Voici  un roman que j’ai reçu dans la box Exploratology du mois de mai. Le titre sentait bon le Japon, la douceur et la poésie. La littérature asiatique est une vaste contrée qui m’était totalement inconnue, voire qui m’effrayait un peu car trop exotique pour moi peut-être…Qu’en est-il ?

Résumé de l’éditeur

Dejima, comptoir de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, ou la promesse d’une fortune facile. Jeune clerc, Jacob de Zoet débarque sur l’île en 1799, bercé par l’espoir d’un mariage à son retour. Là, il est comme envoûté par Mlle Aibagawa, douce sage-femme au visage étrangement brûlé. Or la demoiselle est enlevée sous ses yeux par le diabolique Enomoto et conduite sur le mont Shiranui…

Mon avis

Tout d’abord, il est important de préciser qu’il m’a été bien difficile de démarrer cette lecture. En effet, malgré un premier chapitre très attractif, narrant un accouchement plutôt sordide, je me suis vite retrouvée perdue; et j’ai finalement refermé le livre au bout de 50 pages. Plusieurs jours après, ne m’avouant pas vaincue, j’ai décidé de retenter l’expérience, passant outre mes préjugés initiaux. J’ai vite compris que ce roman nécessite une attention toute particulière au risque de s’égarer dans les différentes histoires exposées.

Ce roman est en effet difficile à lire et à appréhender. Non pas que l’écriture soit malaisée, au contraire même, mais la substance de l’intrigue est rude et constituée d’une multitude de fils entrelacés. De plus, et cela vient rendre la lecture d’autant plus ardue, il y a un nombre incalculable de personnages ; aux noms asiatiques complexes dont les sonorités sont souvent similaires, ou aux noms hollandais plus tranchés. Ce mélange de patronymes d’horizons différents m’a été extrêmement difficile à assimiler. Je me suis contentée de ne retenir que les personnages principaux, et ce n’était pas une mince affaire.

Ce livre a été une plongée dans l’inconnue le plus totale pour moi, un voyage sur un continent aux saveurs étrangères et à une époque éloignée (l’histoire se déroule entre 1799-1817). Je me suis demandé ce qui pourrait bien me séduire dans une telle histoire. Eh bien, je peux vous dire que cela a été l’une de mes plus grandes surprises littéraires depuis un certain temps. J’ai reçu une véritable gifle ! J’ai tout simplement adoré. Pour autant, je ne peux pas dire que j’ai dévoré ce roman, car je le répète, la lecture m’a, par moments, été franchement épineuse. Mais, m’y évader une ou deux heures chaque jour a été pour moi une bouffée d’air frais, un voyage initiatique palpitant.

Il serait ardu de résumer un livre aussi dense et entortillé, tant il y a d’histoires plus ou moins secondaires imbriquées les unes dans les autres. Car nous ne suivons pas un unique personnage, mais plusieurs en même temps. Le lecteur est invité à passer d’un point de vue à un autre, d’une position à une autre. Il est question de trahison, de corruption, d’amitié, de sentiments, de politique, de religion aussi ; bref de tout ce qui constitue notre humanité. Je pensais que le récit porterait principalement sur la relation entre Jacob et Orito, une jeune sage-femme, mais ce n’est pas le cas. Elle ne représente qu’un fil parmi tant d’autres dans une histoire plus vaste, bien qu’elle soit à l’origine de conséquences dramatiques et cruciales pour l’intrigue.

Ce que j’ai le plus apprécié c’est la complexité de tous les personnages mis en scène. Ils apportent tous un intérêt particulier à l’histoire, et j’aurais souhaité les suivre un peu plus longtemps dans leurs aventures. De plus, les relations entre eux sont intelligentes, dans le sens où leur évolution n’est ni linéaire, ni chaotique, et elles ne sont pas cloisonnées par les positions sociales de chacun. Chaque personnage à un moment donné va connaître son heure de gloire, aura un rôle déterminant à jouer. L’auteur fait ainsi honneur aux personnages qu’il a créés en leur attribuant une réelle place. Aucun n’est là pour ne faire que figuration, et la manière dont l’écrivain joue avec eux est subtile et judicieuse. Ce qui rend le récit d’autant plus construit et prenant car l’on a envie d’en savoir toujours plus sur eux. Parfois, je ne savais plus trop où donner de la tête, cela est vrai, et peut-être que j’ai dû ressentir une légère frustration de ne pas en savoir plus sur les pensées et ressentis de certains personnages avant de passer au suivant. Mais le rythme effréné du récit fait que j’ai mis mon impatience de côté sans amertume.

L’histoire, ou plutôt les histoires, d’ « amour », qui parsèment le récit, sont loin d’être mièvres, mais évoluent de façon mature tout en préservant une part la part d’insouciance inhérente aux sentiments amoureux. Ce livre est à la fois un roman historique, politique et sentimental, sans sombrer dans le sentimentalisme, mais aussi d’aventures et d’enquête. C’est un savant mélange de genres, périlleux mais réussi; ce qui fait qu’il saura séduire un lectorat très large. Il nous raconte plusieurs choses formant un tout finalement cohérent. Je craignais que l’auteur ait voulu exploiter trop de pistes, mais il parvient à créer un véritable univers qui évolue, se meut, vit tout simplement. Le lecteur se retrouve catapulté à Dejima (située dans la baie de Nagasaki), au milieu de ses habitants, partagés entre la culture japonaise et néerlandaise, et ce mélange est si harmonieux que l’on souhaite à tout prix préserver l’entente cordiale entre les deux peuples.

Je ne pensais pas qu’une histoire ayant pour arrière-plan les échanges commerciaux entre la Hollande et le Japon à la frontière entre les 18ème et 19ème siècles puisse autant me passionner. Et pourtant, je dois reconnaître que l’auteur a fait preuve de génie. Certes, certains passages m’ont peut-être moins intéressée que d’autres; et je ne nierai pas le fait que mon cœur se penche du côté de la jeune Orito, qui a été conduite de force dans un couvent clairement sectaire, mais cette partie du récit fait forcément écho en moi avec plus d’intensité que les conflits diplomatiques entre le Japon et les européens.

De plus, ce roman est très documenté sans être rébarbatif. Il y a en outre de l’action, du suspense, des rebondissements inattendus et surtout des personnages très attachants aux personnalités bien dessinées se fondant parfaitement avec le décor dans lequel ils évoluent, à savoir un port commercial soumis aux caprices du ciel et des hommes. Ce livre a du caractère, il reste cohérent jusqu’à la dernière page.

L’auteur nous dépeint une fresque gigantesque, aux détails multiples, rendant le tout remarquable. Je ne m’attendais pas à un roman d’une telle violence, nous décrivant un univers aussi sombre, mais où parfois une lueur d’humanité parvient à percer. Jacob de Zoet fait figure de héros, mais un héros loin des chevaliers épiques aux ambitions démesurées ; lui est plutôt du côté du faible, du pauvre et du malade.

Je ne peux que vous conseiller cette très belle découverte, et vous garantis que vous ne vous ennuierez pas, si tant est que vous ayez la volonté de vous accrocher. Ce livre se mérite, et il faut passer outre les difficultés que vous pourrez rencontrer. Cela m’aura appris qu’en matière de lecture il ne faut jamais renoncer. Les mille automnes de Jacob de Zoet est un véritable coup de cœur, unique en son genre dans ma vie de lectrice 🙂

Et vous, vous ai-je donné envie d’un voyage en terre nippone ? Avez-vous d’autres lectures tout aussi exotiques à me conseiller ?

 

 

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