Voici le roman de la sélection Exploratology du mois de juillet, qui change de ce qu’a l’habitude de nous proposer Marjorie. Son conseil était de ne pas lire la quatrième de couverture, car apportant un peu trop d’informations selon elle ; conseil que j’ai donc suivi, et qui effectivement s’avère pertinent. Donc, pour ceux qui seraient tentés, ne soyez pas trop curieux 😉

Résumé de l’éditeur (à lire ou pas 😉 )

Rebecca, brillante scientifique, refuse la demande en mariage de Val, journaliste people. Furieux, il est déterminé à se venger. Avec la Fondation morale, organisme de délation, il fait chanter Ritchie, le frère de Rebecca, un producteur à succès : s’il ne lui donne pas d’infos scabreuses sur sa sœur, il révélera sa relation avec une stagiaire de 15 ans ! Seriez-vous capable de trahir un être cher ?

Mon avis

Je suis bien embêtée avec ce roman; je me retrouve dans une posture que je déteste avoir lorsque je termine une lecture. En effet, je ne parviens pas à savoir si j’ai apprécié ou non ce livre. C’est un sentiment plutôt rare, qui arrive de temps en temps, mais qui a le mérite de me pousser dans des réflexions que je n’aurais certainement pas eues si mon avis avait été plus tranché. Et puis, ce genre de livre est souvent, de par justement son caractère ambivalent, plus mémorable que d’autres, non pour l’histoire en elle-même mais grâce à cette impression d’inachevé.

Le plaisir que j’ai eu à parcourir cette histoire est totalement indépendant de l’appréciation que je peux avoir de cette dernière. Si tel était le cas je serais moins indécise. Car il se trouve que j’ai rapidement accroché à l’intrigue et aux personnages. Néanmoins, je dois reconnaître que la mécanique est longue à se mettre en route, et que de longues pages sont peut-être superflues.

Arrivée à la dernière page, est venu se superposer à ce sentiment, un autre plus frustrant, qui est celui de ne pas savoir où l’auteur a voulu m’emmener. En fait, il me serait très difficile de résumer cette histoire, car je ne saurais absolument pas par quel bout la prendre. Ce roman a en effet plusieurs portes d’entrée, et de sortie.

On croit suivre un personnage, mais en fait l’auteur pointe son curseur sur un autre, puis revient sur le précédent pour mieux rebondir sur le suivant. L’on se demande alors, qui peut bien être le héros de notre histoire, car il en faut bien un, non ?

Le récit commence d’une manière tout ce qu’il y a de plus banal, rappelant d’autres livres déjà lus et relus. Nous avons un homme infidèle à la célébrité passée, instable et raté. Mais en réalité, c’est plutôt sa sœur sur laquelle l’auteur semble vouloir porter notre intérêt; ou alors son amant Alex ?

Le récit met en scène des personnages qui connaissent, ou ont connu à un moment donné de leur vie, la célébrité ou une gloire éphémère. Que ce soit dans le domaine de la musique ou celui des sciences.

Selon moi, le livre aborde des thèmes qui ne sont pas assez exploités. Il construit son intrigue autour d’un élément qui aurait fait un excellent sujet de thriller psychologique, mais ici on n’en est plutôt éloigné. Cet élément c’est le site internet de la Fondation morale dont l’unique but est de révéler chaque semaine un scandale touchant une personnalité du moment, tout en jouant par derrière sur les nerfs de cette dernière en l’embarquant dans un affreux chantage. En gros, soit elle accepte que soit diffusée une information privée sur elle, soit elle balance l’un de ses proches.

Le livre aurait été plus soutenu si l’intrigue avait plus joué avec cet ingrédient; car finalement c’est ce qui maintient le peu de suspense et motive au moins l’un des personnages, Ritchie. Mais malheureusement le lecteur est préoccupé par d’autres péripéties pour véritablement éprouver de l’intérêt pour ce que peut bien éprouver Ritchie. On oublie vite ce qui pèse sur ses épaules au profit d’un surinvestissement de la vie amoureuse de sa sœur, Bec, avec Alex, l’un des anciens membres de son groupe, devenu scientifique à son tour.

J’ai donc essayé de rapprocher tous les éléments qui composent cette histoire pour en tirer matière à réflexion, pour savoir ce que l’auteur a souhaité transmettre à ses lecteurs, mais je dois admettre que je peine beaucoup à extraire une substance pertinente, et je n’arrive pas à me dépêtrer de cette impression de fouillis, c’est dommage. Car, toutes les histoires de second plan ont leur intérêt, et j’ai été accrochée aussi bien par les états d’âme de Bec, par les problèmes de fertilité d’Alex et ses questionnements sur la paternité, par l’aspect scientifique du livre à travers les recherches de Bec et Alex, par la nostalgie et la jalousie de Ritchie, par l’univers de la presse à scandales etc… Mais voyez-vous, les liens entre tous ces éléments sont trop ténus, et en vous en parlant je trouve cela d’autant plus absurde de les avoir mixés ensemble. Mais après tout, nous avons ici la vie dans ce qu’elle a de plus ambivalent, complexe, hétéroclite. L’auteur a souhaité nous en dire trop dans un désir de composer un tableau le plus large possible, en suivant trop de fils en même temps; il aurait dû se contenter de son idée initiale et rester centré et concentré sur le personnage de Ritchie, qui est celui grâce à qui tous les autres personnages se rencontrent. Car, je dois dire que mon souci est que j’ai du mal à investir trop de personnages en même temps. Je me sens alors frustrée car j’ai l’impression d’être passée à côté d’un certain nombre d’éléments, ici c’est l’aspect « thriller psychologique » du récit qui m’a échappé, en m’attardant sur la relation entre Bec et Alex. J’avais le sentiment qu’il se passait des choses dans la vie d’autres personnages pendant que le lisais certaines pages, mais qu’il m’était impossible de savoir quoi.

