Aujourd’hui, je vous présente un livre un peu particulier. Il m’a été conseillé plusieurs fois, j’ai donc fini par me jeter à l’eau. Et puis, la question que l’on trouve dans le titre, je me la pose quotidiennement depuis quelques temps déjà. Je suis en pleine réflexion sur mon alimentation, et le bien-être animal surtout. Et, une fois que ce genre de questionnement s’est immiscé dans votre quotidien, il est difficile de l’en extraire. Ce livre est donc tombé à point nommé pour moi. En l’ouvrant, je savais à peu près à quoi m’attendre, puisque je me renseigne régulièrement sur le sujet. J’étais avant tout curieuse de la manière dont l’auteur pouvait traiter dans un livre entier d’un thème aussi sensible et sujet à controverses.

Résumé de l’éditeurOLYMPUS DIGITAL CAMERA

Comment traitons-nous les animaux que nous mangeons? Convoquant souvenirs d’enfance, données statistiques et arguments philosophiques, Jonathan Safran Foer interroge les croyances, les mythes familiaux et les traditions nationales avant de se lancer lui-même dans une vaste enquête. Entre une expédition clandestine dans un abattoir, une recherche sur les dangers du lisier de porc et la visite d’une ferme où l’on élève les dindes en pleine nature, J.S. Foer explore tous les degrés de l’abomination contemporaine et se penche sur les derniers vestiges d’une civilisation qui respectait encore l’animal.

Mon avis

Premièrement, j’imagine que le lecteur type de ce livre est une personne qui s’est déjà posé la question de ce qu’elle a dans son assiette, et qui a un minimum de sensibilité par rapport à la condition animale. C’est un premier pas, qui permet de se laisser plus facilement « convaincre » par les mots et les données que nous dévoile l’auteur. Pour oser franchir les barrières de cet univers fait d’absurdités et d’abominations il faut être préparé au pire, et surtout être prêt à revoir ses positions. Ce qui n’est malheureusement pas le cas de tout le monde.

Ce livre, je l’ai dévoré, sans mauvais jeu de mots. Je m’attendais pourtant à ressentir un certain ennui au bout des quelques 400 pages, craignant de relire ce que j’avais déjà entendu et vu des centaines de fois. Mais le récit est multiforme, alternant des données scientifiques avec des récits personnels, des expériences de vie, des interviews même, et quelques réflexions philosophiques. Le tout est passionnant, hypnotique et révoltant. J’ai refermé ce livre avec un profond dégoût, et pourtant je n’ai pas eu l’impression d’apprendre énormément de choses. Mais le fil suivi par l’auteur est insidieux, et laisse le lecteur dans une drôle de posture. Ainsi, ce dernier se posera sûrement la question que je me suis moi-même posée, Que faire à présent ?

Les faits nous sont exposés avec une brutalité déconcertante, mais en même temps l’auteur propose des solutions alternatives réjouissantes, qui pourront rassurer les carnivores les plus coriaces. Le lecteur ne peut que se sentir obligé d’agir à son tour. J’ai été écœurée, révoltée, scandalisée, comme à chaque fois que j’ai sous les yeux la preuve que le monde ne va pas très bien. L’auteur nous montre des choses peu reluisantes, qui font honte au genre humain. Ce livre est une mine d’informations pour les novices, et aussi un appel à la réflexion, en apportant plus de questions que de réponses. J’ai aimé le fait que Jonathan se positionne plutôt en retrait, et qu’il tente de donner la parole à tous les points de vue. A aucun moment il n’est dans la revendication ou le prosélytisme. Jonathan nous parle aussi bien de la volaille, que des bovins ou des poissons. Il a passé trois années à étudier des centaines de données afin d’étoffer son discours. Il sait sur quel terrain il marche, il connait les failles, les faiblesses, les forces de l’opposition. Je précise que l’analyse exposée dans ce livre porte essentiellement sur les Etats-Unis, dont est originaire l’auteur. Mais, il est inutile de rajouter que ce qui se passe là-bas, se produit de la même manière ici, dans d’autres proportions peut-être.

J’ai beaucoup apprécié son entrée en matière, la comparaison avec l’animal domestique, et l’aspect culturel de l’alimentation que développe l’auteur. Je me suis un peu reconnue dans son histoire personnelle  et son cheminement intellectuel. Sa remise en question a en effet été déclenchée par une rencontre avec un chien, lui qui détestait tant ces animaux et n’aurait jamais craché sur un bon steak. Les animaux sont source d’un bonheur immense pour une grande partie de la population, et personne n’imaginerait tuer son animal de compagnie pour se nourrir. Alors pourquoi cette insensibilité consciente face au drame qui se joue dans les élevages industriels. Cette contradiction n’a pas fini de m’interroger…

L’auteur nous parle de l’aspect culturel que constitue le fait de manger de la viande ; il va plus loin dans sa réflexion et fait intervenir ses souvenirs d’enfance, notamment les repas familiaux, lorsque sa grand-mère préparait des plats devenus des réceptacles de la mémoire familiale. Cet aspect du repas est indéniable, et je pense que c’est le plus dur à admettre et à faire évoluer quand on souhaite passer au végétarisme. Renoncer à la viande, c’est renoncer à une certaine tradition du repas de famille, choix qui peut être perçu comme un sacrilège. Jonathan tente justement d’atténuer cela en ne condamnant pas ses souvenirs mais en en faisant naître de nouveaux. Il nous parle aussi de la paternité, qui a eu un impact fort sur sa décision de ne plus consommer de viande, en lui insufflant une force supplémentaire pour mener son combat, et son désir de transmettre à sa descendance de nouvelles manières de consommer.

