Voici un roman que je me suis procuré en librairie après m’être arrêtée sur sa couverture (celles des Editions Actes Sud sont particulièrement esthétiques), et son résumé qui m’a tout de suite plu. De plus, je n’ai encore jamais lu d’auteur argentin, alors ce thriller venu tout droit d’Amérique du Sud me paraissait être une excellente porte d’entrée à une littérature dépaysante.

Résumé de l’éditeurOLYMPUS DIGITAL CAMERA

Mystérieusement disparue à la sortie du métro en compagnie de sa baby-sitter, la petite Moria n’arrivera jamais au goûter d’anniversaire où l’attend son père. Ses parents placent d’abord tous leurs espoirs dans les appels à témoins, puis se déchirent à mesure que l’enquête policière piétine. L’homme, seul, continuera sa lutte. Après une dizaine d’années de recherches et d’innombrables impasses, une petite araignée en bronze déporte l’enquête des pavées de Buenos Aires au cœur des ténèbres d’Entre Rios.

Mon avis

Je me retrouve bien embêtée en refermant ce livre, puisque je n’arrive pas à me décider de manière franche sur mon ressenti final. Car voyez-vous, je ne sais pas si cette lecture m’a plu ou non.  Je suis partagée entre un plaisir éprouvé à tourner les pages qui m’a fait lire ce roman à une  vitesse folle, et d’énormes défauts qui m’ont sauté aux yeux et devraient faire largement pencher la balance. Alors, je m’interroge sur ce qui a fait que j’ai pu terminer ce roman avec autant de facilité, et je serais tenter d’attribuer cela à la simplicité de l’intrigue et de l’écriture. Concernant la première, je crois qu’on ne peut guère faire plus basique puisqu’elle peut se résumer à une seule ligne seulement. C’est l’histoire de la disparition d’une enfant et de la quête de son père pour la retrouver. Ce qu’il y a autour n’est que du superflu. On ne compte plus les romans narrant des histoires de disparition, mais en général la recherche du disparu se heurte à des obstacles en tout genre, des rebondissements, des retournements de situation qui maintiennent le lecteur dans une attente insoutenable. Or, ici, l’intrigue suit un chemin linéaire, les escapades sont anecdotiques, les péripéties se font rares. Et pourtant, il a bien fallu remplir les 600 pages que comporte ce roman, et c’est pour cette raison que je m’interroge encore sur ce qui a bien pu me pousser à en finir alors même que je reconnais en toute transparence que ce livre, dans ce qu’il nous raconte, est plutôt creux.  Peut-être est-ce la simple curiosité de connaître le fin mot de l’histoire, puisque dénouement il y a malgré tout, et qu’une question demeure tout le long, à savoir, qu’a-t-il bien pu arriver à Moira ? Cette curiosité n’a cependant pas été alimentée par un suspense haletant, mais uniquement par un mécanisme évident par lequel face à une problématique non élucidée je m’oblige toujours à suivre le raisonnement dans son intégralité.

Concernant le personnage principal Fabian, le père de Moira, que l’on accompagne tout au long du livre, la compassion qui aurait dû poindre en moi a été quasiment inexistante. Peut-être est-ce l’auteur qui, pour ne pas tomber dans le pathos, a fait l’impasse sur l’expression des émotions les plus triviales de son personnage que l’on s’attendrait à trouver dans une telle situation, comme la colère, la haine ou le désespoir. Puisque Fabian semble être sur la même tonalité émotionnelle entre la première et la dernière page, l’évolution de sa personnalité au fil des années et de l’avancée de l’enquête n’est guère marquante. L’avantage de ne pas sombrer en même temps que le héros de l’histoire est qu’ainsi l’intrigue préserve sa consistance et son intérêt pour le lecteur, qui n’est pas tenté de la mettre de côté pour se pencher sur les états d’âme des protagonistes. Mais, comme je l’ai souligné, l’intrigue manque cruellement de consistance. Le rythme est d’une lenteur extrême, l’enquête semble avancer à reculons, les indices sont minimes, les pistes se réduisent à une seule, qui s’avère rapidement ne mener nulle part, pour repartir sur une autre qui sera vite exploitée et nous conduira droit au dénouement.  Le suspense est ainsi très mal géré, le lecteur n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent et les pages défilent sans qu’aucun événement majeure ne vienne perturber le cours du récit. A aucun moment il n’est surpris, désarçonné, trompé ; comme si l’auteur souhaitait le préserver de la violence émotionnelle qu’une intrigue autour d’une disparition induit nécessairement, en lui apportant une histoire érodée, taillée à l’extrême pour ne garder que quelques éléments principaux. Mais cela ne fait pas un thriller, il y manque une dose d’action, de rebondissements, des personnages de caractère pour rendre l’histoire plus vivante, plus excitante.