De plus, quelques scènes me sont apparues hors sujet, comme n’ayant pas leur place en n’apportant absolument aucune avancée au récit, et dont la présence reste un très grand mystère pour moi. Gardons la substance même du livre, que reste-t-il ? Pas grand-chose, car ce qui aurait dû être plus exploité a été traité en vitesse, alors que d’autres éléments ont été surinvestis.

Ce livre a de nombreuses facettes qui le rendent plutôt singulier. Mais le lecteur aura du mal à trouver un point d’ancrage pour aborder l’histoire correctement. J’ai essayé de me mettre à la place de l’auteur, en me posant ces questions « Sur quoi je veux que mon livre porte ? Quelle histoire ai-je envie d’écrire ? », en empruntant le chemin inverse. Il est impossible pour moi d’y répondre, c’est trop flou. Et ne pas connaître les motivations et ambitions de l’écrivain est frustrant et gênant.

Dans ce livre la diversité des thèmes abordés offre une voie d’accès à l’expression d’idées très fortes, des oppositions, des prises de position, notamment sur : les limites de la science (l’immortalité, la lutte contre les grandes maladies que sont le cancer et le paludisme), le pouvoir de la presse et la manipulation des masses, la procréation et la paternité, la religion et ses extrêmes, l’éternel affrontement entre la science et la religion dans toutes les grandes questions philosophiques, la gloire et la célébrité, les addictions (au sexe, aux drogues), la grande richesse et l’extrême pauvreté.

Les thèmes abordés sont extrêmement costauds, et je me suis étonnée de certaines prises de position de l’auteur, qui ne sont absolument pas cachées. Certaines réflexions sont pertinentes, lorsque d’autres sont un peu trop édulcorées. Mais alors, l’auteur aurait-il écrit cette histoire uniquement pour rassembler dans une pseudo-intrigue les sujets qui le chatouillent ? Car regrouper toutes ces problématiques dans un seul livre représente un pari plutôt périlleux. Et ici, ça ne me semble pas particulièrement réussi. A quoi bon vouloir aborder autant de sujets si ce n’est que pour les effleurer ?

Je souhaiterais pointer du doigt l’amour et ses formes diverses que l’on retrouve dans ce roman. Je dois dire que les facettes de l’amour qui nous sont présentées ne transpirent pas le bonheur et l’épanouissement. Les personnages sont tous profondément seuls, bien qu’évoluant ensemble ils sont animés par des motivations souvent opposés. On ne trouve pas d’amour véritable, désintéressé et porteur d’espoir dans cette histoire. En effet, l’amour parental est bafoué, désabusé, manipulé, conditionné; l’amour fraternel est intéressé, renié, mis au second plan; l’amour conjugal est trahi, trompé et trompeur (la relation entre Alex et Bec est stéréotypée à l’extrême, mais sera rapidement entachée); l’amitié est inexistante ou alors utilisée pour de mauvaises fins. Vu sous cet angle, le tableau paraît bien sombre. Mais tout est fait pour nous donner l’illusion d’un certain libre-arbitre qui ferait que les personnages seraient entièrement décisionnaires de leurs choix alors même que les conséquences de ces derniers, qui sont plutôt néfastes, paraissent malheureusement évidentes. Dans de telles conditions, comment éprouver de la compassion pour les malheurs des uns et des autres ? Il semblerait que tout soit joué d’avance et doive se produire d’une certaine manière. Le lecteur est ainsi pris au piège d’une neutralité volontairement induite et cultivée par l’auteur, l’empêchant de condamner, voire même de juger les actes odieux des personnages. Certains, d’ailleurs, ne semblent être là que pour représenter des positions extrêmes, en tenant des propos virulents.

Le livre a de la matière pour être analysé, je m’en rends compte. Mais si l’on se contente de l’intrigue en elle-même, elle est plutôt fade. L’auteur n’a pas bien mesuré le contenu de son récit, et le déséquilibre est évident entre la « forme », à savoir la manière dont les personnages évoluent dans l’histoire, et le « fond », les réflexions autour des problématiques dont je vous ai parlées plus haut. Est-ce que ce livre aurait pour autant pu être meilleur ? Oui, selon moi, si l’auteur s’était restreint dans ses choix, et s’il avait détaché son intrigue de cette leçon sur la morale (et non pas leçon de morale, nuance). Car c’est de cela dont nous parle ce roman. A travers tous les sujets abordés, l’éthique et la morale sont omniprésentes.

Avec ce que j’en dis, cela pourrait paraître évident que mon indécision quant à mon appréciation de ce roman n’est qu’apparente. Mais non justement, car cette indécision persiste tant bien que mal. Peut-être est-ce là où l’auteur a souhaité emmener son lecteur ? Dans un état de neutralité et d’indécision face aux morceaux de vie qui nous sont présentés et qui sont le reflet de notre société actuelle, ne nous obligeant ni à choisir, ni à porter un jugement, ni à sombrer dans la critique facile. Pourtant, ce n’était pas chose aisée en abordant des thèmes aussi sujets à controverses.

Je ne sais guère si cet article sera pertinent, j’ai l’impression de m’être perdue moi-même dans ce que j’ai souhaité vous en dire. Vous excuserez mon manque de clarté, mais ce roman m’a donné du fil à retordre.

Et vous, avez-vous déjà lu des romans pour lesquels il vous est impossible d’émettre un avis  tranché?

 

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