C’est en me renseignant sur le roman gothique du 19e siècle que j’ai découvert La dame en blanc, dans une liste de livres réputés. Le texte présageait du mystère, une ambiance british oppressante et un suspense haut de gamme. Bien que ce genre ait fructifié il y a maintenant deux siècles, il apparaît qu’il a influencé le policier moderne. Il fait écho à deux romans dont je vous ai parlé, La légende des Pendragon et plus récemment, Les Envoûtés. Château hanté, romance torturée, drames nocturnes… Des ingrédients qui pour l’instant ne m’ont pas encore lassée par leur redondance. J’ai souhaité ici revenir aux origines, c’est-à-dire au gothique anglais ; cette terre ayant vu naître les premiers écrivains du genre.

Résumé de l’éditeur

Dans la fournaise de l’été, en ce milieu de 19e siècle, William Hartright, jeune professeur de dessin émérite, s’apprête à quitter Londres pour enseigner l’aquarelle à deux jeunes filles de l’aristocratie, dans le Cumberland. Il laisse derrière lui la vie trépidante de la ville et ses étranges incidents, comme cette rencontre en pleine nuit avec une jeune femme terrorisée, toute de blanc vêtue, semblant fuir un invisible danger…

Mon avis

Ce récit est un sacré morceau, d’un filandreux exquis et rare qui en déconcertera plus d’un ! N’ayez crainte, les fils mis au jour formeront un merveilleux tissage qui offrira son motif dans les ultimes pages ! L’auteur fait montre d’une grande prouesse dans ce roman, dont la narration, malicieuse et méticuleuse, supporte une intrigue à la fois intime et gigantesque dont nos récits contemporains pourraient largement trouver matière à inspiration. C’est justement désuet, et étonnement moderne.

Revenons à l’histoire, qui nous est racontée par les principaux protagonistes, à tour de rôle. Chacun prend la plume et se livre pour constituer une sorte de dossier judiciaire, où toutes les clefs pour déceler l’énigme sont offertes par les uns et les autres. C’est en croisant les récits que l’on comprendra la trame. Ce procédé n’est pas rare mais efficace, ça oui. Walter Hartright est le narrateur dont la parole est la plus complète, il est la pièce extérieure. En ouvrant et clôturant le roman c’est à lui que revient le travail de reconstruction et de saisie de tous les éléments en jeu. Mû par un amour fulgurant, il se donne corps et âme pour percer la vérité d’une bien étrange affaire.

Figurez-vous ce jeune homme, dessinateur de son état, contraint d’abandonner son doux amour à peine éclos, sa belle est promise à un autre, homme prestigieux et noble. Fuyant son pays pour réparer son cœur, il laisse derrière lui Laura, la jeune femme, et sa sœur, Marian, toutes deux très vite prises dans un drame tortueux qui trouvera sa résolution quand Walter reviendra sur ses terres. Tout semble commencer par une mystérieuse apparition, à la nuit tombée, celle d’une jeune femme vêtue de blanc, échappée d’un asile et ressemblant étrangement à la belle Laura. L’identité de cette Cassandre est rapidement devinée. Elle a connu sir Percival, le futur époux de Laura, et a été enfermée, selon ses dires, par sa faute.

Marian, la sœur, est le personnage le plus sagace de ce récit. Bien loin de la légèreté et de la bêtise de Laura, cette pauvrette incapable et balbutiante, elle est force, caractère et détermination. Si ombre il y a, elle se fera violence pour y apporter la lumière. En femme insoumise elle ne supporte pas la dévotion aveugle de sa sœur pour un homme qu’elle ne peut souffrir. Marian a des yeux de partout et décèle dans les non-dits et les regards fuyants le malheur à venir. Il lui faut protéger sa sœur, quoi qu’il en coûte. Les manigances de sir Perceval et son ami italien, l’insaisissable Fosco, ne resteront pas indéfiniment camouflées. Avec Walter elle forme un duo tendre et inflexible de gentils détectives.

Dans ce roman se mêlent sentiments, héritage, pouvoir, folie, manipulation et filiation. Les personnages, peu nombreux au final, composent une tragédie complexe finement jouée où les caractères de chacun sont exploités à leur juste mesure, dans le respect de leur singularité. Ma préférence se porte vers Mr Fairlie, l’oncle névrosé qui ne tolère aucun bruit, aucune secousse, aucune perturbation dans sa paisible existence menée depuis un lit qu’il ne quitte pas. Hypocondriaque, il apporte la touche d’humour adéquat au récit ; j’aurais apprécié que ce fantasque soit davantage étendu.

Pour autant, et en admettant avoir lu cette histoire avec un immense plaisir, je regrette une longueur abusive qui a érodé mon attention en milieu de route. C’est-à-dire que l’auteur nous raconte son intrigue avec une volonté de dire tout, et absolument tout. Les faits et gestes sont minutieusement retranscrits, comme autant de détails à retenir en vue d’un dénouement trop lointain. L’histoire, racontée par plusieurs voix, est exploitée à son maximum. Je crois n’avoir jamais lu un récit aussi complet, usant avec une telle ferveur le moindre recoin de son contenu. C’est un souci extrême de clarté et de vérité ; quitte à se faire répéter les choses, sous un autre point de vue, pour être sûr de bien tout comprendre. Car l’intrigue est mûrement réfléchie, et indémontable. Tout se tient, pas d’inquiétude. Mais un manque d’action en cours de route m’a tout de même chagrinée et fait attendre la fin avec impatience ; je n’aurais pas lâché ce livre avant d’en connaître la clef de voûte.

Je suis aussi un poil déçue de n’avoir pas retrouvé l’ambiance exacte que j’augurais. Le sinistre ne marque pas le texte de son sceau. Il y a bien un château, un cimetière et cette dame en blanc aliénée, mais le ton global rappelle plus l’intrigue sentimentale d’un récit victorien emmené par une romance. Les femmes tombent dans les vapes, reniflent des sels et complotent sous couvert de leur maladie. Pourtant le dénouement et l’explication, en fait le tissage, sont, eux, presque policiers et paraissent être nés de l’esprit d’un détective. Le rendu est original et plaisant, satisfaisant tous types de lecteurs, pour un final absolument machiavélique.

Vous l’aurez compris, La dame en blanc est un roman qui contentera les amateurs d’histoires à tiroirs, où les ambitions, les orgueils et les intérêts entrent en conflit pour émousser les esprits. C’est du solide ! Mais il va d’abord falloir passer par une longue narration avant que les secrets soient éclatés. La patience sera votre maître-mot, vous ne le regretterez pourtant pas !

Et vous, connaissez-vous le roman gothique anglais ? En avez-vous à me conseiller ?

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