Après une longue pause dans ma lecture des romans de Maxime Chattam, je reviens aujourd’hui avec l’un de ses derniers livres, paru en 2013. J’ai été tellement déçue par Le Requiem des Abysses, qu’une césure m’a été nécessaire. J’apprécie beaucoup cet écrivain, les univers qu’il crée font partie des plus sombres que j’ai pu découvrir. A chaque nouvelle lecture je me demande jusqu’où il va aller dans l’horreur, car il ne semble avoir aucune limite. Néanmoins, malgré la diversité des thèmes explorés, et avec un certain recul à présent, je découvre une redondance dans la structure de ses intrigues, et la surenchère dans le gore a eu raison de ma fidélité. De plus, j’ai appris à me méfier de ces écrivains qui parviennent à publier au rythme d’un roman par an; je ne peux m’empêcher de trouver cela suspect. Toujours est-il que j’ai fini par replonger, ne souhaitant rester sur une note aussi amère.

Résumé de l’éditeurOLYMPUS DIGITAL CAMERA

Les enquêteurs les surnomment La Bête et Le Fantôme…Si les meurtres qu’ils commettent ne se ressemblent pas, leur sauvagerie est comparable. Et que penser de cette mystérieuse signature commune – *e – qui écarte la piste de serial killers isolés ? Les tueurs se connaissent-ils ? Mais bientôt, La Bête et Le Fantôme ne sont plus seuls. Les crimes atroces se multiplient, d’abord en France, puis à travers l’Europe tout entière. La prédation à l’état brut. Une compétition dans l’horreur… Pour tenter d’enrayer cette épidémie, et essayer de comprendre : une brigade pas tout à fait comme les autres, épaulée par un célèbre profiler.

Mon avis

Revenir à du Chattam après de longs mois de séparation est tout de même loin d’être désagréable. Il y a un aspect malsain dans la démarche de prendre un de ses livres en main, comme une envie de sang frais, de cadavres malmenés et autres joyeusetés. De plus, ce sont des  lectures « aisées», dans le sens où l’on sait qu’en quelques pages le décor est planté, et qu’il n’y a donc qu’à se laisser bercer au rythme des rebondissements, le plus souvent macabres. Je dois dire que je parcours ces romans avec une facilité déconcertante. Maxime Chattam réussit toujours à  me happer, et je n’y oppose aucune résistance; j’ouvre toutes mes barrières afin d’être prête à découvrir des cadavres toujours plus amochés, à partir à la poursuite des criminels les plus détraqués qui soient. Lorsque l’écrivain maîtrise les ficelles du suspense, même les plus grosses, il faut être bien coriace pour ne pas avoir envie de lâcher un peu de lest et se laisser guider.

La Conjuration primitive nous expose une enquête qui, malgré le rythme effréné des crimes et l’escalade dans l’horreur, m’est parue bien fastidieuse. Nous suivons une équipe de gendarmes dont les idées peinent à venir, et ce n’est malheureusement pas l’assistance d’un criminologue, pourtant mondialement reconnu, qui provoquera l’émulation tant attendue. Il faut préciser, pour leur défense, qu’ils sont confrontés à une tuerie de masse sans précédent, combinant des modes opératoires variés, qui laisse penser que nous sommes face à une communauté de criminels en puissance. J’ai pourtant trouvé la brigade très lente dans sa pratique, pataugeant dans la sauce, totalement dépassée, peu réactive, et faible d’esprit. Des pistes énormes sont étonnement mises de côté sans raison apparente, si ce n’est afin d’y revenir plus tard pour donner un coup de fouet à une intrigue vacillante. Cette brigade, qui appartient à la gendarmerie cette fois-ci, pour changer de la police, ne m’a pas convaincue. Elle nous est présentée comme « pas tout à fait comme les autres ». Je m’interroge sur l’échelle de mesure utilisée par l’auteur du résumé, mais en ce qui me concerne, la brigade m’est apparue des plus insignifiantes, elle tendrait même à se démarquer par son manque de professionnalisme. D’ailleurs, pour revenir à la distinction entre gendarmerie et police, il aurait été intéressant d’en extraire des singularités afin de nourrir le récit. Car dans leur pratique je n’ai guère constaté de différences marquantes. Les personnages composant cette brigade sont bien fades, sans grandes personnalités, clones de tant d’autres. Maxime Chattam fait le choix de se concentrer sur son intrigue, sur l’atrocité des crimes qu’il nous décrit avec des détails qui contenteront les cœurs les plus accrochés, mais pour mieux délaisser ses personnages qui, d’un livre à l’autre, sont similaires. Il s’attache par contre à créer des criminels bien distincts, ayant leurs propres motivations et aux modes opératoires uniques.

