Cela faisait longtemps que je n’avais lu de Franck Thilliez. Et puis, j’ai eu l’envie soudaine d’une histoire prenante et anxiogène comme il sait si bien les écrire. Mon attente a été comblée. Mais une fois la dernière page tournée, malgré ma satisfaction, malgré le plaisir évident qui en a résulté, je me suis retrouvée incapable d’en parler. Ou plutôt, pour la première fois je n’ai pas été piquée par l’envie de vous livrer mon avis, hésitant à sauter cette lecture pour une autre sur laquelle je pourrais être plus prolixe. Mais ayant passé un agréable moment, il aurait été dommage de me taire…

Résumé de l’éditeurOLYMPUS DIGITAL CAMERA

Imaginez…Vous roulez en pleine nuit avec votre meilleur ami, tous feux éteints. Devant vous, un champ d’éoliennes désert. Soudain le choc, d’une violence inouïe. Un corps gît près de votre véhicule. A ses côtés, un sac de sport. Dedans, deux millions d’euros. Que feriez-vous ? Vigo et Sylvain, eux, ont choisi.

Mon avis

Dans ce livre, tout est là. Nous avons une entrée en matière amplement efficace, l’auteur ne tergiverse pas, la scène d’ouverture est réussie et ne donne qu’une seule envie, poursuivre. Et puis il y a le premier meurtre, celui d’une petite fille, suivie de l’enquête. Il y a du suspense, dispensé généreusement, des rebondissements, des découvertes, des questionnements à profusion. Le lecteur a un pied dans un réel plus conformiste avec les délinquants des premières pages, deux chômeurs au désespoir, et un autre dans la folie pure à travers des crimes abominables et cabalistiques signe d’un esprit tourmenté et diabolique. Il y a aussi, forcément ai-je envie d’ajouter, une enquêtrice elle-même torturée, en proie à des idées frôlant étrangement avec la frontière même la séparant de ce qu’elle traque à longueur de journée, le mal.

Ce roman expose la destinée de deux criminels, l’un qui se découvre, l’autre qui met en application ses plus primitifs désirs. Rien ne les rapproche si ce n’est le fait d’avoir ôté la vie de manière volontaire. Ils auraient pu évoluer dans deux histoires distinctes, aux genres totalement différentes, Thilliez les confronte ici, apportant le seul souffle d’originalité de son intrigue.

J’ai particulièrement apprécié l’histoire autour des deux chômeurs qui constitue un drame plus proche de nous, plus dramatique donc. Ils commettent, dans un accès d’inconscience et d’ivresse, un meurtre, ou plutôt le conducteur est seul responsable dans l’instant ; son acolyte devient coupable dès lors qu’il ne cède au désir d’appeler la police. Ensuite, c’est la descente infernale. Ils ont récupéré un sac contenant deux millions d’euros à côté du corps, se sont débarrassés de ce dernier en le jetant à l’eau et ont fait un pacte, se taire à jamais, s’enrichir en douceur et prier pour que jamais l’on ne retrouve leur trace. L’intrigue générale abordée sous cet angle est ce qui m’a le plus plu. J’ai été suspendue à leurs faits et gestes, j’ai assisté impuissante à l’effilochage évident de leur amitié et puis au renversement brutal des forces, et enfin à l’acte d’un désespéré, bien plus cruel, mais moins spectaculaire, que celui du déséquilibré qu’est le meurtrier sanguinolent.

Car cette intrigue en rejoint une autre, la principale, celle autour de la mort d’une fillette. Cette dernière est étrangement plus classique alors même qu’elle mobilise un cortège d’ignominies et de symboles laissant penser que le tueur s’inscrit dans la lignée des monstres sanguinaires aux fantasmes lubriques et impénétrables. Nous y trouvons entre autres de vieilles poupées, de la taxidermie, des dissections et des insectes.  Mais, il y a comme un goût de déjà-vu dans cette mise en scène. On connaît la rengaine. La jeune Lucie, la policière torturée, est l’élément de trop par là-même qu’elle est torturée. Je ne compte plus les romans de ce genre où l’enquêteur se dissout dans son enquête. C’est trop commun, et bien souvent inapproprié.

Fort heureusement, Thilliez frôle le sujet, il ne nous donne qu’un début de réponse et c’est tant mieux. Je n’avais pas envie d’en savoir plus. Il survole aussi son meurtrier, fait fi d’explications sur son comportement, ses crimes. Il se contente de l’action. Celle-ci est fournie, fouillée, elle suit son chemin, allant de découverte en découverte. Et le lecteur se laisse embarquer presque malgré lui dans l’enquête, jusqu’au final où il apprendra qui est donc ce mystérieux assassin.

Je ne vais pas m’étaler sur ce roman, il a tout pour plaire aux amateurs du genre, il est efficace, il est bon. Mais j’appréciais davantage Thilliez quand il sortait des sentiers battus, notamment avec Puzzle, Vertige ou L’Anneau de Moebius qui m’ont scotchée. La chambre des morts est scolaire, loin d’être exceptionnel, mais réussi. Je crois que s’il avait davantage incliné son histoire du côté des deux chômeurs celle-ci aurait eu plus de peps, plus d’originalité. Car l’idée de mettre en parallèle deux drames aussi éloignés, dans l’agir, dans l’intention et dans l’évocation, était maline. Mais le rang choisi, faire passer l’enquête des fillettes en premier, certes plus logique, recadre l’intrigue, la cloisonne dans un récit aux saveurs éprouvées. D’ailleurs, le résumé proposé en quatrième de couverture n’évoque absolument pas l’enquête policière principale, c’est trompeur, peut-être que si tel avait été le cas je n’aurais pas été aussi intriguée par ce roman…

Vous pouvez toujours regarder le film, qui vaut ce qu’il vaut. L’ayant visionné juste après ma lecture je me suis surtout attardée sur ce qui faisait défaut par rapport au livre, donc mon avis n’est pas vraiment objectif. Mais paraît-il qu’il est bien. C’est malheureusement le seul roman de Franck Thilliez qui a été interprété, et pas le meilleur. Vertige pourrait, lui, offrir un film exceptionnel !

Et vous,  ressentez-vous parfois une lassitude à expliquer pourquoi vous avez aimé ou non tel livre ?

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