J’ai bien sûr lu 1984, roman magistral du 20ème siècle. Il me fallait donc lire La Ferme des animaux, le deuxième roman le plus célèbre de George Orwell, dont tout le monde connaît plus ou moins la teneur, la  ligne directrice, la portée satirique. En une après-midi c’était chose faite, lecture plus rapide que je ne le croyais.

Résumé (par moi-même)OLYMPUS DIGITAL CAMERA

Dans la Ferme du Manoir les animaux décident de renverser le pouvoir en place. Encouragés par les paroles porteuses de révolte de Sage l’Ancien, un vieux verrat au seuil de la mort, ils vont instaurer un nouveau système où les animaux sont rois. Mr Jones, le propriétaire, est expulsé de son domaine. Des commandements sont établis qui favorisent la solidarité, l’égalité et la paix entre tous les animaux. L’Homme devient ainsi l’ennemi à abattre. Mais bientôt, Napoléon, un cochon teigneux et autoritaire prend le pouvoir…

Mon avis

J’ai hésité à écrire un article sur ce livre, comme l’impression que tout avait déjà été dit, que ma brève analyse n’apporterait rien de plus. En refermant ce court texte, d’une centaine de pages, il m’a semblé avoir parcouru une histoire commune, universelle, déjà maintes fois remodelée, inscrite au rang de mythe ou bien de fable, comme celles de Jean de La fontaine. On connaît tous la morale du Corbeau et du renard, du Lièvre et de la tortue…Eh bien, c’était un peu pareil ici. Je ne me suis pas sentie différente, bouleversée, remuée par cette lecture car elle ne m’a rien apprise que je ne savais déjà. En lisant les premières lignes je connaissais déjà la fin.

Pourtant j’ai lu ce livre vite, très vite, car j’ai été transportée par cette petite histoire, à la fois amusante, tragique et tristement éloquente. On rit de ces grossiers personnages animaliers, les cochons instruits et tyranniques, les chevaux robustes et intelligents, les poules pondeuses, les moutons suiveurs. On assiste à la révolution de la ferme, à l’éviction du fermier Jones, à la révolte des hommes qui ne croient guère au succès d’un projet aussi fou, aux premières batailles entre les êtres humains et les animaux, et puis à la mécanique qui s’installe, inévitable. Dans un premier temps les animaux aspirent à un état de paix, de liberté pour tous, de solidarité aussi ; mais bien vite deux clans s’affrontent dans une lutte politique où le vainqueur prendra les pleins pouvoirs, instaurant une dictature, qui se prétend une République, remaniant à sa guise les principes clefs à la base de la société idéalisée du début. Celle-ci est née de l’esprit de Sage l’Ancien, un cochon qui décède très tôt dans le récit mais qui reste dans les mémoires, déifié par certains, les naïfs, il est renié par les opportunistes qui s’accaparent sa pensée et la tordent à leur guise.

Tous les mécanismes et instruments d’une dictature sont exposés ; la censure, le lavage de cerveau, la manipulation du passé et de la mémoire collective, la propagande, la pression psychologique, les exécutions publiques, le culte de la personnalité,  l’illusion d’un avenir meilleur, la célébration du travail, toujours plus aliénant et sans but comme nous le démontre la construction sans fin d’un moulin détruit puis rebâti.

Il est bien connu que ce texte est une condamnation de la Révolution Russe, du stalinisme précisément. Ainsi, certains animaux représentent une personnalité ou un courant de l’époque. Néanmoins, cet apologue peut être largement étendu en représentant toute forme de prise de pouvoir, et l’illusion des peuples face aux démagogues. Il expose une triste réalité, quelque chose qui est amené à se reproduire inévitablement; car parmi les multitudes de personnalités et de caractères, des catégories se distinguent qui composent toujours sensiblement le même schéma. Orwell disait que dans ce texte il y a un moment précis où le récit était à la croisée entre deux chemins, où le peuple pouvait retourner la situation, c’est l’instant où tout aurait pu basculer, si l’assemblée s’était alors révoltée. Il s’agit de le mainmise des cochons sur les pommes et le lait des vaches alors que la notion de partage était l’un des principes fondateurs de leur société. Orwell souligne que, si les autres animaux avait levé la voix alors la dictature ne se serait jamais mise en place. Tout ne serait qu’une question d’occasion. Mais c’est oublier ce qui a précédé, la longue préparation destinée à embrumer les esprits pour leur faire accepter l’inacceptable. L’auto-attribution du lait et des pommes fait suite à de nombreuses entorses au prétendu règlement. Alors, à quel moment inscrire le point de non-retour ? Ceci me paraît bien difficile, il n’y a ni avant, ni après, mais un cheminement prévisible vers le chaos et le retour à un état, apparemment similaire, mais beaucoup plus sombre que le précédent.

La Ferme des animaux est un livre à lire, assurément. Distrayant, instructif et lucide, il n’est certes pas révolutionnaire (haha) mais il élague les vérités, expose la réalité du pouvoir, de la politique. Le monde animal n’attendrit pas cette réalité, au contraire même, je crois qu’elle en devient encore plus brutale, encore plus stupide aussi. Et puis, ce sera peut-être la seule fois de votre vie où vous vous poserez la question : Qu’aurais-je fait à la place de ce mouton, de cette poule ou de cette vache ?

Et vous, avez-vous lu ce récit ?

Rendez-vous sur Hellocoton !