Voici un roman déniché au hasard, sans vraiment y réfléchir ni même me renseigner à son sujet. J’avais envie d’un livre un peu sombre et me suis donc facilement laissé séduire par le titre et la couverture. Le fait qu’il ait reçu un prix n’a absolument pas été un critère dans mon choix.

Résumé de l’éditeurOLYMPUS DIGITAL CAMERA

1924, Tarn. Le diable rôde à La Vitarelle. Surgi de nulle part, il a déjà frappé deux fois. Sur la neige ensanglantée, nulle trace de pas. Quelque malédiction semble planer sur les Gresse, les plus gros fermiers du village… Appelé en renfort par la nouvelle institutrice, son amie d’enfance, le criminologue Martial de la Boissière découvre une communauté saignée par la guerre, rongée par ses fantômes. Martial devra dissiper les siens, au risque de perdre ses meilleurs pions…

Mon avis

Commencer une lecture sans attentes particulières est quelque chose que j’expérimente souvent car cela me permet d’éviter un sentiment déplaisant, la déception. J’aime beaucoup me lancer dans une histoire totalement neutre à mes yeux, et pour laquelle je n’ai lu ni avis, ni résumé.

J’apprécie tout particulièrement les enquêtes se déroulant dans des lieux reclus, si possible en pleine montagne, au cœur de villages isolés, où les habitants sont le plus souvent rigides et taciturnes, donnant au récit une ambiance pittoresque aux couleurs du passé. J’aime cette atmosphère où semble peser en permanence un lourd brouillard, où la météo est bien souvent capricieuse et où les personnalités sont aussi rugueuses que le paysage. Le fait que l’intrigue se déroule peu après la Première Guerre mondiale ajoutait ici une part de mystère et un ancrage historique idéal, laissant à l’auteur la liberté d’exploiter ce climat de peur où les plaies sont à vif. Le village de La Vitarelle, où se situe l’action, subit une « série » de meurtres, tous très différents dans leur mode opératoire, qui semblent être l’œuvre, pour la majorité des villageois, d’un fantôme.

Le début du livre nous raconte, dans un long prologue, l’enfance du personnage principal, Martial de la Boissière. C’est une chose plutôt rare mais que j’ai trouvée pertinente car cela nous apporte des éléments de compréhension sur les liens unissant ce dernier à son ancien professeur, un habitant du village décédé peu avant les événements qui nous intéressent, mais surtout à sa fille Camille, institutrice elle aussi, dont il est depuis toujours secrètement épris et qu’il va côtoyer durant toute l’enquête. J’ai beaucoup apprécié cet état des lieux initial, nous permettant de nous plonger en douceur dans l’histoire, et surtout d’apprivoiser le personnage principal avant que celui-ci n’entre véritablement en action.

Ainsi, ce roman comportait un certain nombre d’éléments propices à me faire passer un agréable moment. Je me suis facilement laissé emporter par l’ambiance pesante de ce village. En réalité, j’avais réellement envie de m’y perdre et de jouer le jeu, mais je n’ai pas été complètement satisfaite. En effet, les personnalités décrites, qui se devaient de coller parfaitement au décor, ne sont pas assez franches et travaillées; la dynamique du village est pauvre, il ne s’y passe rien, l’on croirait un village fantôme aux ruelles désertes. Le lecteur croise de temps à autre un ou deux villageois, un bref dialogue s’engage, puis on passe à autre chose. Deux lieux publics apportent un semblant de vie, le bar et l’école. D’autre part, je trouve tous ces « pantins » un peu trop gentillets à mon goût, il leur manque cette aigreur caractéristique des paysans, des gens de la montagne, ce rejet de l’étranger, cette mélancolie que l’on est susceptible de retrouver dans les caractères de l’après-guerre. Bien qu’il nous soit répété que la Guerre a marqué les esprits et a brisé de nombreuses familles, je n’ai pas perçu cette désolation dans les dialogues, qui sont légers et factuels. J’aurais souhaité que les traits soient plus accentués, pour ajouter du mystère à l’ambiance générale et nous donner quelques frémissements, quitte peut-être à tendre vers l’exagération. Les personnages manquent ainsi cruellement d’épaisseur. La famille Gresse aurait pu être davantage exploitée, car elle représente parfaitement la famille aux secrets bien enfouis, d’autant plus que c’est sur celle-ci que l’assassin semble s’acharner. Mais elle est aussi lisse que le reste. Même le coupable finit par nous arracher de la pitié, voire un semblant d’attachement, c’est vous dire. Car il est loin d’être le meurtrier sanguinaire et sans-cœur auquel l’on s’attend. Martial, lui, n’est pas antipathique, mais il est plutôt effacé et contraste fortement avec la personnalité bien marquée qui nous est décrite dans le prologue, celle d’un enfant turbulent, insolent et peu farouche.

Ce qui est étrange est qu’à aucun moment je n’ai cherché à déceler le coupable, à vraiment m’immiscer dans l’enquête. Je n’ai pas ressenti ce sentiment d’urgence et de danger imminent. Les échanges constructifs et déterminants pour la suite sont trop peu nombreux. Je n’ai pas tressailli, et encore moins craint pour la vie de notre enquêteur. Les meurtres, bien qu’atroces en soi, ne m’ont pas fait pousser des cris d’effroi, ils sonnent un peu faux, dans des mises en scène macabres qui ne sont qu’un leurre. En somme, il semblerait que l’intrigue se veuille très « technique », dans le sens où Martial est un enquêteur méthodique, calme, sûr de lui, procédant méticuleusement, mais elle délaisse petit à petit le climat lugubre et malsain du début.

Le dénouement nous est quant à lui très bien expliqué, nous ne pouvons guère reprocher une fin expéditive, à l’instar de nombreux romans du genre. Toutes les questions soulevées trouveront une réponse détaillée et c’est appréciable. Mais persiste l’impression d’avoir parcouru un livre « scolaire », efficace certes car suivant une trame logique et sans faux pas. Mais le rythme est incroyablement lent, les crimes sont peut-être trop peu nombreux, ce qui est le comble sachant que je reproche souvent un excès de meurtres. Disons que l’enquêteur semble stagner un long moment, et nous prédit une suite dans le projet macabre du coupable, mais qui tarde franchement à venir.

Concernant l’aspect historique du récit, qui est à souligner puisque ce roman a reçu le prix du polar historique, je ne l’ai pas trouvé plus pregnant que dans d’autres livres du même genre. La Grande Guerre est dans les esprits, et les personnages ont ce passé en commun certes, mais cette partie de l’Histoire n’a pas un rôle décisif ici.

Ceci dit, j’ai passé un agréable moment avec Le diable sur les épaules, puisque je suis tout de même restée suspendue au récit pour connaître le fin mot de l’histoire. Le dénouement est surprenant et profond, et vient presque remettre en question l’impression générale que je vous expose. Cependant il est divisé en plusieurs étapes, nous faisant croire à une conclusion pour finalement rebondir sur une autre, mais le lecteur se doute bien que la réelle fin n’est pas aussi simple. Je n’ai pas bien saisi l’intérêt de nous proposer ce cheminement, car le lecteur n’est pas dupe, il aura très vite compris que ce que nous expose l’auteur dans un premier temps n’est qu’une distraction, visant à condenser tout le suspense sur les dernières pages, alors qu’il aurait été plus judicieux de le distiller dans le récit.

Et vous, avez-vous d’autres polars historiques à me conseiller ?

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