Il y a un an tout juste, Repose-toi sur moi me faisait connaître Serge Joncour de la plus belle des manières ; j’étais ressortie de ma lecture conquise, agitée par tout un tas d’émotions qui, chose plutôt rare chez moi, étaient nées d’une romance, oui oui. Un coup de cœur ayant un rythme de digestion assez long me concernant, une année s’est écoulée avant que me viennent l’idée et le désir de relire cet auteur. L’écrivain national, c’est un beau et riche titre pour ce faire, non ?

Résumé de l’éditeurL'écrivain national - Serge Joncour

Le jour où il arrive en résidence d’écriture dans une petite ville du centre de la France, Serge découvre dans la gazette locale qu’un certain Commodore, vieux maraîcher à la retraite que tous disent richissime, a disparu sans laisser de traces. On soupçonne deux jeunes néoruraux, Aurélik et Dora, de l’avoir tué. Mais dans ce fait divers, ce qui fascine le plus l’écrivain, c’est une photo : celle de Dora dans le journal.

Mon avis

Tout était là, absolument tout, pour me faire adorer cette histoire. S’il avait fallu ajouter des éléments concrets, je n’aurais su quoi proposer de plus, jugeant préférable d’accentuer ce qui était déjà, de pousser les curseurs à leur maximum. Car, et ceci est d’autant plus regrettable, la faiblesse de mon rythme de lecture a reflété mon insensibilité et mon incompréhension face à ce que j’aurais tant aimé porter aux nues. Les pièces étaient là, sous mes yeux, le contexte était dressé, l’idée jaillissant dès les premières pages, la trame se profilant dans un horizon dégagé. J’étais à mon aise dans cet environnement, impatiente d’en lire plus, jusqu’à la rupture, ni violente ni conséquente car trop précoce, simplement décevante. Elle avait certes l’intelligence et la sagesse de ces couples qui, au bout de quelques jours, et avec raison se disent : « Ok, ça ne fonctionne pas, il n’y a pas les étincelles, il vaut mieux en rester là » mais, comme j’aime aller au bout des choses, j’ai terminé ce roman, péniblement.

Serge – et là je vous confie que l’homonymie avec le prénom de l’auteur m’a sauté aux yeux bien longtemps après avoir tourné la dernière page, imaginez donc – pose ses valises pour plusieurs semaines dans un petit village français. Un vaste programme l’attend : rencontres avec les lecteurs, ateliers d’écriture, dîners chez le maire, séances de signature, etc. Je ne savais pas cela possible, l’intérêt du concept m’échappe mais, ma foi, l’idée avait de quoi attiser ma curiosité. Un écrivain nouveau venu au cœur d’une dynamique villageoise bien rodée ? Je m’imaginais cette bête de foire sous les regards curieux, admiratifs ou hostiles des gens de la campagne, rustres ou non d’ailleurs. Généralement, l’écrivain est un héros plaisant à suivre et revenant régulièrement dans la littérature, manière pour les auteurs de se raconter, à demi cachés derrière un être aux préoccupations qu’ils partagent. Les lecteurs sont facilement fascinés par l’animal ; un écrivain c’est peu banal, ça pense beaucoup, ça cogite, ça élabore, ça crée et ça transforme, en silence et souvent seul.

Serge Joncour propose pourtant un modèle ennuyeux. Cet écrivain-là est beaucoup trop réaliste, avec son côté nonchalant, ralenti, presque flemmard. Il est là parce qu’il le faut, voilà tout. Le problème vient du fait que c’est à monsieur que revient le privilège de raconter l’histoire, son histoire. Et entre Serge et Serge, on ne sait plus trop lequel parle.

L’intrigue pivot, autour de la venue de l’écrivain dans ce bout de France, se double d’un drame local dans lequel ce dernier va chercher occupation et matière première. Un vieil homme du coin a disparu, tandis qu’un jeune couple de marginaux est soupçonné d’être responsable de sa mort. En matière de crime, on a déjà vu plus excitant. Ce fait divers est beaucoup trop contextuel et les protagonistes peu dimensionnés pour que le lecteur se saisisse de l’affaire et s’en nourrisse. Il n’y a bien que Serge que cela intéresse. La principale raison est la fascination qu’il éprouve, on ne sait trop pourquoi, pour la jeune femme en cause. Découverte dans le journal à travers une photographie prise sur le vif, elle le hante et le séduit.

Dès lors, Serge n’aura de cesse de faire des allées et venues entre le village où il réside, la forêt et le domicile de Dora ; empruntant voiture et vélo à qui veut bien lui prêter, trop souvent les gentils libraires à l’origine de sa présence ici. Je crois avoir deviné le dessein de l’auteur. Le petit bourg fort sympathique aurait dû être un village austère et hostile où règnent la rumeur et la haine de l’étranger, l’écrivain paumé aurait dû être un être torturé au bord de l’abîme, l’affaire du vieux aurait dû être un assassinat sordide et Dora une femme plus caractérielle et ambivalente. Ajoutez-y des flics bien véreux, une aubergiste poisseuse et un couple de libraires un peu dingues, le tour était joué !

De plus, l’histoire s’inscrit dans un contexte économique fort marqué par la construction d’une usine qui divise les habitants, or, ceci dessert l’ambiance et oriente le récit vers des considérations sociales et politiques que j’ai souvent jugées non à propos. Quant à la romance entre Serge et Dora, finalement assez atypique, je ne lui ai guère accordé plus qu’un coup d’œil curieux. Dora n’a pas une position suffisamment tragique pour enflammer l’histoire ; Serge a sans doute été subjugué par sa beauté, dans un coup de foudre aux accents mystérieux inaccessibles pour qui n’a pas rencontré cette fameuse Dora.

L’écrivain national se parcourt faiblement. Ce roman paraît la version allégée, censurée, d’une histoire plus forte que l’on se plaira seulement à imaginer. Sans le juger mauvais, je ne saurais le recommander. Je n’y ai pas trouvé l’atmosphère attendue quand, en lisant la quatrième de couverture, on retient les termes « haute tension » ou « inquiétante plongée ». À bien y réfléchir, je me demande si cette histoire n’est pas simplement autobiographique. Ce serait une drôle d’idée, venant de l’auteur, de prénommer son héros Serge, écrivain qui plus est, si l’on n’y met pas un peu de sa propre histoire. Mais alors, dans ce cas, monsieur Joncour aurait été mieux avisé de garder cet épisode pour lui. Ceci étant, je saisis plus clairement la manière troublante et trop intime dont sont dessinés les transports de Serge envers Dora, qui respirent le vécu plus que le roman.

Et vous, avez-vous déjà lu Serge Joncour ?

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