J’ai reçu ce livre dans ma boîte aux lettres dans le cadre des Matchs de la rentrée littéraire de PriceMinister. Je les remercie pour cet envoi. Ce roman est très présent sur la toile depuis sa sortie, de nombreux avis sont parus sur les blogs, tous largement positifs d’ailleurs. Je suis bien contente d’avoir ainsi eu l’occasion de le lire, d’autant plus qu’il s’agit du premier livre de l’auteur, ce qui représente toujours une expérience inédite. La maladroite est largement inspiré par l’histoire tragique de la petite Marina Sabatier. Il se lit d’une traite, tout du moins je vous conseille de ne pas faire de pause, car il est très court.

Résumé de l’éditeurOLYMPUS DIGITAL CAMERA

Diana, 8 ans, a disparu. Ceux qui l’ont approchée dans sa courte vie viennent prendre la parole et nous dire ce qui s’est noué sous leurs yeux. Institutrices, médecins, gendarmes, assistantes sociales, grand-mère, tante et demi-frère…

Mon avis

J’ai aimé ce livre. J’ai plongé dans l’histoire de manière facile et évidente; il ne m’a pas fallu faire le moindre effort pour être saisie par le drame qui nous est raconté. La structure du récit favorise cette immersion, puisqu’il est composé d’une alternance dans les prises de parole des différents protagonistes de l’histoire, la grand-mère, la tante, l’institutrice etc. Les paragraphes sont courts, les interventions s’enchaînent, les positions alternent. Le lecteur est pris dans ce chassé-croisé de ressentis et de descriptions des faits. Ainsi l’auteur déroule son histoire à travers ces discours, qui sont construits et écrits de la même manière et dans le même style, ce qui est surprenant et altère l’individualité du personnage concerné.

L’histoire est très simple en soi, presque trop banale, et ceci en est d’autant plus effrayant. Elle débute par la disparition d’une petite fille, Diana. L’on revient brièvement mais de manière efficace sur l’enfance de sa mère, pour ensuite suivre la sienne à travers son parcours scolaire chaotique, au grès de la maltraitance qu’elle subit à la maison. Le début de la vie de Diana a été particulièrement éprouvant; elle est d’abord née sous X pour être récupérée par sa mère quelques semaines plus tard. Sa courte vie sera ensuite marquée par la solitude, le rejet des autres et la violence physique qu’elle tente de camoufler avec sa naïveté d’enfant, soumise aux injonctions parentales lui interdisant de faire la moindre allusion à ce qu’elle endure au quotidien.

La maladroite est une condamnation non dissimulée des procédures judiciaires de protection de l’enfance longues et fastidieuses en France; ces dossiers qui sont trimballés d’un bureau à un autre, pour n’être jamais complètement traités, et qui finissent au fond d’un placard parmi tant d’autres. Le lecteur connaît la fin, tout du moins il la pressent, la craint, et cette lenteur dans l’administration ne fait qu’ajouter à la colère et au sentiment d’impuissance ressentis face à un tel drame. Car, au milieu de tout cela il y a cette petite fille, qui n’est pas particulièrement attachante, dont on ne sait presque rien, et ce mystère participe au tragique de la situation. Nous n’avons pas besoin d’en savoir plus, réduire Diana à une enfant de 8 ans est suffisant pour l’auteur dans ce qu’il souhaite transmettre.

Le rythme, et surtout la longueur restreinte du texte, participent fortement au sentiment d’impuissance que ressentira inévitablement le lecteur au fil des pages. J’ai eu l’impression de parcourir un fait divers comme on en trouve régulièrement dans les journaux, dans toute son odieuse retranscription factuelle.

