Voici le roman de la sélection Exploratology du mois de septembre. Et c’est une nouvelle fois une découverte inattendue, car il s’agit d’un livre écrit par un auteur hongrois, apparemment réputé dans son pays. La littérature de l’Est m’est pour le moins inconnue bien que m’ayant toujours attirée. En lisant le résumé j’ai immédiatement été séduite et n’ai pas souhaité attendre plus longtemps avant d’en découvrir davantage.

Résumé de l’éditeurOLYMPUS DIGITAL CAMERA

Un soir de l’an 1933, à Londres, Janos Batky, jeune scientifique hongrois, rencontre le comte Alistair Pendragon, célèbre pour sa formidable bibliothèque d’ouvrages consacrés à l’occultisme, dont fort peu de personnes ont franchi le seuil. Pourtant, sans raison apparente, le comte l’invite au Pays de Galles visiter son auguste demeure et ses rayonnages de livres rares. De retour à son hôtel, Batky reçoit un appel anonyme essayant de le dissuader de s’y rendre…Mais la passion et la curiosité l’emportent. Une fois sur place, l’hôte se rendra vite compte qu’il a pénétré au cœur d’événements tragiques et mystérieux…        

Mon avis

Autant vous prévenir tout de suite, l’histoire ne se déroule pas en Hongrie, mais au Royaume-Uni, entre le pays de Galles et Londres. Mais peu importe, cela me convenait aussi. Le personnage principal est, lui, hongrois, un sacré personnage d’ailleurs, atypique comme je les aime, en décalage totale avec la réalité et à l’humour pinçant.

La légende des Pendragon nous transporte dans un univers folklorique à l’ambiance surannée, grâce à une intrigue mêlant légendes celtiques, secrets de famille, fantômes du passé, tout cela empreint d’une touche de fantastique. Une atmosphère presque gothique s’en dégage, dans laquelle évoluent sans peine les personnages, mais qui n’est ni trop sombre, ni trop effrayante, ni trop sibylline. C’est un savant mélange justement dosé, nous offrant un récit cocasse, singulier, rythmé et aux saveurs oniriques.

Le récit est écrit à la première personne, s’apparentant à un journal de bord tenu par le personnage principal, Janos Batky (le clavier français ne me permet pas de poser les accents où il le faut), un jeune scientifique plutôt aisé travaillant au service d’autres scientifiques, sa profession réelle est incertaine, doté d’un snobisme anglais et d’un cynisme désuet. Il nous narre ce qu’il a vécu au château de Llanvygan, étrange lieu au cœur du pays de Galles, auprès du Comte de Gwynedd, homme mystérieux issu d’une lignée d’ancêtres légendaires célèbres dans tout le pays.

Nous suivons relativement peu de personnages, qui sont tous reliés d’une quelconque manière. Il ne faut pas s’étonner d’ailleurs des drôles de coïncidences parsemant le récit qui, de manière fortuite, offrent à certains personnages, venus d’on ne sait où, un rôle dans l’histoire. Au début je m’en suis offusquée, trouvant la trame grossière, puis je m’y suis adaptée et ai intégré ces hasards au registre du récit, à son aspect « conte » où les choses sont ce qu’elles sont, et où il ne faut pas toujours chercher d’explication cohérente. Car ici toute logique semble faire défaut, et finalement l’on s’y accommode. Le récit est porté par la magie du lieu, par la bonne volonté des personnages, et par l’histoire légendaire des Pendragon. Il faut certes apprécier les sciences occultes et la mystique pour apprécier l’intrigue; cette ouverture d’esprit vous aidera à laisser la porte béante à l’inopportun et au fantastique.

Ce roman, en plus de nous fondre dans une ambiance pittoresque comme le Royaume-Uni sait si bien en produire, est teinté d’humour. C’est un humour discret, surtout porté par notre héros hongrois, à grand renfort de piques verbales ironiques et de réflexions le plus souvent hors contexte; des sortes d’apartés destinés au seul lecteur, qui apportent une proximité amicale avec le narrateur en même temps qu’ils ont pour fonction de mettre à distance le récit relaté, le rendant anecdotique. Ne soyez pas surpris d’y trouver certaines références douteuses sur le sexe féminin, qui feront bondir certains caractères, notamment sur l’association entre le physique et l’intelligence des dames, mais qui ont le mérite d’être totalement assumées par le héros, derrière lequel on peut aisément apercevoir l’auteur. De plus, certaines situations sont grotesques, théâtrales et se complaisent dans l’absurde. Vous verrez ainsi un alpiniste noctambule gravissant les balcons du château ou des domestiques en habits du 17ème siècle. Enfin, une fois passés les axolotls géants, vous serez prêts à poursuivre la lecture.

Concernant l’intrigue en tant que telle, comme je l’ai laissé sous-entendre, elle n’est pas à prendre « au pied de la lettre », bien que ce roman puisse se classer parmi le genre policier, car l’enquête en elle-même est loin d’être banale. Il y a bien un « coupable » et un « mobile », mais ce qui a trait à la réalité et ce qui est de l’ordre du surnaturel sont étroitement reliés, donnant à l’histoire une dynamique particulière, bien loin des standards. Les personnages sont dotés d’une naïveté touchante, en particulier Janos Batky qui se laisse totalement porter par les événements, comme si tout ceci s’inscrivait dans l’ordinaire, et cela vient grandement participer au ton humoristique du récit. Nous suivons un drôle de personnage aux prises avec une situation qui le dépasse, à laquelle il doit trouver un sens et une issue en s’aidant d’éléments et d’indices peu communs. Alors nous, lecteurs, ne pouvons que nous laisser embarquer, sans chercher à trouver une explication logique à tout cela. Les apparitions spectrales et autres manifestations surnaturelles viennent se superposer à des événements plus tragiques; il faut alors démêler le vrai du faux. Néanmoins, nous arrivons finalement à un dénouement étonnamment construit faisant tenir droit le château de cartes branlant. Et c’est avec une pointe de nostalgie que l’on quitte Llanvygan et ses occupants singuliers.

La légende des Pendragon peut ne pas plaire, car peu conventionnel, au style bien à lui, oscillant entre le burlesque et le médiéval, et arborant parfois un masque enfantin tant l’imaginaire y est présent, à travers notamment les angoisses archaïques ancrées dans l’enfance comme la peur du noir, des monstres ou des bruits étranges. Dans tous les cas, si vous lâchez suffisamment prise pour être embarqués dans l’histoire, soyez sûrs que vous passerez un agréable moment. Il est d’ailleurs dommage que l’auteur se soit arrêté en si bon chemin, car une série de romans mettant en scène le même héros aurait été appréciable. Cela ne m’empêchera pas de poursuivre avec Le voyageur et le clair de lune du même auteur.

Et vous, les romans d’inspiration gothique vous attirent-ils ?

Rendez-vous sur Hellocoton !