Voici ma première découverte de la rentrée littéraire 2017 ! Rituel annuel : mon mari me l’a offert en le choisissant seul. Il pensait à un récit post-apocalyptique sur fond de réflexion environnementale (Nous sommes en plein dans la série The walking dead <3, le raccourci était rapide). Ce rendez-vous surprise me met en joie. Et puis, Les sables de l’Amargosa est encore absent des réseaux et autres blogs, ce qui me réjouit.

Résumé de l’éditeur

Une terrible sécheresse a fait de la Californie un paysage d’apocalypse. Fuyant Central Valley devenue stérile, les habitants ont déserté les lieux. Seuls quelques résistants marginaux sont restés, prisonniers de frontières désormais fermées, menacés par l’avancée d’une immense dune de sable mouvante qui broie tout sur son passage. Parmi eux, Luz, ancien mannequin, et Ray, déserteur d’une guerre de toujours, ont trouvé refuge dans la maison abandonnée d’une starlette de Los Angeles.

Mon avis

Il est difficile de relever les yeux du livre et de répondre à la question de l’être aimé « Alors, ça te plaît ? » par une hésitation un peu trop franche suivie d’un « Honnêtement… Non ! ». Ce roman fait suite à de nombreuses déconvenues qui font dangereusement ralentir mon rythme de lecture. Je rame, j’avance lamentablement, les pages sont lourdes à tourner. Parfois, j’ai l’impression de ne plus rien avoir à lire, le goût de la curiosité m’a fuie, l’horizon de ma bibliothèque est dépeuplé. C’est ennuyeux cette histoire. Je traverse une phase creuse très déplaisante. Pardonnez ma lassitude…

L’histoire est celle d’un couple tentant de survivre dans une Californie dévastée par une sécheresse hors norme. L’eau est devenue une denrée des plus rares, la nourriture est rationnée, les peuples fuient tant qu’ils le peuvent, le gouvernement est dépassé, la nature se décompose et crève tandis qu’une dune de sable fait sa vie en avançant à vitesse grande V s’agissant d’un mont que l’on pourrait croire immobile. A priori, l’intrigue tient sur le papier et a tout pour susciter mon enthousiasme. Une dystopie sur fond de désastre environnemental. Mais j’ai dû rapidement admettre, au bout de quelques pages seulement, que cette lecture serait une longue traversée du désert de laquelle je sortirais détachée et dubitative.

Le récit est divisé en livres : les étapes de l’avancée dans le paysage des personnages. L’introduction nous dévoile Luz et Ray, leur habitat actuel qui est la maison d’une starlette (ce terme trop employé m’a profondément agacée), quelques informations sur leurs conditions de vie rudes et étouffantes. Vient ensuite la rencontre avec une enfant, un bébé, qui saura les toucher plus que quiconque. Ils ne savent pas qui et où est sa famille alors, de crainte de la voir fréquenter de mauvaises personnes, ils décident de l’embarquer avec eux. Elle deviendra Ig. La suite, c’est le départ de Ray en quête de secours après une panne en plein milieu d’un champ de yuccas asséchés, puis le sauvetage de Luz et Ig, et leur intégration dans une tribu se prétendant être le peuple élu ou je ne sais trop quoi, dirigée par un gourou assoiffé de drogue et de sexe.

L’auteur se livre à de nombreuses digressions, la plus importante étant l’introduction d’un manuel de science dans lequel Levi recense les nouvelles espèces animales du monde du sable. Le plus inquiétant étant que c’est cette partie qui m’a le plus intéressée, alors qu’elle n’avait rien à faire là. Elle aurait été superbe dans un récit d’aventures en plein cœur d’un monde réellement inquiétant car brûlé. Petit divertissement agréable donc, mais inutilisable. Quelques critiques de la société américaine percent le texte comme un cactus le sable, sur le divertissement, la politique, la consommation, le nucléaire etc. L’histoire est-elle un prétexte pour aborder des sujets dits sensibles ? Je n’y crois même pas. Enchevêtrées dans une intrigue paresseuse et indéchiffrable, ces acerbités pourtant pertinentes ne retiennent pas le lecteur sur la durée.

