Camilla Läckberg fait partie de ces auteurs dont je me précipite chaque année, ou tous les deux ans plutôt, pour acheter la dernière parution. Je l’ai découverte il y a huit ans à présent – déjà – avec La princesse des glaces, à une époque où le thriller noir, venu du nord, était nouveau pour moi. Puis, j’ai poursuivi les aventures d’Erica Falck avec toujours le même plaisir, bien que depuis mes critères se soient légèrement modifiés ; certaines faiblesses dans les intrigues me sont petit à petit apparues au regard des autres lectures du genre.

Résumé de l’éditeurOLYMPUS DIGITAL CAMERA

C’est le mois de janvier et un froid glacial s’est emparé de Fjällbacka. Une fille à demi nue, surgie de la forêt enneigée, est percutée par une voiture. Lorsque Patrik Hedström et ses collègues sont prévenus, la jeune fille a déjà été identifiée. Il s’agit de Victoria, portée disparue depuis quatre mois. Son corps présente des blessures qu’aucun accident ne saurait expliquer : ses orbites sont vides, sa langue est coupée et ses tympans percés. Quelqu’un en a fait une poupée humaine. D’autres cas de disparitions dans les environs font redouter que le bourreau n’en soit pas à sa première victime. De son côté, Erica Falck commence à exhumer une vieille affaire pour son nouveau bouquin. Une femme purge sa peine depuis plus de trente ans pour avoir tué son mari, un ancien dompteur de lions, qui maltraitait leur fille avec sa complicité passive. Mais Erica est persuadée que cette mère de famille porte un secret encore plus sombre. Jonglant entre ses recherches, une maison en perpétuel désordre et des jumeaux qui mettent le concept de l’amour inconditionnel à rude épreuve, elle est loin de se douter que pour certains, l’instinct maternel n’a rien de naturel…

Mon avis

Pour ceux qui n’en ont jamais lus, la particularité des romans de Camilla réside dans leur construction, toujours similaire. Nous suivons Erica, une femme écrivain, et son conjoint Patrick, inspecteur de police, au cœur d’une nouvelle intrigue sombre. Parallèlement, nous découvrons un récit du passé, se déroulant plusieurs décennies plus tôt, nous permettant d’éclairer petit à petit les événements venant semer le trouble dans la charmante ville côtière suédoise de Fjällbacka ; lieu où il ne fait certainement pas bon vivre malgré ses paysages particulièrement séduisants.

Le dompteur de lions ne fait pas exception. Cette particularité est-elle avec le temps, et après neuf romans, devenue un défaut ? Je serais presque tenter de l’affirmer. Mon avis oscille entre le plaisir nostalgique de retrouver les éléments qui m’ont immédiatement séduite en lisant Läckberg, et la fâcheuse impression de stagnation dans laquelle l’auteur s’englue avec satisfaction et de manière totalement assumée. La recette fonctionne pour qui la découvre ; mais pour les lecteurs de la première heure en quête de nouveauté je crains qu’elle ne soit devenue bien insipide.

Ainsi, en plus d’une structure narrative redondante d’un récit à l’autre alternant le passé et le présent, s’ajoute une étude de thèmes similaires, à savoir la famille et plus particulièrement la maternité, dans toutes ses contradictions et ses extrêmes. Je dois bien admettre que ce sujet me plaît, le traiter au travers du crime est toujours source de vives émotions ; l’auteure est sûre de toucher un public féminin facilement effrayé lorsqu’il s’agit de meurtres sordides frappant des familles tourmentées. Aussi, je n’ai pas été surprise de découvrir dans Le dompteur de lions une nouvelle exploration du thème, où le lien maternel est ici particulièrement mis à mal, les crimes touchant à l’abomination et les relations filiales se développant dans l’abject et l’immoral.

En dehors des éléments redondants, auxquels je m’attendais, ma déception a été amplifiée par l’intrigue en elle-même, son évolution et sa résolution. En effet, la mécanique met un certain temps à s’installer ; après la découverte du premier corps, une longue traversée désertique mènera le lecteur droit à un dénouement en partie prévisible. En réalité, l’histoire manque de sujets, de potentiels coupables pour noyer le poisson et semer le trouble dans l’esprit du lecteur. Pour ma part, il ne m’a guère fallu longtemps pour lever un pan du mystère. J’espérais davantage de personnages, mais l’auteur tourne autour d’un noyau solide constitué de six individus. Alors, l’on peut croire que c’est une manière de protéger le véritable coupable encore inconnu, mais il n’en est rien, la vérité se cache dans les pages de manière bien visible si l’on y prête attention.