Pour compléter l’équipe de gendarmes, l’auteur ajoute donc un criminologue un peu éteint, qui par moments se lance dans des tirades à rallonge sur la psychologie des tueurs, dont le contenu est radoté tout au long du récit. Les répliques ont déjà été lues dans divers romans du genre, légèrement stéréotypées elles ne présentent que peu d’originalité; il m’est arrivé de sourire tant le trait décrit était gros. D’ailleurs, pour souligner la platitude de ce criminologue, je constate qu’il se fait de plus en plus discret au fil du roman, pour finalement n’avoir qu’un rôle de conseiller dans l’élucidation de l’enquête.

La multiplicité des crimes commis m’a, elle, fait tourner la tête. Je me suis emmêlé les pinceaux entre les victimes, les coupables, les lieux d’exécution, les méthodes….Il m’a été bien difficile de maintenir une distinction nette entre chacun des meurtres. Mais un sacré rebondissement, osé mais pertinent, du genre qui me plaît car trop peu utilisé par les auteurs de polars sombres, vient ajouter un peu de piment en milieu de parcours et recentrer l’intrigue.  Ce retournement de situation m’a interpellée, me permettant de réinvestir le récit, que je finissais par survoler sans m’en rendre compte.

Néanmoins, la découverte finale de ce qui se trame derrière ce spectacle macabre ne m’a guère surprise. J’ai cherché un coupable, la tête pensante du groupe, car c’est un réflexe primaire lorsque je lis un policier. Mais ici l’entreprise était vaine, puisque l’essence des crimes nous dépasse largement, et Maxime Chattam nous le fait rapidement comprendre, en nous dévoilant les meurtriers comme s’il ne s’agissait que de banales informations. On comprendra donc que l’intérêt du récit ne réside pas dans la quête du coupable, le grand méchant, qui nous sera révélé aussi trivialement que ses sous-fifres. Mais alors, où réside l’intérêt du récit ? Maxime Chattam fait déborder son intrigue de meurtres en tout genre, nous balade de droite à gauche, nous faisant même voyager en Europe et ailleurs. Le texte est long, j’ai eu la désagréable impression de me faire un peu berner. Et lorsque j’ai pu lever le voile sur le mystère, eh bien, malgré la dimension monumentale de l’œuvre meurtrière et son implication à grande échelle, je suis restée pantoise, « tout ça pour ça » me suis-je presque dit.

Maxime Chattam a une fois de plus franchi un cran dans la noirceur, mais je n’y crois plus. C’est du pur délire, le final est grandiose dans l’absurdité. De plus, il emprunte une idée qu’il avait déjà traitée dans un autre de ses romans (dont je tairai le nom), la surexploitant à son maximum. Il ressasse une même théorie, la remâche, pour en extraire encore un peu plus de jus. Mais on ne m’aura pas, car je constate qu’il n’y a rien nouveau dans ce roman. L’auteur a simplement extrapolé un concept déjà vu, lui apportant certes d’autres dimensions, un autre cadre, et l’abordant sous un nouveau point de vue peut-être, mais l’idée est figée. Du Chattam qui copie du Chattam, c’est assez cocasse.

En définitive, j’ai lu La Conjuration primitive avec une certaine ardeur, puisque le suspense est présent malgré tout. Mais le manque d’innovation dans l’histoire (pour du Chattam j’entends), et donc de recherche, m’a une nouvelle fois déçue. J’avais envie de nouvelles sensations, de découvrir d’autres facettes de cette noirceur humaine avec laquelle il aime tant jouer, la chute est brutale. A présent, je ne sais plus quoi attendre de Maxime Chattam . Il faut dire qu’après avoir lu une grande partie de sa bibliographie mes attentes sont plus pointues. Vais-je réitérer l’expérience dans quelques mois après deux déceptions consécutives ? Peut-être, l’avenir nous le dira. Mais il n’en reste pas moins que Chattam a perdu de son attrait à mes yeux.

Et vous, adeptes de Maxime Chattam, rejoignez-vous mon avis ?

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