Dans l’agir, les personnages semblent tous sous substance ; on pourra accuser la chaleur écrasante bien sûr. J’ai eu l’impression d’un voyage psychédélique sans queue ni tête. Les personnages comme des rencontres dans la brume. Ce moment où on lâche tout, où l’on déleste notre personnalité d’avant, où l’on cherche à devenir quelqu’un d’autre le temps restant à vivre. Les gens sont de drôles de pantins désarticulés aux pensées fluctuantes, aux mouvement ralentis dont l’étrangeté ne dérange personne. Il n’y a plus ni contrainte, ni ordre établi, ni logique, puisque le passé est à présent celui d’un désastre (la sécheresse s’est installée il y a un bout de temps) et le futur guère plus reluisant. La perspective de rôtir vivant sous un soleil de plomb rend fou. La destinée commune est l’occasion de liens, de relations inappropriées, d’interrogations et de peurs infondées qui ne transpirent pas le réel. Nous sommes plus proches du domaine du rêve. Des scènes équivoques, des dialogues fuligineux, des annexes censées documenter (compte rendu de psychiatre, questionnaire du gouvernement…) pour compléter inutilement une histoire.

La langue est riche, le vocabulaire pleut. Pour dire les choses les plus simples, l’auteur s’oblige à emprunter le chemin le plus épineux, ce qui a pour résultat un texte certes fleuri mais compact et lourd, souvent impossible à déchiffrer. Je m’obstine à en comprendre le sens quand l’originalité langagière est rare, quand elle s’étale à chaque page je passe facilement dessus. Mais face à un véritable travail narratif, je m’incline.

J’attendais une intrigue, j’ai eu des épisodes disparates sans aucun lien entre eux. Que Luz soit ancien mannequin, que Ray soit déserteur, que Ig soit une enfant de deux ans, tout ceci ne sert rien. Je n’ai cru ni en l’amour maternel de Luz pour Ig, ni en l’amour tout court entre Ray et Luz, ni aux pouvoirs divinatoires de Levi, ce gourou de pacotille. À partir de là, ne reste de cette lecture rien auquel me raccrocher. J’aurais pu trouver intérêt à la sécheresse justement, me livrer à une projection catastrophique sur le devenir de notre planète, mais à cet exercice je me suis retrouvée incapable. N’ayant pu attribuer de réalisme, le décor en lui-même m’a semblé en carton-pâte, le soleil factice, la dune un tas que l’on écrase du pied, pour un univers miniature, un jeu dans un bac à sable en plein cœur de l’été où de petites mains enfantines manipulent des personnages à moitié créés. Il y a beaucoup de contradictions dans cette histoire. Les protagonistes eux-mêmes hésitent constamment quant à l’attitude à adopter, ils barbotent et semblent découvrir le monde chaque matin. Pour autant, il manque du tragique et du sentiment, de quoi se dire que l’on pourrait être à leur place. Mais leurs choix ne sont pas les miens. Luz qui écarte ses jambes ou mâche une racine psychotrope à la simple injonction de le faire, et qui ensuite pleure sur Ig et le retour de Ray, reflète les biais faciles offerts par une littérature libérée et faussement novatrice, pensant prôner le libre-arbitre. Lévi méritait d’être un plus solide gourou plutôt que cet abruti dépoilé tout droit sorti des 60’s. Ce roman pourrait être simplement réduit à l’emprise sectaire dont est victime Luz, puisque cette partie (tardive) creuse enfin le personnage et est l’occasion des plus intenses échanges. C’est à se demander l’utilité de l’espace créé plus en avant. Je dis cela bien que ni l’un ni l’autre des épisodes ne m’ait vraiment convaincue.

Les sables de l’Amargosa est inconfortable tant il semble composé et écrit pour susciter une adhésion timide. Le lecteur ne pourra tout saisir. C’est à la condition d’accepter l’incompréhension qu’il pourra apprécier la plume plantureuse et l’imaginaire confus d’un écrivain certainement talentueux. J’apprécie la folie, l’audace et l’exubérance – attributs dont ce texte peut se défendre – sauf qu’en espérant une étude de la survie et du comportement humain en pareilles conditions me voici plus que déçue. Ce genre est-il trop has been, vu et revu, pour s’en dégager avec autant d’aisance ? La quatrième de couverture évoque un « roman de l’errance » comme Steinbeck a pu en écrire. Bon. Je ne suis pas certaine que les adeptes de l’écrivain seront de cet avis. Quant à l’errance, oui, ce terme est très juste, quoiqu’en grattant un peu, on se rend compte que l’on peut tout y fourguer. L’errance a cela de magique qu’elle autorise beaucoup trop de choses. Un grand n’importe quoi dirais-je…

Et vous, avez-vous déjà découvert des pépites pour cette rentrée ? Vous êtes-vous arrêté sur ce titre ?

Rendez-vous sur Hellocoton !