Aujourd’hui je vous présente un roman dont tout le monde connaît le titre, que ce soit par le tableau, le film ou le livre. Cela faisait un moment que j’avais envie de le découvrir, car je trouve la peinture de Veermer absolument magnifique. Etrangement, je pensais qu’il avait été écrit il y a bien plus longtemps, alors qu’en réalité il date de la fin des années 90. Qu’en ai-je pensé ?

Résumé de l’éditeurphoto2

La jeune et ravissante Griet est engagée comme servante dans la maison du peintre Vermeer. Nous sommes à Delft, au dix-septième siècle, l’âge d’or de la peinture hollandaise. Griet s’occupe du ménage et des six enfants de Vermeer en s’efforçant d’amadouer l’épouse, la belle-mère et la gouvernante, chacune très jalouse de ses prérogatives. Au fil du temps, la douceur, la sensibilité et la vivacité de la jeune fille émeuvent le maître qui l’introduit dans son univers. À mesure que s’affirme leur intimité, le scandale se propage dans la ville…

Mon avis

Tout d’abord, je vais m’attarder un peu sur la couverture. Comme vous pouvez le constater, elle est tirée du film dont Scarlett Johansson joue le rôle principal, celui de la servante Griet. En achetant le livre sur internet, je ne m’attendais pas à cette couverture, et cela m’a un peu contrariée. En effet, je privilégie toujours les livres aux films justement pour pouvoir me représenter l’histoire, et donc les personnages, à ma façon. Or, ici on m’impose clairement une Griet, qui n’est certainement pas celle que je me serais représentée parmi les milliers de Griet possibles. De plus, j’ai tout de suite perçu sur le visage de Scarlett un air insolent qu’il ne me semblait pas retrouver sur le portrait de Vermeer. J’ai donc ouvert le livre avec une suspicion uniquement née de ce que la photographie m’a évoqué.

Concernant la forme, je n’ai pas apprécié l’écriture qui souffre d’un manque de style, contrastant avec l’environnement soigné du roman. Les phrases, les descriptions et les dialogues sont trop bruts et tranchés. Ce livre est écrit à la première personne. Griet revient sur un épisode marquant de sa vie, lorsqu’elle est embauchée comme servante dans la demeure des Vermeer, composée du couple parental, de la belle-mère, de la gouvernante et des cinq enfants, qui seront rapidement six et plus. L’histoire débute en 1664 et se déroule dans le village de Delft, en Hollande, là où a vécu le peintre lui-même. Le fait que le récit soit écrit comme une sorte de journal intime, bien que Griet m’apparaisse plus détachée des ses mots que si cela avait réellement été un journal, est astucieux car nous permet de suivre les émois, les pensées et l’évolution de ce personnage de manière plus étroite. Ma relation à elle a pourtant été conflictuelle durant ma lecture. Son omniprésence, bien qu’apportant une proximité avec elle, a d’autant plus amplifié les traits de sa personnalité qui ne m’ont pas plu. Griet se révèle être, sous une apparence de douceur,  une jeune fille insouciante, colérique et un poil provocatrice. Je ne vous cacherai pas que par moments elle m’a profondément agacée. Je pense que je l’aurais préférée soit clairement impertinente, soit totalement naïve. Cette demi-mesure fait ressortir un côté manipulateur et mensonger ne permettant pas un attachement à ce personnage. Cet aspect vaporeux de Griet m’a empêchée de lui fixer des contours précis.

Je n’ai donc pas été touchée par Griet, et c’est franchement dommage car le récit repose sur la sensibilité du lecteur à son histoire. Mais je n’ai pas été emportée par ses états d’âmes amoureux, je n’y ai pas crus pour être honnête.

