Après mon coup de cœur pour On ne voyait que le bonheur, il me fallait impérativement revenir vers Grégoire Delacourt. C’est avec son roman, sorti en 2015, portant sur l’inépuisable thème de l’amour que j’ai retrouvé sa si délicate et appréciable plume.

Résumé de l’éditeur

Cet été-là, Cabrel chantait Hors Saison et tout le monde chantait Cabrel. Cet été-là, sur la plage du Touquet, les corps se dévoilaient, les cœurs s’emballaient. Cet été-là, sur les dunes immenses, se jouaient les destinées amoureuses de quatre couples, à l’âge des quatre saisons d’une vie.

Mon avis

Voici un roman qui se lit comme l’on boit une bonne tasse de chocolat chaud ; c’est agréable, ça fait du bien, ça réchauffe le corps et l’esprit, mais ce n’est ni exotique, ni particulièrement délectable, il y manque un soupçon d’audace.

L’histoire est simple. En un été, celui de 1999 (décidément cette année-là me poursuit dans mes lectures), quatre porte-parole de l’amour, représentant les âges forts de toute vie humaine, s’entrecroisent au Touquet alors qu’ils sont à un tournant majeur de leur existence, entre remise en question, décision irrémédiable et fuite en avant. Le premier chapitre nous raconte la romance touchante et mielleuse d’une enfance, celle de Louis et Victoire. Il a quinze ans, elle en a treize et lui avoue qu’elle ne pourra jamais l’aimer. Ç’en est fini de la naïveté de Louis. Ensuite nous suivons une femme divorcée, en quête de l’amour puissant et lancinant, elle qui va de déconvenue en déconvenue, attendant sur la plage de l’amour que la prochaine vague soit la bonne. Son histoire est désespérément plate. Puis nous voici en compagnie d’une cinquantenaire décidée à reprendre sa vie en main, en accomplissant l’acte irréfléchi de se donner à un homme d’un soir ; elle le trouve, c’est le coup de foudre. Et enfin, deux petits vieux qui se sont aimés, tendrement, lentement, comme un chêne prend racine, racontant le genre d’amour indestructible dont l’on pense nos ancêtres être les seuls gardiens.

Alors que les deux premiers récits m’ont laissée passablement stoïque, les suivants, notamment le troisième, m’ont désarçonnée. Il est nécessaire pour cela de distinguer ces quatre histoires comme autant de nouvelles. Ainsi, Jacinthe (chaque partie porte le nom d’une fleur) m’a prise au dépourvue, m’a scotchée dans son final auquel je ne m’attendais pas. En quelques pages, après nous avoir raconté des amours quotidiennes et lénifiantes, voici que Delacourt étale un texte absolument fantastique, d’une portée que je trouve inouïe si l’on replace ce récit dans le contexte du livre, qui est plutôt académique. Il m’a fallu faire une pause dans ma lecture. Et puis, ce tressautement passé, l’auteur termine par une dernière histoire poignante, assez scandaleuse et osée mais qui fonctionne, à laquelle le lecteur ne saurait être totalement indifférent.

Ainsi, Les quatre saisons de l’été est un texte en montagnes russes. Les deux premières parties sont selon moi ratées. Je n’ai pas cru à la confession de Louis. La manière de retranscrire les émotions enfantines est démodée, un peu mièvre, c’est lourd, collant, non représentatif de l’état adolescent de la fin du vingtième siècle, les choses n’auraient pu se dérouler comme ceci. Ces deux jeunes gens ont des réflexions adultes et déprimantes, pourquoi donc ne pas avoir préservé leur insouciance ? Le seul regard « enfant » est plus mature que tous les autres personnages réunis, c’est d’un ennui. Et puis, avec le récit autour de la trentenaire égarée l’auteur poursuit dans cet excès larmoyant qui n’a pas prise sur moi. Ce n’est que complainte et désillusion de la part de cette héroïne affligeante qui n’aurait pas la première place dans un roman entier où elle userait le lecteur par son incessant gémissement. Je n’ai pas compris ses blessures.

Si vous espérez une imbrication de ces quatre histoires pour former un texte gigogne où les personnages se dimensionnent par rapport aux autres, vous serez déçu. Les liens sont faibles, il y a le Touquet bien sûr, le feu d’artifice du 14 juillet, et peut-être le couple de vieillard que l’on retrouve à la fin. Les uns auraient pu évoluer à Paris, les autres à Marseille, le cours du texte n’en aurait pas été modifié. À quoi bon savoir qu’unetelle a aperçu untel quelques rangées de serviettes de plage plus loin ? La proximité estivale ne suffit pas à créer, je l’espère, des attaches entre les juilletistes qui grillent sur le sable, car sinon l’on serait tous reliés dans une odieuse intimité. La cartographie des serviettes illustre l’atlas des cœurs selon Delacourt, je trouve ça légèrement vulgaire. Disons que le côté populaire de l’environnement et des personnages ne colle pas avec les actions entreprises et le vent de nostalgie qui embrasse l’été de nos quatre amoureux.

En réalité, je n’ai pas cru à la perspective sentimentale ébauchée dans ces pages. Je n’ai pas été saisie par la mise en mots de l’amour proposée par l’auteur, les deux textes qui se distinguent le sont par l’idée suggérée à travers leurs finals qui sont de petites explosions, sortes d’arrêts cardiaques. Le disque est rayé semble-t-il.

Les quatre personnages, eux, jouent la même partition émotionnelle, et les degrés de vie censés représenter quelque degré à l’amour : d’enfance, trahi, chimérique, retrouvé, épuisé, ne présentent pas les turbulences attendues.

Les quatre saisons de l’été, je le craignais, est trop hétérogène en qualité d’intrigue pour que mon avis soit lisse. Je vous conseillerais bien de ne lire que les deux dernières histoires, mais ce serait stupide vu l’épaisseur du livre. Ceci dit, ce fut un moment de lecture agréable. La plume de Delacourt me plaît énormément. Il raconte les choses avec simplicité et une grande sensibilité, mais il tombe ici dans le piège de sa propre histoire, trop plan-plan, il commence par s’épuiser en lieux communs autour des amours perdues pour ensuite exprimer son talent à travers des personnages qui ont des choses à dire, mais n’ont pas voix au chapitre bien longtemps. Bien que moins portés sur l’introspection, ces deux récits, plus énergiques et forts en matière d’action, possèdent davantage de gravité que les premiers. Nous avons d’un côté le conformisme de ce que promettait être ce roman, une autopsie de l’amour selon les âges, et de l’autre une tentative pour s’extraire du trop commun. Les deux parties se font lutte, les personnages se livrent une bataille à qui saura le mieux retranscrire l’amour, faire battre le cœur du lecteur peut-être un peu plus fort que les autres.

Je suis un peu perdue avec Grégoire Delacourt, qui ne m’aide pas vraiment. Un coup de cœur ne me suffit pas, il m’en faut d’autres, ou au moins qu’il me surprenne. Je ne sais plus à quoi m’attendre avec lui, et puis il n’a pas écrit une flopée de livres non plus ; il me reste trois titres à découvrir.

Et vous, parler d’amour pour parler d’amour vous suffit-il ?

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