De ce fait, l’enquête de Patrik et la brigade, à laquelle je porte un attachement de plusieurs années, s’avère creuse. Car, comme à son habitude, Erica est celle qui fait avancer les choses, par sa curiosité irritante mais essentielle. À chaque récit elle est là pour fourrer son nez dans les affaires de son conjoint, et par là-même de la police ; il ne faut pas lui en vouloir, elle est romancière donc naturellement fureteuse et possède une perspicacité peu commune. Néanmoins, je n’ai pas souvenir que dans les précédents récits le rôle de Patrik et consorts ait été si dénigré car d’une inefficacité indécente, ils sont en effet largement effacés par l’héroïne Erica. Cette fois-ci pourtant, la brigade s’enquiert officiellement de son avis sur la question, mais c’est un peu grossier tout de même ; à la rigueur je la préférais en loup solitaire, agissant dans le dos de son époux, c’était peu louable mais au moins amusant.

De plus, là où les analepses peuvent avoir une fonction intéressante, celle de plonger le lecteur dans les origines de l’intrigue principale en expliquant des relations, des comportements et des faits sinon troubles ; ici elles n’étaient pas essentielles, elles ne sont que la retranscription d’événements dont la découverte en fin de récit suffisait. Les retours en arrière se doivent d’être nécessaires et non de simples passages divertissants, sortes d’intermèdes au récit ; ou bien ils apportent un suspense supplémentaire si l’intrigue est pauvre, et ce n’est guère appréciable.

Enfin, et ceci est l’élément que je trouve le plus absurde, il me faut évoquer le mode opératoire du tueur, séduisant car profondément pervers. Les corps sont retrouvés affreusement mutilés ; la langue coupée, les yeux arrachés, les tympans explosés. Ceci est d’ailleurs un élément marquant du résumé, que le lecteur retiendra même s’il ne souhaite lire le roman. Aussi, j’ai entamé la lecture dans l’espoir que ce modus operandi comme on dit, soit exploité, qu’il constitue la clef de toute l’intrigue et son originalité tout en contenant l’explication déterminante et unique du passage à l’acte du meurtrier. Or, ces mutilations, pourtant fortement symboliques, sont rapidement oubliées ; l’auteur se concentre sur les victimes, leur environnement, et met de côté le seul élément concret pouvant aider à mettre la main sur le coupable. L’explication finale d‘un tel acharnement est légère, anecdotique ; nous n’en saurons pas plus, et c’est bien dommage. Aussi, je fais le triste constat que la violence des meurtres, pourtant décrite dans le détail, est seulement l’aspect spectaculaire du récit, elle marque les esprits mais ne s’inscrit pas dans la logique de l’histoire car anéantit le mobile du tueur ; il me semble que le mode opératoire est admis comme étant l’expression du fantasme originel du sujet.

En somme, dans Le dompteur de lions l’on reconnaît Camilla Läckberg, le lecteur ne peut s’y tromper ; s’il apprécie son univers, ses personnages et le décor suédois de ses intrigues il sera certain de trouver une source de satisfaction dans cette lecture. Ceci est mon cas malgré ma critique peu élogieuse, je continuerai à acheter ses livres, c’est bête à dire mais je m’y suis attachée, à l’héroïne surtout, à ses déboires de mère de famille et sa belle histoire avec Patrik. Cependant, après neuf romans je crois qu’il est peut-être temps de s’essayer à autre chose ; je ne suis pas loin de penser que l’auteure reste sagement dans sa zone de confort, certaine de conquérir son public, les nouveaux comme les plus anciens, conservateurs, en usant les mêmes ficelles ; il n’y a aucune prise de risque et je le regrette. Voilà pourquoi je n’ai pas envie d’être indulgente avec elle, ma critique ne l’est pas, car je ne souhaite pas encourager ce que je suis tentée de nommer de manière provocante de la fainéantise.

Je viens de relire ma critique de La faiseuse d’anges, sorti en 2014, je ne me souvenais pas avoir été aussi virulente ! C’est assez curieux comme les souvenirs s’adoucissent avec le temps. À l’époque j’étais totalement insupportée par Erica et sa niaiserie maternelle, alors qu’aujourd’hui je m’en divertis 🙂

Et vous, vous êtes-vous laissé tenter par la série de romans noirs signée Läckberg ?

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