Eva Kopp m’a gentiment contactée il y a quelques semaines pour me soumettre la lecture de son premier roman. Je n’accepte pratiquement jamais les services de presse, que j’estime ne pas avoir leur place sur mon blog, désirant ce dernier libre et indépendant. Ayant été à la place de la jeune femme il y a peu, j’ai été sensible à l’aimable message de cette jeune auteure, davantage sensé que la déferlante d’envois irréfléchis en provenance de grandes maisons d’édition. Quitte à accepter quelques rares SP, autant qu’ils soient profitables à de nouvelles plumes dont je fais moi-même partie. Aussi, je remercie Eva de m’avoir offert sa première oeuvre, me permettant ainsi de découvrir une charmante histoire et une auteure qui ne l’est pas moins.

Résumé de l’éditeurL'enfant du tsunami - Eva Kopp

11 mars 2011 sur l’île d’Honshu, préfecture de Miyagi, Japon. Junko a compris. Tout est clair à présent, un rouage invisible s’enclenche dans sa poitrine. Elle en a rêvé il y a deux jours : une immense vague. Gigantesque, dans un grondement démentiel. Avec des hurlements et des craquements comme si les charnières de la Terre elle-même semblaient céder…

Mon avis

Ce récit choral nous raconte l’après-tsunami de 2011, pour quelques personnages directement concernés et, en transparence, pour le Japon : son économie, sa politique, son écologie. Aborder un sujet si massif dans autant de directions, et sur 150 pages seulement, aurait pu se révéler périlleux. L’élaboration de cette histoire a dû demander à son auteure concision, synthèse et analyse poussée afin de dire l’essentiel, dans toute sa justesse et sa vérité.

Empilant les casquettes de romancière et de journaliste, Eva Kopp s’est attaquée à une page sombre de l’Histoire d’un pays entier. Drame récent mais trop vite oublié par les occidentaux (moi plus qu’une autre, le drame étant intervenu le premier jour de mon histoire avec celui qui deviendrait plus tard mon mari ; imaginez donc mon état d’esprit d’alors), le tsunami de mars 2011 a ravagé le Japon, détruit des communes, des habitations, meurtri des familles, bousculé le gouvernement (notamment sur la question du nucléaire), redistribué les cartes de la géopolitique.

L’onde de choc de l’immense vague dantesque que l’on a du mal à se représenter s’est propagée de l’archipel nippon aux beaux quartiers de Paris ; une déferlante encore d’actualité et pour de nombreuses années, si l’on en croit les propos de l’auteure. Après l’effet papillon, voici l’effet tsunami.

Cinq personnages principaux composent ce récit. La jeune Junko et son grand-père, victimes directes de la catastrophe, tous deux touchants dans leur lutte pour survivre malgré la peur, l’incertitude, le rejet. Maïwenn et Achille, un jeune couple de parisiens qui s’aiment avec simplicité. Enfin, le petit Néthanel, celui vers lequel mon cœur se penche. Ayant perdu ses deux parents dans le tsunami, l’orphelin est recueilli par son oncle : Achille. Ainsi, une bonne moitié du roman narre l’adaptation de l’enfant dans sa nouvelle famille, les difficulté de l’adoption, l’attachement de Maïwenn pour ce bébé qui n’est pas d’elle, le suivi régulier auprès d’une thérapeute, le traumatisme encore latent du petit. Finalement, les choses s’imbriquent naturellement. Le couple fait front et se montre d’une solidité désarmante face à l’épreuve. L’amour naît presque immédiatement. Il y a peu de doutes pour beaucoup de certitudes.

J’ai beaucoup aimé la douceur se dégageant de ce récit intimiste, faisant contraste avec les tumultes de l’autre continent. J’aurais peut-être encore plus apprécié ce roman s’il s’était concentré sur Néthanel et son arrivée en France, tant les ruptures dans cette narration m’ont rendue impatiente et, je l’avoue, un peu frustrée. Mais on ne peut aller à l’encontre de la volonté d’un auteur, et ici il s’agissait de cartographier une tragédie et non de raconter une plus simple histoire familiale.

Junko et son grand-père ont été, quant à eux, des plus agréables à suivre. Leur histoire est celle de survivants qui ne reconnaissent plus le pays où ils sont nés. Le nuage nucléaire plane sur leurs têtes. La nature se transforme sous leurs yeux. Les hommes fuient, d’autres préfèrent rester, quitte à être rejetés de tous. On n’abandonne pas ses terres, est la devise des plus courageux.

Le lecteur croisera la route d’autres personnages, largement secondaires ceux-là. J’ai été moins emportée par le récit qui est fait de leur vécu ; évoqué trop brièvement pour moi. Néanmoins, la pluralité de destinées présentées démontre, de la part de l’auteure, une réelle volonté de célébrer la vie, à travers la résilience de ces héros ordinaires ayant vécu l’extra-ordinaire. Quand une telle catastrophe  s’abat sur des milliers, voire millions, de personnes, ce sont autant de chemins coupés net, dans un instant-T de l’horreur qui garde pour lui le secret de ce qui s’ensuit : du malheur le plus souvent, des rencontres heureuses parfois. C’est sur ces dernières que Eva Kopp élabore ses intrigues, enluminant le désastre avec des existences chanceuses.

Le ton employé est tantôt instructif, tantôt dans la confidence avec le lecteur, du fait d’interpellations directes d’abord surprenantes puis familières, ou bien encore onirique. Il y a de la magie dans le texte. L’auteure mobilise un imaginaire local pour accompagner ses personnages. L’oeuvre se teinte ainsi de couleurs féeriques ; des animaux fantastiques, des légendes séculaires émergent pour illustrer le combat de ces hommes et femmes secouées par une Nature capricieuse.

L’enfant du tsunami est un premier roman original, à la voix intime et engagée. Fortement instruite, l’auteure s’est autorisé l’usage d’un vaste spectre pour, partant d’un phénomène l’ayant sans aucun doute profondément marquée, émouvoir, renseigner, condamner, amener à poser un regard neuf sur ce qui s’est produit il y a sept ans déjà. En un mot, elle sublime le fléau, s’élève au-dessus des ruines. Plein de douceur, de tendresse et de compréhension, ce roman se lit d’une traite, un peu à la manière d’un reportage court mais complet, qui pose des pointillés sur certains passages pour laisser l’imagination du spectateur faire son oeuvre. Le rythme se calque sur celui d’une vague sans fin, un rouleau qui transporte tout un tas de débris, minéraux et organiques ; symbole de ces vies emportées, ébranlées, déplacées.

Eva Kopp m’a permis de retenir et intégrer cette date, le 11 mars 2011, sans m’agresser, ni m’effrayer, ni me faire culpabiliser de ne presque rien savoir de la tragédie. C’est la parole d’une jeune femme, poursuivie par un fait « historique » comme il nous arrivera tous, au moins une fois dans notre vie, de nous laisser submerger par l’émotion face à un drame, quel qu’il soit, où qu’il se produise. Pour elle, ce fut un tsunami.

L’enfant du tsunami est une très jolie histoire, que je recommande et à laquelle je souhaite plein de lecteurs.

Et vous, un drame de ce genre vous a-t-il plus marqué que les autres ?

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