Au même titre que ma précédente lecture, voici un roman déniché en recherchant des livres de poche. Cette fois-ci c’est le résumé uniquement qui m’a décidée. Cela faisait longtemps que je n’avais lu une histoire de disparition.

Résumé de l’éditeurOLYMPUS DIGITAL CAMERA

Un fait divers dans une banlieue résidentielle de Boston passionne les médias. Sandra Jones, jeune maîtresse d’école et mère modèle, a disparu. Seul témoin : sa petite fille de quatre ans. Suspect n°1 : son mari Jason. Tente-t-il de brouiller les pistes ou cherche-t-il à protéger sa fille ? Mais de qui ?

Mon avis

Nous avons là un thriller d’une redoutable efficacité, dans sa construction, dans la psychologie des personnages principaux, dans la tension distillée à la pincette. L’histoire repose sur des faits classiques ; Sandra, une jeune mère de famille, disparaît mystérieusement, aucun corps n’est retrouvé, sa fille était présente dans la maison, son mari au travail. Ce dernier est donc logiquement le principal suspect. Nous suivons le fil de l’enquête, non du côté des policiers, mais du côté des suspects, Jason en tête, suivi d’un voisin, fiché pour agression sexuelle sur mineur. En parallèle, Sandra se livre, la rencontre avec le père de sa fille, ses étranges découvertes à son sujet, ses questionnements et inquiétudes, mais aussi sa vie parallèle, en pointillée mais terriblement sinistre. Le schéma n’est pas explosif, à priori tout ceci sent le réchauffé.

J’ai retrouvé du Gillian Flynn avec Les Apparences. La structure est similaire. La figure du mari taiseux, troublant et insondable aussi. De même, l’on s’interroge sur l’épouse, la disparue, celle que tout le monde semble apprécier, porter aux nues, la mère de famille parfaite. En somme, nous naviguons au cœur d’un couple aux nombreux secrets, qui nous seront révélés au fur et à mesure. Jason est selon moi le personnage le plus réussi. L’auteure est parvenue à créer entre lui et le lecteur un lien étroit fait d’ambivalence, mêlant doute et étrange sympathie. Il nous file entre les doigts, son attitude est en décalage complet avec le drame, il se met la police à dos, ouvertement, outrageusement, avec un naturel déconcertant. Jason est un être complexe. Des bribes de sa personnalité nous sont offertes à travers le récit de son épouse. Il est inquiétant dans sa relation avec Sandra, relation qui elle-même nous échappe. Les deux semblent évoluer en parallèle, sans jamais se croiser, mais pourtant ils forment un couple, quelque chose les maintient, les empêchent de partir complètement à la dérive, et ce ne peut être uniquement leur fille. C’est un amour atypique qui nous est décrit, un amour blessant, éprouvant, que l’on a envie de condamner tant il nous fait peur. Et pourtant, au lieu de détester l’un ou l’autre, j’ai été partagée, prête à tout entendre, car j’ai voulu comprendre. La clé de l’énigme réside dans leur modèle familial, dans leur mécanique de fonctionnement, cela ne faisait aucun doute.

Puis nous apprenons qu’ils ont tous deux subi des enfances malheureuses, destructrices, sans toutefois que l’on ne connaisse jamais réellement les faits. Violences sexuelles ? Physiques ? Morales ? Parents défaillants ? Alcooliques ? Peu importe finalement. L’essentiel est dans les blessures, les cicatrices, l’origine est floue. Assistons-nous au contrecoup de ces meurtrissures faisant une nouvelle victime, Ree, la fillette ? L’épouse a-t-elle délibérément fui son foyer par peur, désir de liberté ou culpabilité ? Ou bien encore, est-ce l’un de ses nombreux amants d’un soir décidé à se venger ? Ou tout simplement le mari, dans un excès de rage ?

Je dois reconnaître que là-dessus, mon doute a persisté. Passant tantôt d’une certitude à une autre. L’auteure fait intervenir des coupables de choix, pour flouter le tableau ; l’amant, le père, le délinquant, dans un ordre bien précis. Concernant cette partie de l’histoire j’ai été moins convaincue, ces personnalités sont beaucoup moins élaborées que les deux personnages principaux. Ils ne sont pas terminés, faisant presque tache au milieu de la sphère plus intime constituée par le foyer des Jones. Pourtant, la présence de ces trois individus s’imbrique dans l’explication finale, cela ne pouvait en être autrement ; dans un dénouement où tout est ratissé, remodelé, pour que chacun ait une position bien précise dans l’intrigue globale. Cette fin ne me sied guère. Elle pèche par un excès de complexité, inutile ; l’histoire jusque-là linéaire se termine sur des embranchements stériles. De nouvelles questions s’entassent, le récit s’ouvre sur une unique interrogation et se termine sur de multiples. Les motivations de tous les personnages nous sont inconnues. Nous comprenons bien leur rôle sur la scène du drame, mais ignorons tout de ce qui les a amenés aux choix cruciaux qu’ils vont faire. Je retiendrai peut-être Aidan qui porte en lui la problématique de la réinsertion des délinquants sexuels, traitée en fond ici, analyse pertinente mais trop étriquée.

Mais le plus difficile, le plus décevant surtout, est le fait que le couple Sandra-Jason me soit aussi incompris à la fin qu’au début. Cette impression est frustrante. Vous savez, l’on attend d’un livre qu’il dénoue des fils, qu’il déblaie le terrain, qu’il aille en s’éclaircissant. Aussi, quand on partage l’intimité d’une famille sur des centaines de pages l’on souhaite la quitter sans ambiguïté. Or, ici, c’est plutôt l’inverse. J’ai apprécié ce trouble autour de leur essence, leur fonctionnement, ceci faisait partie de l’histoire, c’était pertinent. Mais j’espérais comprendre, obtenir des réponses, sortir du brouillard ; il m’apparaissait évident pour la résolution que cet élément ne resterait pas sombre. Au final il y a Jason, un époux aux secrets très bien gardés, et Sandra, une jeune fille tumultueuse, bien loin de la « mère modèle » du résumé, ne l’a-t-elle jamais été d’ailleurs ? Un couple turbulent qui aurait mérité une autre « fin », qui nécessitait surtout un long travail de décorticage.

Malgré ces aléas, la sauce prend durant la majorité du texte.  Bien que les péripéties ne s’enchaînent pas, que l’enquête n’avance pas de manière fulgurante, la moelle de l’intrigue est riche, le suspense est là, reposant sur deux personnalités justement mises en scène, qui ne cessent de nous questionner. Il est cependant dommage d’avoir délaissé la police, et sa représentante, le commandant Warren, dont cette enquête est la deuxième couchée sur papier. L’auteure passe très vite sur son portrait, alors même que ce personnage introduit le récit sur une note épicée ; je m’attendais à découvrir une sacrée personnalité mais elle se fait oublier. De ce point de vue, l’enquête policière en tant que telle, j’émets des réserves sur son évolution ; l’équipe patauge et manque de clairvoyance. Quelques interrogatoires, étrangement menés, parsèment le récit mais sans grand intérêt. Non, l’histoire vaut pour son positionnement du côté des suspects, Jason en tête.

En résumé, La Maison d’à côté est un thriller qui tient la route, si l’on met de côté l’explosion finale dissonante et un peu poussive. Sans être une lecture inoubliable, ce livre m’a fait passer un agréable moment.

Et vous, avez-vous des thrillers estivaux à me conseiller ?

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