nouvelle, dans la soute d’un avion, récit dont le lecteur aura droit, sorte d’entracte à l’histoire initiale, mais en-avait-elle besoin ? Je n’ai pas bien saisi.

Ainsi, la métamorphose d’Aja arrive beaucoup trop tôt dans le récit. J’aurais préféré qu’il reste déconcerté, maladroit et ahuri jusqu’à la fin, et que sa remise en question ne nous soit proposée qu’à l’issue de son voyage, comme une conclusion à celui-ci, un épilogue heureux. Je me suis sentie trompée sur le personnage, qui nous est faussement présenté dans le préambule, auquel on s’attache grâce à l’incongruité de sa situation ; mais son adaptation précoce à l’environnement, associée à une autoanalyse éclairée, lui ôtent justement ce qui le rendait sympathique, à savoir le contraste entre sa personne et son odyssée.

De plus, l’humour, fracassant quoique fourre-tout des premières pages, s’essouffle peu à peu, s’embourbant dans un rabâchage de ce qui a déjà fait mouche et n’a plus lieu d’être. Ceci est le reflet de l’épuisement de l’histoire qui se termine par un festival de joyeusetés, nous laissant pantois quant à l’introduction de celle-ci, que l’on a envie de relire pour être bien sûr qu’il s’agit du même personnage, de la même intrigue, du même décor.

Ma critique se veut piquante, mais en réalité mon avis l’est moins. J’ai aimé la fraîcheur du texte, l’idée, le personnage principal, et le ton initial du récit. J’ai trouvé cette lecture plaisante car à prendre au second degré. Une fois ce livre achevé, j’ai été surprise des très nombreuses critiques virulentes que j’ai pu rencontrer, qui condamnent l’humour et la légèreté du texte. Certainement, je ne peux pas totalement contredire ces avis. Mais, justement, c’est peut-être la naïveté de l’écriture qui m’a plu cette fois-ci, j’ai eu l’impression que l’auteur ne prenait pas lui-même son texte au sérieux et j’ai trouvé ça osé, chose étonnante que je n’explique pas vraiment. Ce livre pourrait être pris pour une immense plaisanterie déplacée, mais pour ma part il s’agirait davantage d’autodérision. Romain Puértolas n’a certainement pas écrit ce livre en vue d’un faire un best-seller, je le soupçonne même de l’avoir écrit presque d’une traite, sans vraiment réfléchir à sa crédibilité, sa cohérence ou sa construction. Et là où, pour un autre roman, j’aurais été particulièrement véhémente, ici ça passe mieux. Après, il est vrai que son succès est légèrement exagéré au vu des nombreux romans largement plus méritants, car plus travaillés, dont on ne parle pas assez, mais celui-ci a un petit quelque chose, un peu de magie peut-être, qui le différencie.

Ce roman regorge de bonnes idées, mais le changement de direction n’est peut-être pas adéquat, rendant maladroite l’initiative de l’auteur, qui est gaffeuse dans son essence même de toute manière. Je ne sais ce que j’aurais préféré entre les tribulations d’un fakir sans morale mais simplement drôles, ou la moralisation d’un récit initiatique plus sérieux, plus sociologique aussi. Or, ici, nous commençons par l’un, et finissons par l’autre, ou plutôt par une caricature du parcours initiatique, car le happy end fait tache.

Et vous, vous êtes-vous laissés tenter par ce drôle de titre ?

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