Mieux vaut tard que jamais, n’est-ce pas. Trois semaines après la fin de cette lecture, je me décide enfin, ou plutôt je trouve enfin un peu de temps pour vous en parler. Si elle avait été fantastique, peut-être me serais-je décarcasser pour vous livrer ma critique plus tôt, quitte à l’écrire en plein milieu de la nuit. Voici donc un roman typique du thriller psy anglo-saxon. J’ai foncé dedans tête baissée sans trop savoir pourquoi. Il se trouve que je l’ai offert en cadeau, une bonne raison pour ensuite le lire. J’aurais quand même envie de suggérer à Elle d’adoucir son pauvre propos en quatrième de couverture : « Le thriller parfait » . Rien n’est parfait dans ce bas monde, encore moins en littérature…

Résumé de l’éditeur

Callie a toujours vécu dans l’ombre de sa sœur, Tilda, à qui tout réussit. Alors qu’elle vit seule et végète dans la librairie où elle travaille, Tilda est actrice et forme un couple heureux avec Felix, un riche banquier. Si Callie admire toujours autant sa sœur, elle ne peut néanmoins s’empêcher de penser que quelque chose se cache sous ce vernis de perfection.

Mon avis

Elle est déjà épuisée de vivre. Mais avec une sœur comme Tilda, on comprend mieux que l’énergie vient rapidement à manquer pour faire autre chose que l’admirer et l’adorer ; et fourrer son nez dans ses affaires avec un acharnement louche. Le problème c’est que c’est la première qui raconte l’histoire. Chaque événement passe par la filtre de sa fascination pour Tilda. Il faut faire un effort pour s’y intéresser avec autant d’ardeur qu’elle. Mais, une fois que le lecteur a accepté de se mettre à sa place, les choses deviennent un peu plus intéressantes.

Sympa. Une lecture sympa. Voici comment réduire mon avis sur Les Illusions. Ce roman est sympa parce qu’il se lit vite et bien. Il est avant tout le récit d’une dualité entre sœurs, et ce thème est en soi fascinant. Il y a celle qui admire et celle qui veut être admirée ; comme s’il était écrit que pour que l’une réussisse, l’autre doive immanquablement échouer. Callie travaille dans une librairie : voici l’échec ultime selon l’auteure. Elle s’ennuie profondément, sa vie est un vide abyssal, rien ne se passe, rien ne se créé, tout est fade. Callie est la fille la plus chiante qui soit. D’ailleurs, les intrigues secondaires, autour de sa vie affective, un peu, de la relation avec sa patronne aussi, sont à son image, peu trépidantes.

Dans cette histoire tout est une question de points de vue, de positions. Ainsi, le nouveau conjoint de Tilda, Félix, représentera très tôt pour Callie un danger. Quelques dizaines de pages après le début de l’histoire, nous la retrouvons qui farfouille sur Internet à la recherche de témoignages sur des hommes pervers. Elle a flairé quelque chose et elle ne lâchera pas l’affaire, ça non. Mais ses soupçons sont selon moi un poil précoces, et se basent sur d’infimes détails. Le lecteur a à peine le temps d’apprivoiser les personnages que déjà il doit présumer, déduire, évaluer. Ayant très peu de matières pour construire un jugement solide, il est contraint de suivre Callie et ses névroses.

Celle-ci se bourre très vite le crâne de manière obsessionnelle, à croire qu’elle y prend plaisir, avec des récits de femmes battues, violées, maltraitées ; elle empile des théories à charge contre Félix. Très bien. Le lecteur l’escorte dans son cheminement, il n’a pas trop le choix.

Je vous épargnerai le résultat de cette enquête minutieuse et monomaniaque. Il y a bien une révélation à un moment donné. Il y a bien un personnage qui n’est pas très net. Voici venu le temps de l’annonce du diagnostic. L’auteur a évité de nous servir le terme à toutes les sauces, Dieu merci, vous l’aurez deviné : il est question de pervers narcissique. Les PN, comme on dit sur les forums, ont comme envahi le monde depuis une décennie. C’est affolant le nombre de personnes clamant haut et fort être victimes de ces personnalités destructrices. Forcément, la littérature en a fait ses choux gras. Les lectrices adorent, elles s’y retrouvent, elles sont rassurées de constater qu’elles ne sont pas les seules.

Toujours est-il que, connaissant cet individu depuis bien avant que le terme soit employé dans tous les sens ; j’ai un peu grimacé quand l’auteure a posé son constat. Si elle s’en était abstenue, je n’aurais rien dit. Mais, de fait, je suis ressortie de ma lecture avec l’impression d’avoir parcouru le tableau clinique du PN présenté par une personne n’en ayant vraisemblablement jamais été victime, et qui manquait cruellement d’imagination pour s’éloigner des caractéristiques fournies par les tests crétins qui permettent de dire si mon mari/mon patron/mon frère/mon fils/ mon boulanger fait partie de cette caste obscure.

Les PN dans les romans étaient intéressants lorsque l’on évitait justement de leur coller l’étiquette, ou que l’on ne savait pas encore comment les nommer. La perversion a de nombreux visages alors, amis auteurs, soyez plus créatifs s’il vous plaît. Wikipédia ne doit pas servir à créer des personnages.

Pour revenir aux Illusions, n’ai réussi à m’attacher à aucun d’entre eux. Je crois que j’ai dû flairer le mauvais coup, je m’attendais à ce que la fin ne me convienne pas. En effet, il n’y a aucune morale, aucune justice. Non pas que cela me dérange dans l’absolu, au contraire même ; je ne suis pas spécialement adepte au fait de punir à tout prix les méchants. Cependant, l’histoire tendait plutôt de ce côté, à savoir pointer du doigt ces êtres haïssables, à faire de leur condamnation, de leur mort même, l’aboutissement du combat que mène l’héroïne. Le final est une espèce de contre-sens.

Le traitement du thème choisi est dommage car la relation entre ces deux sœurs était, je le répète, captivante et porteuse. J’ai d’ailleurs été davantage intéressée par les chapitres exposant leur enfance. J’ai comme l’impression qu’en voulant à tout prix écrire sur les PN, l’auteure est totalement passée à côté de son intrigue et de ses personnages.

Les illusions est un roman qui veut à tout prix nous faire croire que des illusions, il y a. Or, un lecteur pas trop naïf ne pourra tomber aisément dans le piège. Les suppositions ne pleuvent pas. Il n’y a guère que trois pistes à explorer. J’avais lu que le lecteur serait baladé comme jamais il ne l’a été. Baladé sur une seule voie, oui, jusqu’aux cinquante dernières pages. Ensuite, c’est du tout vu. On aura lu mieux en matière de rebondissements. A trop vouloir pousser son lectorat à croire en une version de son histoire, l’auteure instille des soupçons grossiers qui l’en détourne. Je ne peux imaginer qu’elle ait été pleinement convaincue de la réussite de sa mascarade.

Malgré ces défauts, impardonnables, j’admets avoir lu Les Illusions sans me forcer, et en avoir même éprouvé un certain plaisir. Mais de là à vous le conseiller, il y a un fossé que je ne franchirai pas.

Et vous, faites-moi donc part de l’une de vos lectures traitant de ces merveilleux Pervers Narcissiques !

Rendez-vous sur Hellocoton !