Ce petit livre m’a été offert pour l’achat de deux livres Folio (D’ailleurs, si quelqu’un de chez Folio passe par ici notez que l’inscription  « Offert pour l’achat de 2 Folio » sur la couverture est sinon ridicule, du moins peu gracieuse). N’ayant pu le choisir, commande internet oblige, j’ai eu la surprise de le trouver parmi d’autres. Il me semble que le thème général de l’offre tourne autour de l’amitié. Toujours est-il qu’en découvrant le nom de l’auteur, ça a fait tilt, n’était-ce pas le même Pontalis que celui du Vocabulaire de la psychanalyse, manuel qui a été mon livre de chevet pendant mes études ? Mais oui, bien sûr, c’est lui. Ainsi donc, j’avais en possession l’œuvre d’un penseur dont j’ai scrupuleusement étudié les recherches. Voila qui promettait d’être intéressant.

Résumé de l’éditeur

L’amitié : comment elle naît, puis se tisse, se renforce et parfois se dissout d’elle-même ou s’achève par une rupture ? Les amitiés : il en est qui traversent le temps, d’autres qui sont éphémères et pourtant intenses. Un une vingtaine de courts chapitres, alliant réflexion et histoires personnelles, ce livre, qui tient à la fois du roman et de l’essai, tente de cerner le rôle de l’amitié. Nous sert-elle à nous protéger des tourments de l’amour ?

Mon avis

À ma grande déception, il ne s’agit pas d’un roman. Pourtant Pontalis en a écrit plusieurs, il faudrait que je m’y penche. Non, Le songe de Monomotapa se veut être une longue réflexion sur l’amitié, tantôt introspective, tantôt générale, elle emprunte aux codes du roman parfois, mais se qualifierait davantage comme un essai.

L’amitié. Voici un thème absent de la psychanalyse. L’amour oui, de l’amour on a tout dit ou presque, mais de l’amitié, très peu. Autant, elle illustre de grandioses romans, autant elle n’est que peu sujet à réflexion. Il semblerait qu’elle ne soit qu’un avatar pauvre de l’amour ; elle n’est, a priori, pas sexualisée, alors peu intéressante pour la psychanalyse.

Petite histoire personnelle. La psychanalyse est, de toutes les sciences, celle qui me correspond le plus, vers laquelle je m’oriente naturellement quand il s’agit d’appréhender un phénomène humain. Je l’ai étudiée, beaucoup, je l’ai mise en pratique, j’ai lu des milliers de pages de ses partisans, j’ai assisté à des conférences sur des sujets pointus, où je me suis endormie parfois parce que les psychanalystes sont intrinsèquement soporifiques. Quand je l’ai rencontrée elle a été pour moi une révélation, une évidence, un mais bien sûr, j’avais envie de la faire un filtre de tout, elle m’apparaissait comme une clef essentielle pour ouvrir les verrous du mystère humain. Bref, la psychanalyse me passionne. Et c’est avec nostalgie que je repense à ces années où j’étais, me semble-t-il, au plus près d’elle. Avec le temps, je l’ai fait mienne, imbibant une partie de mon cerveau de ses conceptions et sa méthode.

L’amitié donc. Pourquoi ne pourrait-elle pas, elle aussi, passer au scanner de la psychanalyse ? J’espérais, je croyais, que Pontalis nous en offrirait un découpage analytique, illustrée, à grands renforts d’images, d’exemples, de « cas cliniques » comme on dit, pour en dévoiler les multiples facettes, les nombreuses variations. Eh bien, non, c’est tout autre chose.

Après nous avoir exprimé les enjeux de son livre, les difficultés pour le concevoir, les attentes suscitées, comme s’il devait s’excuser auprès de ses confrères d’aborder un tel sujet, il en vient aux questionnements. L’auteur se fait une certaine idée de l’amitié, bien inébranlable vu l’âge du monsieur. L’amitié n’est pas l’amour, l’amitié serait une certitude, l’amitié serait passagère, elle reposerait sur la quête d’une différence, sur une disparité fondamentale. En guise d’illustrations il pioche dans sa propre expérience, dans les rencontres qui ont jalonné sa vie, des amitiés solides qu’il a tissées, bien souvent dans le cadre de sa pratique. Ainsi, le texte prend peu à peu valeur d’hommage à ceux qui ont marqué sa vie. Au milieu des souvenirs, quelques réflexions, courtes, avortées. Il évoque l’ami imaginaire de certaines enfances, les amitiés fulgurantes et passionnelles de l’adolescence, les amitiés fugaces et regrettables, celles qui se délitent sans raison, les possibles amitiés hétérosexuelles, l’ami éternel que l’on recherche. Au milieu des réflexions il y a aussi des digressions, sans rapport aucun avec le thème central. Et puis, glissée parmi les digressions, il y a comme une condamnation, un vent de rébellion du psychanalyste. Il dénonce le milieu intellectuel, cet entre-soi, le gargarisme des têtes pensantes, les positions confortables qu’offre l’érudition, et les luttes intestines qui gangrènent le cercle. C’est très léger comme critique, mais palpable.

Malgré le plaisir que j’ai eu à retrouver entre les pages de nombreuses références à des figures célèbres du courant, m’est revenu en mémoire cette crânerie dont ne se départ pas la psychanalyse, à la fois une science fermée et une pratique trop fumeuse pour qui n’y connaît rien, forme de complaisance collective. Et pourtant, que j’aime les idées de ceux qui la font vivre.

Le songe de Monomotapa ne remplit malheureusement pas ses promesses. Je ne retiendrai que les allusions au milieu dont Pontalis tente de s’extraire en douceur, j’ai aimé le regard qu’il porte sur ce petit monde. La question de l’amitié est quant à elle abordée d’une manière qui ne m’a pas convaincue, trop autocentrée ; mais ce dernier point n’est-il pas l’un des reproches de l’auteur lui-même ? Ceci est une drôle de constatation. Après cette lecture, je reste frustrée de n’avoir qu’effleuré sa plume et son imaginaire. Un jour, le crime me fait de l’œil.

Et vous, cette science vous attire-t-elle ? Avez-vous de véritables romans sur l’amitié à me conseiller ?

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