Le plus grand rebondissement de l’histoire, le seul en réalité, arrive beaucoup trop tard, on ne l’attendait plus. Et puis tout s’enchaîne à une vitesse folle, comme s’il fallait clore le récit rapidement après que l’auteur avait assez tourné autour du pot. Une fois l’indice clé découvert, le héros suit la piste avec une facilité déconcertante, et en un claquement de doigt l’affaire est résolue. On peut dire que j’ai été déconcertée par ce rythme plutôt décousu, qui aurait mérité d’être allongé pour donner plus d’homogénéité à l’ensemble. Enfin, concernant le dénouement, le fin mot de cette histoire de disparition, « pourquoi pas » est ce qui me vient en tête. L’explication est intéressante, mais encore une fois, elle aurait été d’autant plus mise en valeur si elle avait été précédée par une enquête plus soutenue, plus intense, qui aurait alors sublimé le final. Or, ici, la platitude du rythme ne fait pas honneur à l’intrigue en elle-même et son dénouement, qui auraient certainement mérités un meilleur traitement

En outre, le résumé nous vend un roman où corruption et manipulation semblent être omniprésentes. Mais là aussi, la Police et les Médias paraissent bien complaisants. Fabian agit en solitaire et n’est pas trop inquiété, les méchants n’en sont pas vraiment, ils sont là pour faire illusion, mais l’on perçoit vite qu’ils ne seront pas des obstacles infranchissables à notre héros, qui s’en sort parfaitement. Fabian mène sa barque comme il l’entend, son parcours ne souffre d’aucune barrière, il est même aidé plus qu’il ne devrait. Alors, vous comprendrez que je ne me sois pas vraiment émue de son sort, et lorsque enfin il se retrouve confronté à celui qui a capturé sa fille, je n’ai pas ressenti une once de doute quant à l’issue probable.

On nous vend une capitale argentine vivante et belliqueuse, mais je n’ai pas retrouvé le dépaysement que j’attendais. L’intrigue aurait tout aussi bien pu se passer ici en France, dans une ville de taille modeste, cela n’aurait en rien altéré la teneur de l’histoire. Et même lorsque l’on suit le héros loin de Buenos Aires, dans une zone plus rurale et dépeuplée, je n’y ai pas trouvé l’ambiance inquiétante que de tels paysages auraient pu susciter. Moi qui recherchais dans ce roman une empreinte argentine forte, pour découvrir de nouveaux horizons, j’ai été plutôt déçue d’y trouver à la place une histoire où la localisation géographique ne jouait finalement que très peu. Les descriptions de l’environnement, que ce soit la ville ou la campagne, sont d’ailleurs vite expédiées, m’empêchant de visualiser correctement le décor, d’y poser les couleurs locales.

En conclusion, et il me paraît difficile à présent d’être élogieuse envers ce roman après avoir relevé autant de défauts, j’ai quand même éprouvé un certain plaisir avec cette lecture. Car au final, les choix de l’auteur sont d’une simplicité touchante, et nous changent des thrillers au rythme souvent trop saccadé où l’auteur souhaite en dire trop, ayant recours à un excès de rebondissements, et noyant son lecteur dans un flot d’informations dont seulement une infime partie lui est utile. Ici, nous suivons une enquête en douceur, nous permettant de ressentir d’autant plus l’absence pesante d’un être cher, la longueur des procédures, la pauvreté des indices et la difficulté à faire bouger les choses. Ce rythme se rapproche finalement plus de la réalité des disparitions, qui peuvent rester en suspens des années durant, jusqu’à ce qu’un indice vienne mettre du mouvement dans cette fixité pesante. Le jardin de bronze est à prendre ainsi, comme un récit qui colle au plus près du drame, sans excès de nulle part, tout en pudeur, en respectant un rythme cohérent car réaliste. Néanmoins, je regrette un manque d’approfondissement de la personnalité des personnages, et notamment du père de famille, qui aurait permis de relever le récit. Il ne faut peut-être pas trop attendre de cette lecture au risque d’être déçu par ce thriller qui n’en est pas vraiment un.

Et vous, du côté de la littérature sud-américaine, en novice que je suis, avez-vous des auteurs à me conseiller ?

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