Aujourd’hui, et pour la première fois sur le blog, et j’espère la dernière, je vous parle d’un livre que je n’ai pas terminé. Il va sans dire que j’ai longuement hésité quant à l’utilité d’une telle chronique, puisque je suis la première à dire que l’on ne peut juger un livre qu’en ayant achevé sa lecture. Néanmoins, si ce roman n’était pas d’une telle envergure  je me serais certainement abstenue de vous en livrer ma pensée. Mais m’est avis qu’il est intéressant de vous dévoiler les raisons qui m’ont poussée à refermer ce volume, d’autant plus qu’il est largement acclamé par la critique depuis sa sortie en 1980.

Résumé de l’éditeurOLYMPUS DIGITAL CAMERA

Rien ne va plus dans la chrétienté. Rebelles à toute autorité, des bandes d’hérétiques sillonnent les royaumes et servent à leur insu le jeu impitoyable des pouvoirs. En arrivant dans le havre de sérénité et de neutralité qu’est l’abbaye située entre Provence et Ligurie, en l’an de grâce et de disgrâce 1327, l’ex-inquisiteur Guillaume de Baskerville, accompagné de son secrétaire, se voit prié par l’abbé de découvrir qui a poussé un des moines à se fracasser les os au pied des vénérables murailles. Crimes, stupre, vice, hérésie, out va alors advenir en l’espace de sept jours.

Mon avis

C’est environ à la moitié, soit vers la page 250, en plein milieu d’une parole de Guillaume de Baskerville, que le livre m’est tombé des mains, sans que je ne le retienne. Ce geste a été le résultat de longues heures de labeur, de déplaisir, de difficultés inouïes; un combat dans lequel j’ai lutté de toutes mes forces, ne voulant pas m’avouer vaincue, mais où j’ai lamentablement échoué. Ainsi, Le Nom de la rose rejoint Crime et Châtiment dans le cimetière des lectures inachevées, qui ne doit guère en contenir plus de cinq.

J’ai hésité à vous livrer mon avis car j’étais partagée entre un aveu de faiblesse venant irriter ma fierté de lectrice, et un sentiment d’incompréhension tendant à accuser l’auteur de ne pas avoir su maintenir et mon intérêt et mon attention. Mais ne voulant pas paraître présomptueuse, et surtout parce que le talent d’Umberto Eco, le philosophe et le romancier, est indéniable, je préfère étaler ma défaillance, mon épuisement, mes lacunes.

Le Nom de la rose m’a trompée, par le qualificatif abusivement employé à son encontre, celui de policier. Je m’élève contre l’utilisation de ce terme pour évoquer ce roman. Il est tout sauf un roman policier. En effet, il est nécessaire pour tout futur lecteur de préciser que l’enquête policière est totalement noyée sous une masse d’échanges philosophiques, moralisateurs, scientifiques ou autre diatribes portant majoritairement sur le contexte politico-religieux de l’époque, période sombre pour la chrétienté.

La prétendue enquête menée par Guillaume et Adso, le narrateur, avance à pas de fourmis, tant les matières grises sont mobilisées par d’autres thèmes, bien loin de la réalité des meurtres. Ainsi, le lecteur aura droit à une revue historique largement détaillée de personnages inventés, dans un contexte réel lui, plus ou moins éloignés de ceux qui nous concernent.

Pour autant, je ne saurais condamner ces digressions historiques et philosophiques, dont certaines, les secondes,  m’ont apporté des bribes de plaisir à leur lecture, quoique rares. Nous ne pouvons reprocher à un philosophe de s’étaler sur ses domaines, ce serait cracher sur la satisfaction qu’il a éprouvée lors de l’écriture de son roman. Je regrette simplement le peu de considération pour son lecteur, néophyte et innocent, que suggère une telle dépense ostentatoire dans l’étendue de son savoir. Voici le point qui trahit ma faiblesse. Pour être claire, je n’ai compris qu’un pourcentage infime de ce que j’ai lu sur 250 pages. Ces parcelles d’intelligibilité se résumant à l’intrigue policière. Or, après ce que je viens d’en dire, vous comprendrez que celle-ci ne constitue guère une substance suffisante pour satisfaire mon appétit de lectrice.

