Après mon coup de cœur pour Le Congrès, je m’étais promis d’aller plus loin dans ma découverte de Jean-Guy Soumy. J’ai ainsi fait l’acquisition de deux de ses romans, dont La Tempête, récit qui se déroule durant la catastrophe de décembre 1999. C’est un épisode qui aura, au-delà du drame qu’il représente, au moins servi à nourrir l’imagination de quelques écrivains (souvenez-vous  de Pierre Lemaitre).

Résumé de l’éditeurdav

Une tempête. La grande tempête du 27 décembre 1999 sur le plateau de Millevaches. Gracce, jeune avocate d’affaires new-yorkaise, et son mari Christopher traversent en voiture des forêts ravagées. Leur véhicule bascule dans un ravin. Christopher est blessé, Grace part chercher du secours. Elle arrive à une vieille ferme fortifiée où elle fait la connaissance de Thomas, le maître des lieux. Rencontre prédestinée ?

Mon avis

Cette lecture a été en tous points différente de la précédente. J’ai été désarçonnée car je n’ai pas retrouvé l’intégralité de ce qui composait mon avis si enthousiaste. Dans le même temps, j’ai été surprise par d’autres éléments auxquels je ne m’attendais absolument pas de la part de l’auteur, dont je ne connais pourtant qu’une infime partie de l’œuvre.

L’histoire tout d’abord, elle est simple comme bonjour. Un couple d’américains se retrouve pris au piège de la tempête de 1999. La voiture accidentée est irrécupérable, le mari est blessé et doit être soigné au plus vite. L’épouse déniche dans le chaos ambiant Thomas, un rustre campagnard, hirsute, taiseux, à la carrure imposante, énigmatique et flegmatique. Les américains sont condamnés à passer quelques jours dans sa sinistre demeure, sans eau ni électricité, en attendant que la situation, dramatique à l’échelle nationale, se décante.

Je vais passer sur le fait que dès les premières pages on entrevoit la suite comme à travers une vitre immaculée. La rencontre entre Grace et Thomas est peut-être trop abrupte, trop rigoureusement froide et incongrue pour ne pas dès lors devenir l’intrigue principale de l’histoire. Ensuite, c’est un chemin classique vers une certaine prise de conscience chez l’une et chez l’autre, vers un rapprochement des corps et des esprits.

Nous avons d’un côté un couple à la dérive, sans grand intérêt, l’on aperçoit pour eux le début de la fin, de l’autre une figure colossale qui a tout à étaler, Thomas, et qui, par sa simple présence, écrase le mari impotent, dont nos deux futurs tourtereaux vont être rapidement débarrassés par hélitreuillage.

Le personnage de Grace mériterait que l’on s’y attarde. Avocate aux dents longues, peu farouche et condescendante, elle fait tache dans le décor. Tout chez elle insupporte, elle joue à l’américaine privilégiée, observant  cette campagne française comme un décor de Playmobil qu’elle balaie d’un coup de pied, elle se complet dans son rôle d’étrangère. Elle mettra un temps affreusement indécent à admettre que la situation est en suspens pour tout un pays et non uniquement pour sa petite personne. Exigeante, elle ne tolère pas l’attente, ni l’incertitude. Aussi, à trop vouloir diriger son petit monde, elle se retrouve bien incapable face à des locaux qu’elle ne parvient pas à effrayer. Les talons aiguilles au cœur d’une tempête ça ne fonctionne pas vraiment.

J’hésite entre qualifier son caractère de franchement exagéré ou bien constater qu’en entrant en total dissonance avec l’environnement dans lequel elle se trouve empêtrée il constitue le point d’accroche de l’histoire. La Tempête est ce genre de récit qui repose sur la divergence entre deux personnalités, sur l’incompatibilité apparente entre deux individus. Plus ces derniers se situent à l’extrémité de leur catégorie (ici, la new-yorkaise, là, le montagnard), plus leur rapprochement sera laborieux, et, inévitablement, aussi bref que passionnel.

La sauce prend malgré la trame cousue de fil blanc qui ne laisse place à aucune surprise. L’atmosphère chaleureuse et familiale qui se dégage des lieux m’a prise dans son filet et m’a rendue plus tolérante face à un récit peu novateur. Le rythme lent et étouffé, du fait de la neige, du paysage lunaire et de l’attente qui gangrène toute la région, permet aux dialogues de prendre forme et de jouer leur véritable rôle. Ce sont des petits riens qui dessinent l’histoire, celle d’une rencontre peu commune. Ces petites choses sont exposées à travers les mots des principaux acteurs, le contexte inédit qui confine les êtres et l’interprétation des pensées profondes de Grace, dont l’évolution est aussi progressive que cohérente.

C’est donc en cela que Jean-Guy Soumy m’a étonnée. Avec Le Congrès il avait su créer une intrigue originale, autour d’un drame intime et scandaleux ancré dans un contexte historique précis. Ici, je n’ai retrouvé ni la solennité du thème, ni la poésie dans les personnages, ni l’intensité majeure de l’action. Ce sont au final deux romans que rien ne rapproche.

Dans La Tempête il n’y a guère de scène marquante. C’est une histoire classique, avec des personnages caractéristiques frôlant parfois le cliché, que nous déroule l’auteur ; l’idée d’une romance sur fond de catastrophe naturelle.

Je vais vous dire, La Tempête m’a grandement fait penser à Les gens heureux lisent et boivent du café, parfois de manière troublante. J’ai constaté que les mêmes sujets sont repris. Thomas est le double français d’Edward, la vieille Louise et Abby forment une seule et même figure, la perte d’un enfant y est évoquée, les histoires évoluent sur un rythme identique et les finals laissent les deux amants dans la même posture. L’histoire entre Grace et Thomas se déroule sur un sol reprenant les aspérités que piétinent leurs cousins littéraires. Bref, les similitudes sont, je trouve, assez embarrassantes (je pourrais aussi parler du chien).

Ce parallèle m’a peut-être empêchée d’apprécier pleinement ce récit, pourtant j’affirme sans aucun doute que le roman de Jean-Guy Soumy m’a autrement charmée que celui d’Agnès Martin-Lugand. L’écrivain possède une plume nettement plus travaillée, son vernis est moins naïf, ses idées sont davantage pertinentes.  Mais à rechercher les ressemblances, et surtout à retrouver le même esprit, j’ai du mal à en parler comme s’il représentait pour moi une histoire neuve, puisque ma lecture a eu un goût de réchauffé. Je suis bien désolée d’en faire le constat. Est-ce pour cela que j’éprouve une si vive déception si je compare avec la lecture du Congrès ? Oui, et non. Car, je ne peux raisonnablement pas ranger ces deux récits dans le même panier. Et puis, si je n’avais lu le livre d’Agnès Martin-lugans je n’aurais pas été davantage exaltée. J’espère renouer avec mes émotions passées en lisant prochainement Le Silence.

Et vous, vous est-il déjà arrivé de lire un roman vous rappelant étrangement une précédente lecture ?

 

 

 

 

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