OLYMPUS DIGITAL CAMERAEnsuite, je trouve que le titre Faut-il manger les animaux ? ne correspond pas forcément à la réalité du livre (Le titre anglais original est d’ailleurs simplement Eating animals). En effet, à aucun moment l’auteur ne cherche à apporter de réponses à cette question. Il ne prend pas le parti d’ un éclairage philosophique au fait de manger des animaux, il n’est pas contre ce fait d’ailleurs. Ce livre est surtout centré sur l’élevage industriel et les conditions de mise à mort des animaux que nous consommons. En ce sens, le titre est selon moi un peu trompeur. Je m’attendais à une analyse plus poussée du pourquoi nous continuons à manger des animaux et si cela a encore un sens de nos jours. Mais la question n’est que faiblement abordée.

Un autre petit regret, j’aurais peut-être souhaité que l’auteur secoue un peu plus ses lecteurs, jusqu’à même les faire  culpabiliser…Ce qui n’est absolument pas le cas ici. Certes, Jonathan est virulent dans sa condamnation des abattoirs, mais le consommateur est lui mis de côté, parfois un peu victimisé. J’aurais aimé une prise de position un peu plus franche de sa part. Mais j’ai conscience que cela en aurait refroidi plus d’un. Cette manière de procéder est cependant plutôt intelligente, car je suis persuadée qu’ainsi Jonathan atteint plus facilement la conscience du lecteur. En y réfléchissant, aurait-il été besoin de mettre ce dernier en porte-à-faux, alors qu’il peut se rendre compte aisément qu’en tant que consommateur il est clairement pris pour un c** ? C’est le dindon de la farce, celui à qui on fait avaler un tas de cochonneries sous une apparence à priori attractive, mais cela reste à voir. Ceci dit, on le savait déjà non ?

De plus, un autre point m’a dérangée, voire choquée. Jonathan aborde les conditions de travail des salariés des abattoirs. Sur cet aspect-là, je le trouve très, trop, souple en plaçant l’ouvrier comme victime du mécanisme dans lequel il est imbriqué. Comme si le sadisme et l’inhumanité étaient excusables dans de telles conditions. En ce qui me concerne, j’aurais été bien plus virulente, je le reconnais.

Par contre, l’auteur nous fait grandement réfléchir sur la manière dont la société considère les animaux que nous consommons. Il met son lecteur au pied du mur, face à l’évolution dramatique qu’a suivie l’élevage depuis un siècle.

Ce livre m’a convaincue, non pas sur le fait de consommer ou non de la viande industrielle, car l’auteur prêchait une convaincue, mais dans la manière dont il aborde un sujet jugé aussi sensible. Il ne cherche pas à rassembler à tout prix les lecteurs dans son mode de vie, il convoque nombre d’idées qui en apparence peuvent paraître opposées. Il précise qu’il ne s’agit pas de prôner le végétarisme, mais d’amener une prise de conscience sur les horreurs qui se produisent au quotidien pour suralimenter en viande les pays riches, ce qui est déjà un pari incertain.

Faut-il manger les animaux ? peut, et doit, être lu par tous. Et, si un lecteur le referme en ne modifiant absolument rien dans sa manière de consommer, c’est OLYMPUS DIGITAL CAMERAqu’il est alors  définitivement borné, stupide et insensible, voire cruel. Certains feront le choix d’un végétarisme assumé, d’autres se tourneront définitivement vers des produits plus éthiques ; mais un changement doit s’opérer. Ce livre ne devrait pas créer la polémique, car de ce qui nous est dit rien n’est faux. Je ne comprends pas comment il a pu susciter autant de réactions négatives, la plupart irréfléchies et ne faisant pas avancer le débat. Car comme le dit l’auteur, nous avons tous une sensibilité au bien-être animal, il est donc inutile de se lancer des pierres. La seule chose qu’il condamne ce sont les élevages et les abattoirs industriels, qui n’apportent aucun avantage et qui ne sont pas viables. A partir de là, nous pouvons envisager de nouvelles solutions plus humaines, plus respectueuses de l’environnement, et plus pérennes.

Ce livre, bien qu’intelligent, et abordant une palette large du problème, souffre néanmoins de certaines répétitions, parfois indigestes quand il s’agit de la description des conditions de vie et d’abattage des animaux.

Malgré la quantité d’informations transmises et traitées, je ne me suis absolument pas ennuyée durant ma lecture. La structure du texte permet au lecteur de passer d’une histoire à une autre, et donc de ne pas être assommé d’informations rébarbatives. Les 400 pages se lisent très bien. Ainsi, et vous l’aurez sûrement constaté, Faut-il manger les animaux ? ne m’a pas laissée stoïque, car il aborde une problématique qui touche de près ma sensibilité, et pour laquelle je n’ai que peu de tolérance, je l’admets. Disons que, si je ne devais mener qu’un seul combat dans ma vie, ce serait celui pour la protection animale.

Et vous, ce genre de livre vous attire-t-il ou au contraire vous rebute-t-il ?

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