Encore un petit nouveau de la Rentrée Littéraire. J’étais jusque-là plutôt contente de mes choix. J’ai fait une sélection certes restreinte mais efficace, en m’orientant uniquement vers ceux pour lesquels je me suis dit « il faut que je le lise ».

J’ai dû évoquer avec vous mon « attrait » pour les tueurs en série, et donc les thrillers, les romans sombres, les plongées dans les âmes les plus tourmentées etc.  Alors quand un livre aborde une histoire réelle dont tout le monde a entendu parler mais en se plaçant du côté du personnage le plus ambivalent et complexe de l’affaire, il est fait pour moi. Il s’agit de Monique Olivier… Monique Fourniret, l’épouse de « l’Ogre des Ardennes » qui a commis des crimes atroces durant plus de quinze ans entre la France et la Belgique…

Résumé de l’éditeur

« Ce que je vais vous raconter ne s’invente pas. »
22 juin 2004. Après un an d’interrogatoires, Monique Fourniret révèle une partie du parcours criminel de son mari, « l’Ogre des Ardennes ». Il sera condamné à la perpétuité. Celle que Michel Fourniret surnomme sa « mésange » reste un mystère : victime ou complice ? Instrument ou inspiratrice ? Mésange ou ogresse ?
Quoi de plus incompréhensible que le Mal quand il revêt des apparences humaines ?
En sondant les abysses psychiques de Monique Fourniret, en faisant résonner sa voix, jusqu’au tréfonds de la folie, dans un face à face tendu avec les enquêteurs qui la traquent, ce roman plonge au coeur du mal pour arriver, par la fiction et la littérature, au plus près de la glaçante vérité.

Mon avis

Je ne m’attendais pas vraiment à ça. Je pensais lire un récit réel autour de la personnalité de Monique Fourniret. Je ne me suis pas renseignée plus que de rigueur. Je m’étais dit que l’auteur avait dû s’entretenir avec elle, ou des psychiatres, ou que sais-je encore. Mais ce n’est pas tout à fait le cas… Non c’est tout autre chose, c’est un texte schizophrène et pas totalement assumé que nous propose l’auteur.

Tout d’abord dès le prologue j’ai été perplexe. En effet, l’auteur annonce à la fois l’aspect fictif de son récit et sa transparence quant aux faits véridiques, aux personnages clefs dont il ne tait pas le nom. Où se situe-t-il donc sur la ligne séparant le réel de la fiction sachant que Michel et Monique Fourniret restent Michel et Monique Fourniret ? Étrange manière de présenter le texte… Étrange manière de créer le texte aussi. Comment une telle construction est-elle possible ?

J’ai donc commencé ma lecture désarçonnée. J’aime que les choses soient claires. Soit c’est inventé, soit c’est réel, la demi-mesure me dérange. C’est un peu trop facile de dire « Ceci est basé sur la réalité, mais c’est de la fiction ». Dans ces cas-là on redéfinit tout, on change les noms des personnages, des villes, on recrée une chronologie tout en respectant l’essence du vrai, à savoir les crimes et la personnalité du tueur. Mais préserver autant d’éléments finalement peu constitutifs de la moelle de l’affaire est louche.

Ce roman, puisque l’auteur voulait qu’il soit tel, se compose de plusieurs brèves parties faisant entendre plusieurs voix. Nous suivons d’un côté une équipe d’enquêteurs, principalement le commissaire, un homme en perdition, en déchéance physique, le flic de roman noir dans toute sa splendeur, quoique son épouse étonnamment complaisante vienne briser le tableau sinon ultra lugubre du personnage. Ensuite, nous sommes dans la tête de Monique, à travers de longs passages monotones et répétitifs où elle se livre sur sa vie de couple avec Michel, sur ses interrogatoires, sur sa peur. C’est une introspection creuse. Puis il y a la retranscription des auditions en tant que telles, celles de Monique uniquement. Et enfin, les crimes. Je dois reconnaître que pour ces derniers la chronologie est astucieuse, nous remontons le temps, partant des enlèvements les plus récents pour revenir vers le commencement. Les scènes se ressemblent tristement. Michel aborde une jeune fille, débite un discours évoluant peu au fil des années, elle monte dans sa camionnette et il fait son affaire.

Ce roman on en connaît la fin, forcément. Aussi, son intérêt résidait selon moi non dans l’enquête policière, qui est somme toute banale, mais dans la personnalité de Monique. C’est d’ailleurs le sous-titre du livre. Pourtant, celle-ci est aussi mince que du papier à cigarette. Les interventions de l’épouse de Michel Fourniret sont d’une part trop peu nombreuses, extrêmement répétitives et surtout mal rédigées. L’auteur a voulu liquéfier son discours pour endormir le lecteur, il fait donc l’impasse sur une ponctuation conventionnelle. Ça bafouille, ça revient sans cesse sur ses idées, ça en ressasse d’autres.