La relation entre Griet et Vermeer, je vous préviens, est loin de faire tourner la tête si vous êtes en recherche de beaux sentiments et d’émoi virginal. En fait, nous n’avons qu’un point de vue dans cette histoire, celui de la servante. Il est impossible de savoir ce que pense le peintre, ce qu’il peut éprouver pour cette jeune fille, s’il ne la voit qu’à travers un regard d’artiste ou si quelque sentiment s’est installé. Ce mystère n’est pas déplaisant et est surtout respectueux vis-à-vis du peintre. En effet, cela aurait été prendre un risque inconséquent que d’attribuer à Vermeer des velléités purement spéculatives. Non, l’auteure n’a pas souhaité heurter certaines sensibilités, mais a préféré aborder la relation du côté de celle qui pose. C’est plus aisé et on le comprend, mais cela place Griet dans une position où elle doit être actrice. Et c’est un rôle peut-être un peu trop important pour une jeune fille de son âge, rôle qui pourrait être perçu, et c’est mon cas, pour une forme de coquetterie mal placée.photo

Les autres personnages gravitant autour de Griet sont marqués par leur jalousie, leur haine même, face à l’indulgence manifeste de Vermeer, notamment en ce qui concerne Catharina, son épouse, Cornelia, l’une des filles, et Tanneke, la gouvernante. La belle-mère Maria, magnanime et cynique, va créer une relation privilégiée avec Griet, dont cette dernière n’en tirera que les bénéfices. En fait,  j’ai eu l’impression que Griet se complaisait dans la jalousie qu’elle pouvait susciter à l’égard des autres femmes de la maison. A aucun moment elle n’a cherché à arranger la situation, se reclusant un peu plus dans l’intimité qu’elle entretient avec le peintre, au détriment de ses relations familiales et amicales. C’est certainement ce point qui m’a le plus dérangée en fin de compte. Ce manque d’honnêteté avec les autres, et avec elle-même. J’aurais apprécié que l’auteure insiste davantage sur l’admiration de Griet pour Vermeer, car cela reste finalement à l’état de supposition et teinte la relation, qui pour le coup est unilatérale, d’une note malsaine.

Certaines scènes m’ont pourtant marquée et ont titillé mon épiderme, par la féminité et la sensualité qu’elles dégagent. Je pense à celle où Vermeer insère la boucle d’oreille, la fameuse perle, dans le lobe de Griet, douloureux car tout juste percé. Douce métaphore de la défloration. Ou encore celle où elle enroule autour sa tête les morceaux de tissus qui constitueront la fameuse coiffe jaune et bleue du tableau.

Un autre élément m’a interpellée car récurrent dans le récit, il s’agit de la peur manifeste de Griet à la vue du sang. Celui-ci se présente sous différentes formes, le sang sur les tabliers ou les mains des bouchers du marché, le sang représenté par les taches de pigments rouges de peinture, le sang lors de l’accouchement de Madame Vermeer ; mais aussi par de nombreux objets tranchants ou pointus qui retiennent toute l’attention de Griet. Ces éléments n’ont pas cessé de me questionner. Au début j’y ai vu une symbolique aisée de l’acte sexuel à travers les interrogations et la crainte de Griet, qui est à l’âge des premiers troubles corporels liés à la sexualité. Mais la suite de l’histoire ne corrobore pas cette hypothèse. Peut-être cette peur est-elle plus archaïque, je ne sais pas. Qu’a souhaité nous dire l’auteure ?

La jeune fille a la perle ne m’a pas déplu, mais malgré ses qualités il reste une déception. L’histoire imaginée par Tracy Chevalier autour d’un « simple » tableau est épatante et amusante. Elle nous livre son interprétation de qui peut bien être la jeune fille, et de ce qui a poussé Vermeer à la peindre (D’où son surnom de La Joconde du Nord). A aucun moment elle n’a dénaturé le tableau, mais lui a donné une tout autre dimension. L’air insolent qui me frappait sur le visage de Scarlett Johansson, je le perçois à présent sur celui de la jeune fille de la peinture. Ainsi, l’écrivain nous montre qu’une peinture vit, qu’elle n’est jamais la même en fonction de celui qui l’observe, et que le regard que l’on porte sur elle est susceptible de varier dans le temps en fonction de facteurs extérieurs ou propres au sujet. De plus, Tracy Chevalier nous parle de cet art qu’est la peinture avec un certain professionnalisme, en insistant sur l’environnement, les objets, les couleurs, la luminosité, l’angle de vue etc… Je me suis plongée avec bonheur dans les tableaux de Vermeer dès le livre refermé.

Et vous, avez-vous lu La jeune fille à la perle ? Qu’avez-vous pensé du personnage de Griet ?

Johannes_Vermeer_(1632-1675)_-_The_Girl_With_The_Pearl_Earring_(1665)

N’est-elle pas sublime cette jeune fille ?

 

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