Et pourtant, j’ai fait un effort considérable pour m’accrocher, car j’avais envie. Le contexte, le décor, l’idée de départ suggérée par tous les résumés trouvables, les personnages, tout ceci constituait un univers littéraire qui me séduisait. Mais, j’ai été frappée par la rudesse de l’écriture, qui n’offre que peu de portes d’entrée au lecteur refroidi dès la première page. Et cette claque a été d’autant plus amplifiée qu’il semblerait que la majorité des lecteurs soit parvenue à achever cet exercice, et à l’apprécier. Et c’est ici que j’ai été blessée, et que, vexée, découragée, dégoûtée presque, j’ai laissé le livre se refermer en plein milieu d’une phrase, souhaitant abréger le calvaire qui avait assez duré.

Ainsi, je me rends compte que de l’œuvre en elle-même je ne parle que peu. Mais ma retenue m’empêche de m’aventurer sur la qualité même du récit, dont je ne doute pas. Ce que j’en retiendrai c’est avant tout le duo formé par Guillaume et son élève Adso, dont j’aurais tant apprécié suivre les aventures avec davantage de clarté, car leur relation, basée sur la bienveillance et  l’émulation des esprits, est de celles qui nourrissent de grands récits.

Je souhaite donc prévenir le lecteur, celui qui sera pris comme moi de l’envie de se plonger dans ce monument littéraire, pour lui dire de se préparer à gravir une montagne rocailleuse. Peut-être aura-t-il le courage que je n’ai eu, de s’acheminer lentement jusqu’à la dernière page, en laissant de côté son orgueil lorsqu’il se trouvera face à une volubilité absconse.

Pour rassurer mon égo, j’ai voulu, à défaut de poursuivre ma lecture, visionner le film, aussi célèbre voire davantage que le roman, que j’ai vu il y a très longtemps. Je précise, et ceci m’a fait sourire, que Guillaume de Baskerville, avait lors de ma lecture, a et aura toujours, le visage et le charisme de Sean Connery, tellement parfait dans ce rôle.  Et là, j’ai compris. Car, je dois avouer que je n’ai cessé de me demander comment un tel texte pouvait être adapté au cinéma, moi qui n’en avait saisi qu’une infime partie. Et tout s’est éclairé pour moi lorsque je me suis rendu compte que le film ne retrace que l’enquête policière, vous savez, celle qui est submergée sous un flot d’autres interrogations. Quel ne fut pas mon soulagement ! Le film m’a montré tout ce que j’ai saisi dans le livre, et uniquement cela. Adieu, échanges sibyllins, Adieu, déballages historiques ! Voilà, que tout d’un coup, la clarté se fait. J’aimerais quand même beaucoup connaître l’avis de ce cher Umberto Eco sur ce film qui annihile tout un pan de son histoire.

Ainsi, je ne peux que vous conseiller Le Nom de la rose – le film, bien qu’il me semble ne pas respecter fidèlement la chronologie des faits, ce qui pourra en déconcerter certains. J’ai enfin trouvé l’ambiance que j’attendais, et qui fait cruellement défaut dans le livre; les personnages prennent consistance sous mes yeux (le choix des acteurs est prodigieux), de véritables repères sont installés pour le spectateur. Bref, le réalisateur a parfaitement su tirer du roman ce qui méritait d’être porté sur écran, en faisant l’impasse sur les trois quarts du livre certes, mais c’était ça où ne séduire qu’un échantillon réduit de spectateurs, et avec Sean Connery dans le premier rôle cela aurait été dommage. Ce visionnage m’a presque donné envie de reprendre le cours ma lecture là où je m’en étais arrêtée, c’est vous dire, mais le souvenir de mes déboires m’a rapidement ramenée à ma première idée.

Et vous, avez-vous lu ce roman ? Ou peut-être vu le film ?

 

 

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