Monique se questionne, on l’a bien compris, je crois que ceci est dit des centaines de fois. Monique est perdue, tiraillée, elle doit se taire, ce qui lui demande un effort considérable. Mais le fond de ce qu’elle est reste irrémédiablement vide. Elle nous est décrite dans l’après, dans le temps de la mise en examen de Fourniret, dans cet état de détresse. Elle devient alors bien imbécile, elle fait l’idiote. Monique c’est une coquille vide, elle est abrutie, ça s’arrête là. Tout ça pour ça donc ? C’est une analyse peu aboutie tout de même.

Je crois que pour le coup c’est la personnalité de Michel qui est le plus mise en exergue. Il faut dire, c’est un sacré personnage, il en impose ; alors à côté Monique fait bien pâle figure. Elle sert d’ornement pour mieux porter les projecteurs sur son époux. Mais, cela ne devait-il pas être l’inverse ?

Concernant les passages qui reconstituent les enlèvements, comme je l’ai souligné ils se ressemblent plus ou moins tous. À ceci près qu’au commencement Monique était de la partie, elle avait un vrai rôle à jouer, avant d’être peu à peu mise à l’écart par le véritable meurtrier. Une fois que l’on a compris le mécanisme du couple et le comportement de l’épouse, on se lasse bien vite. D’autant que l’auteur use des mêmes termes et expressions pour décrire le rapt, puis le viol, puis le meurtre. Cette répétitivité écœure car elle fait écho à la réalité des faits, elle décrit une organisation du crime machiavélique et affreusement banale ; mais écrire dix fois la même scène était-ce vraiment nécessaire ?

De répétitions il y a jusque dans le quotidien du commissaire. Combien de fois dit-il « il me faut une sèche » (comprendre cigarette) ? Combien de fois se plaint-il de sa santé, évoque-t-il son médecin qui va l’enguirlander ? Combien de fois se prend-il une chope? C’est incroyablement lourd.

Et puis il y a la fin, qui n’étonnera pas puisque l’auteur suit à la lettre le déroulé de la véritable enquête. Néanmoins dans les dernières pages, de manière brève et succincte, comme une idée fugace et volatile, une hypothèse, une théorie sur la personnalité de Monique est émise. Et si… ? Cette hypothèse est loin d’être stupide, infondée. Mais, deux choses. Tout d’abord, pourquoi la jeter dans le texte comme une vulgaire pensée peu digne d’intérêt ? Puis, pourquoi développer tout le long exactement l’inverse de ce que laisse suggérer cette théorie, pour ensuite repositionner les pions et abandonner le lecteur avec des questions pour lesquelles il attendait justement des réponses ?

À vouloir suivre une ligne droite entre le trop réel et la fiction, l’auteur ne prend aucun risque ; c’est linéaire, c’est la retranscription des faits tels qu’ils se sont produits, sans plus de détails. Alors que l’auteur disposait d’un boulevard qu’est la personnalité de Monique Fourniret pour reconstruire une histoire, il radote, tourne autour de ses idées, ne s’éloigne jamais, ose à peine la faire parler, elle, son personnage principal, l’objet de son roman.

C’est un peu facile de jouer sur son silence durant les auditions, silence d’ailleurs excédant,  pour dresser son portait. Portrait, qui, je le répète est anéanti à la toute fin par la seule supposition osée du roman. C’est ce qui aurait dû constituer le début du texte et non son dénouement.

Malgré le fait que j’aie lu ce roman avec facilité, je me retrouve comme devant La Maladroite d’Alexandre Seurat. J’avais condamné le peu de travail de création de l’auteur, et la facilité de reprendre un fait divers sans s’en éloigner. La chose est toujours complexe, j’en conviens, mais autant tout réinventer si ce n’est pour assumer que, non, ceci n’est pas un roman.

Je l’ai terminé par désir d’en finir surtout, ce rythme régulier fait de ressassements est parvenu à maintenir mon attention. Je ne sais toutefois ce que j’en attendais.

La mésange et l’ogresse est décevant. Je crois que je vais mettre de côté pour un long moment ce genre de roman pour ne me tourner que vers la fiction. Quand j’aurai envie de vérité je m’orienterai vers des approches purement analytiques.

Et vous, ce genre de récit à mi-chemin entre la fiction et le documentaire vous attire-t-il ?

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