Je crois que je vais revoir ce que je vous avais dit dans un de mes premiers articles, à savoir que ce blog porterait uniquement sur la littérature des 20ème et 21ème siècles. Plutôt que de faire des articles  « exceptions », j’ai décidé de chroniquer tous les livres que je lis, peu importe l’époque. Cela me permettra de pouvoir enfin me replonger dans une littérature plus classique, que j’avais un peu laissée à l’abandon lors de la création de ce blog.

Je vous présente donc La joie de vivre, un roman d’Emile Zola appartenant à la série des Rougon-Macquart, il en est le tome 12. Je m’étais arrêtée l’année dernière après avoir lu 13 livres sur les 20. J’avais vraiment envie de poursuivre ces lectures tant j’apprécie les récits d’Emile Zola. Après avoir dévoré ses romans les plus célèbres, Germinal, L’Assomoir, Nana etc… il me reste donc les « moins » connus. C’est avec La joie de vivre que ma reprise débute. Le titre m’a pour le moins interpellée, les romans de cet écrivain n’inspirant pas franchement la joie de vivre. C’est avec un mélange d’excitation et de curiosité que j’ai entamé ce livre…

RésuméCOUV

Près d’Arromanches, dans la maison du bord de mer où ils se sont retirés après avoir cédé leur commerce de bois, les Chanteau ont recueilli Pauline, leur petite cousine de dix ans qui vient de perdre son père. Sa présence est d’abord un surcroît de bonheur dans le foyer puis, autour de l’enfant qui grandit, les crises de goutte paralysent peu à peu l’oncle Chanteau, la santé mentale de son fils Lazare se dégrade, l’héritage de Pauline fond dans les mains de ses tuteurs, et le village lui-même est rongé par la mer.

Mon avis

Est-il utile de vous dire que j’ai adoré ce livre, comme tous ceux d’Emile Zola ? Qui a apprécié un livre de cet écrivain, les appréciera tous. Une fois que l’on est tombé dedans, il est difficile d’en sortir définitivement avant d’avoir parcouru tous les volumes que comporte la série des Rougon-Macquart, qu’il faille quelques mois ou plusieurs années pour cela. Pour ma part, je m’étais dit qu’avant mes 25 ans je l’aurais clôturée, à quelques mois près je pense y arriver.

Pour commencer, La joie de vivre met en scène un nombre plutôt restreint de personnages, en comparaison avec les autres romans. Ce qui est une bonne chose pour ceux qui ont tendance à se perdre facilement. Nous avons donc Pauline, l’héroïne (que l’on découvre dans Au bonheur des dames), Lazare son cousin, Monsieur et Madame Chanteau son oncle et sa tante, Véronique, la bonne, Louise, la fille d’un ami de la famille, le médecin et le curé. L’histoire se situe à Bonneville, un petit village de Normandie près de Caen. Nous suivons l’arrivée de Louise âgée de dix ans dans la famille Chanteau, son adolescence et sa vie de jeune femme.

Le récit narre des années de vie de cette famille marquées par la maladie incurable du père, les problèmes d’argent  récurrents du foyer, la froideur de Madame Chanteau et sa mort brutale et bien sûr l’amour avoué à demi-mot entre Pauline et Lazare dont celle-ci souffrira toute sa vie. Pauline, menant une vie faite de soumission et d’abnégation, endossera plusieurs rôles, celui de garde-malade auprès de son oncle, d’aide-ménagère, d’arrangeuse de mariage, de donatrice pour les petits enfants pauvres et sa propre famille et enfin de nourrice auprès d’un enfant qu’elle aurait voulu sien. Quant à Lazare, torturé par sa névrose, il n’aura vécu que dans le regard de sa cousine pour qui il est tout alors qu’en société il n’est presque rien, vagabondant de projet en projet périclitant d’avance.

Je pense, après mûre réflexion, que Pauline est le personnage le plus touchant dépeint par Emile Zola. Dès les premières pages j’ai ressenti une forte affection pour cette petite fille. Et son histoire n’a fait qu’accroître ce sentiment, qui s’est teinté au fil du récit d’un mélange de compassion et de colère face aux injustices dont elle va être la victime.

Je tiens à préciser qu’Emile Zola, dans son immense talent pour décrire ses personnages, a un don tout particulier en ce qui concerne les enfants. J’ai remarqué que ces derniers ont généralement des personnalités plus étudiées que les adultes. (Je repense au jeune couple que forment Silvère et Miette dans La fortune des Rougons qui m’a profondément marquée). Lorsque le lecteur est amené à suivre l’évolution d’un personnage, de son jeune âge à l’âge adulte (comme dans le roman que je vous présente), Emile Zola donne à l’enfance les traits les plus marquants. Il parvient parfaitement à retranscrire cette étape de la vie et le passage de l’insouciance à la mélancolie d’adulte que l’on retrouve trop souvent dans les romans de cette époque.

La joie de vivre comporte, comme tous les livres de l’auteur, des scènes extrêmement poignantes. Je pense à deux scènes en particulier : la découverte de la menstruation par Pauline et l’accouchement de Louise. Le réalisme qu’Emile Zola met dans ces descriptions est stupéfiant,la sensibilité dont il fait preuve est palpable à chaque ligne. Je ne suis pas sûre qu’un homme de notre époque parvienne avec autant de justesse à décrire les états d’âmes d’une femme dans ces moments-là, et pourtant au 19ème siècle ces choses-là étaient exclusivement l’apanage des femmes, plus encore qu’aujourd’hui.

Un autre point que je souhaite aborder est l’importance des animaux de compagnie dans les livres de cet écrivain, et de manière toute particulière dans La joie de vivre. Le chien Mathieu et la chatte Minouche ont des rôles non moins importants que ceux des humains, c’est très amusant de voir la manière dont Emile Zola les met en scène (il était un grand défenseur de nos amis les bêtes).  Minouche assiste, muette, aux spectacles se jouant sous ses yeux et  porte régulièrement en elle des petits êtres qui n’auront guère le temps de voir la lumière du soleil car noyés par la bonne dès leur naissance. Ces drames récurrents viennent faire écho au drame personnel de Pauline dont l’instinct maternel ne sera jamais pleinement satisfait. C’est un bien triste parallèle que celui-ci.

Finalement, le titre La joie de vivre porte une ironie atroce. Pauline est la joie de vivre incarnée, malgré une existence loin d’être agréable pour elle et dénuée de tous les plaisirs que la vie peut offrir à une femme. En cela, ce roman est d’une beauté incroyable, il porte en lui un optimisme fort grâce au personnage de Pauline. Mais cette joie de vivre, perdue au milieu de personnages égoïstes et peu scrupuleux, ne peut s’épanouir et finit par faner lamentablement.

La joie de vivre est bien évidemment à lire, dans la lignée des autres romans de la série des Rougon-Macquart qui constitue un monument incontournable de la littérature française.

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