Ce livre accède à la hauteur de son ambition, puisqu’en peu de pages il m’a secouée et bousculée dans ma confortable position de lectrice. En effet, face à ces mots glacials, ce récit distancié et ce drame abordé dans sa manifestation la plus visible, à savoir la scolarité d’une petite fille maltraitée, je n’ai pas pu rester insensible. Cela dit, il n’est guère difficile de susciter des émotions lorsque l’on aborde la maltraitance parentale sur un enfant. Le lecteur se sentirait presque coupable d’avoir pu, à un moment ou à un autre de sa lecture, minimiser les actes en ne prenant pas pleinement conscience de l’ampleur des horreurs subies par Diana, dont le corps est porteur des lourdes traces, brûlures,  bleus et autres coupures.

Nous sommes spectateurs, tantôt écoutant le récit de l’institutrice, tantôt celui des gendarmes ou de l’assistante sociale. Le drame se teinte d’un pathétisme révoltant puisque l’entourage de Diana a tout fait pour la sauver, pour lever le voile sur son quotidien familial, secouant les services de protection de l’enfance, relevant et notant les traces physiques sur son corps, la questionnant sur ces dernières. L’auteur nous expose des personnages qui agissent, qui se questionnent de manière active. On ne peut donc pas reprocher l’aveuglement de l’entourage, qui souvent est une accusation évidente et facile dans de telles situations familiales. Mais malgré cela, face à la lenteur aberrante des procédures judiciaires, la petite Diana n’est pas seulement la victime de ses parents, mais aussi celle de la société.

Néanmoins, bien que la lecture m’ait troublée, je ne peux reconnaître à ce livre un talent particulier, puisque l’auteur n’élabore ni ses personnages, ni son histoire, ni sa plume. Le texte a dû être délicat à écrire uniquement en raison du sujet traité. La maladroite n’est pas un grand roman, ni même un bon livre. A vrai dire, il est difficile de le qualifier; une expérience à vivre d’un drame qui se joue quotidiennement en France et ailleurs. L’auteur nous présente son histoire comme telle, il ne cherche pas à la romancer, il ne s’embarrasse pas de détails, et ne donne guère de consistance aux personnages. Ainsi, il met en scène une grand-mère, une mère, un frère, sans prénoms, sans véritables identités; mais cela est suffisant pour tisser les mailles d’un drame familial. Car en réalité, cette histoire pourrait être celle de n’importe quelle petite fille. L’auteur fait le choix de réduire l’environnement à des lieux publics comme l’école ou le commissariat, la maison familiale n’étant qu’évoquée. De plus, il ne donne pas la parole aux parents de Diana, hormis une réplique de la mère qui fait frémir car elle nous montre toute l’absurdité du raisonnement et le machiavélisme avec lequel le couple parental tente de camoufler la réalité, s’enfonçant davantage chaque jour dans un mensonge qu’ils alimentent avec une perversité toute calculée : « Sa peau marque tellement du fait de sa maladie qu’on va finir par croire qu’elle est battue. ».

L’auteur a choisi de traiter un sujet délicat d’une manière qui va à contre-courant d’une littérature plus classique. Le récit est moins romancé, moins contextualisé, moins sentimental. Il nous présente un drame à l’état brut, sans artifices, suscitant les émotions par la seule horreur de ce qui se joue, elle-même amplifiée par le silence qui plane autour. Il n’était pas besoin d’en faire plus dans une démarche de retranscription pure, car c’est de cela dont il s’agit. Mais je m’interroge sur la qualité d’un roman reposant uniquement sur du factuel. Je suis partagée entre la brutalité de l’œuvre et son atroce réalité, et ma frustration induite par l’impression de ne pas avoir lu un véritable roman, avec une trame nette et une plus grande application dans la peinture des personnages. Peut-être aurais-je ressenti des émotions moins vives si l’histoire avait été racontée de manière plus approfondie, plus fictionnelle; mais le romanesque, qui manque ici, m’aurait apporté un regard certainement davantage nuancé et une palette d’émotions plus variées.

Et vous, ce livre vous tente-t-il ?

 #MRL15 #PriceMinister.

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